Dimanche de Pâques

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2008-2009

Il devait avoir aux alentours de six ans. Son cartable semblait en tout cas bien lourd à porter. Il avait les yeux pétillants de vie et n'arrêtait pas de poser des questions à son papa. La scène se passait dans un ascenseur de cet hôpital, il y a juste trois semaines. A un moment donné, l'enfant demanda : « papa, c'est quoi les francs belges ? » Le père expliqua à son fils, un peu gêné vu le monde qui l'écoutait, que c'était la monnaie de notre pays avant le passage à l'euro. L'enfant reprit : « mais alors cela veut dire que nous étions déjà belges avant l'euro ? ». Il était tout étonné de sa découverte et repartit de plus belle avec d'autres questions. Dans cette bribe de conversation entendue, j'ai apprécié à la fois l'incrédulité de ce petit garçon mais aussi sa logique enfantine. J'aurais aimé qu'il pose également des questions sur le mystère de Pâques et de pouvoir écouter quelles conclusions il allait en tirer. Cela m'aurait certainement inspiré pour cette homélie. Nous sommes ce matin encore un peu comme les disciples. Nous arrivons de divers horizons pour nous trouver devant un tombeau dont la pierre a été roulée. Nous y sommes d'abord venus avec notre c½ur. Tout comme Pierre et Jean, notre c½ur avance plus vite que notre raison. Notre présence en cette chapelle en est la preuve. L'amour de Dieu nous guide vers ce lieu, vers cet événement de Pâques qui est tellement de l'ordre de l'indicible que nous aimerions juste garder le silence et simplement partager l'amitié. Notre c½ur nous fait ainsi redécouvrir que le temps ne peut pas ronger la tendresse, que l'amour est plus fort que toute mort et qu'il ne passera jamais. C'est donc avec le c½ur que nous sommes conviés à entrer dans ce mystère pascal. La pierre a été roulée et pourtant le tombeau n'est pas vide puisqu'il est habité des signes de la mort, traces d'un passage pour le Fils de Dieu. Le linceul et le linge qui avait recouvert la tête sont toujours là. Ces deux petits détails sont importants. En effet, lorsque Lazare sortit du tombeau, il a du être délié de ses bandelettes. Cette fois, il n'en est rien pour le Christ. Il a été ressuscité par le Père. Nous nous situons donc face à un événement d'un autre ordre qui va au-delà de tout savoir, au-delà de toute compréhension. Les traces de la mort sont présentes et pourtant le Christ n'est plus là. Il séjourne ailleurs. Et c'est cette réalité précise qui sera le déclencheur du chemin de foi du disciple que Jésus aimait, c'est-à-dire chacune et chacun d'entre nous. Nous sommes entrés dans le temps de l'après-mort de Dieu. Dans ce tombeau, le Christ n'y est plus. Il n'y repose plus. Il vit dorénavant dans l'immensité de la résurrection et nous ouvre de la sorte les portes de la vie éternelle. Nous sommes invités à partir vers un ailleurs, vers une dimension nouvelle de notre humanité. Le partage de la vie divine n'est plus une vaine promesse. Elle s'offre à nous dans l'expérience de la foi en Jésus Ressuscité. Alors qu'au début de la vie de Jésus, les mages s'en étaient retournés par un autre chemin. Aujourd'hui, il n'y a plus de craintes à avoir, c'est pourquoi les disciples retournèrent tout simplement chez eux. L'amour a triomphé. Nous assistons à la mort de la mort. Elle n'est pour nous plus qu'un instant éphémère qui nous fait passer de notre condition humaine à l'appel de la vie en Dieu. Le tombeau reste habité de traces, de signes de l'événement de la mort du Fils de Dieu mais puisqu'il n'y repose plus, ce n'est plus là que nous devons nous arrêter. Passons notre chemin, il n'y a plus rien à voir. Le mystère de la résurrection est une invitation à sortir de notre torpeur de l'expérience de la mort pour pouvoir opérer en nous un déplacement. En effet, nous quittons le champ du savoir et de la connaissance, en d'autres termes, le champ d'une certaine forme de maîtrise, de contrôle. Et nous entrons tout en douceur dans l'espace de l'inattendu de Dieu où nous sommes invités à voir dorénavant autrement ce que nous traversons. Comme toute expérience de deuil, nous passons ainsi du temps de l'absence à celui d'une nouvelle présence à apprivoiser. Cette présence est à la fois toute différente mais non pas moins intense. Nous accédons à un autre ordre relationnel où il n'y a plus de limites. Et c'est par le c½ur que nous sommes à jamais reliés. Dès lors, s'il est vrai que nous ne pouvons entrer dans le mystère de Pâques qu'en le vivant, reconnaissons que nous pouvons déjà l'approcher par le biais de l'amour qui nous lie, nous relie au Christ qui est allé jusqu'au bout de sa tendresse pour nous. S'il en est vraiment ainsi, elle avait alors tout compris cette femme qui avait exigé que dans son avis nécrologique soient indiquées les mentions de sa naissance et de sa mort de la manière suivante : née pour mourir le 27 juin 1924, morte pour vivre le 17 novembre 1998 car, comme le souligne un humoriste, quand on meurt, c'est pour la vie. En effet, grâce à l'événement merveilleux du mystère de la Pâques du Christ, notre vie s'inscrit dans un temps, notre mort ne durera qu'un instant, et notre résurrection se perpétuera pour l'éternité. Que cette espérance nourrisse dans l'amour notre foi. Bonne fête de Pâques.

Amen.