Dimanche de Pâques

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012


Le disciple que Jésus aimait entre à son tour. Il voit et il croit. Qui est-il, ce disciple-là ? Sa tête pesait sur la poitrine de Jésus quand il donna la bouchée à Judas. Il a suivi jusqu'au tribunal, il y est même entré, mais il n'a pas renié. Il était debout sous la croix. Il a pris Marie chez lui.

Le disciple que Jésus aimait, c'est le disciple parfait. Il court plus vite et saisit rapidement. Il croit sur presque rien. Quelques indices et il comprend. Il connaît son ami. Sa connivence d'amitié lui communique les plus sûres intuitions. Il connaît Jésus dans son intimité. Il a suivi cet homme mystérieux sur les chemins de Galilée. Il l'a suivi, depuis le baptême du Baptiste jusque dans la cour du prétoire, aux jours ensoleillés comme aux nuits de malheur, à la montagne de la Transfiguration comme sur le mont des Oliviers. Son c½ur est grand ouvert, comme la tombe ce matin. Il accueille la vie.
***

Le disciple que Jésus aimait, c'est nous, c'est l'Eglise assemblée qui suit dans l'Evangile, pas à pas, les victoires de Jésus sur la faim, la maladie, la haine, le désespoir, jusqu'à ce matin clair où tout est accompli. Le disciple que Jésus aimait, c'est nous tous, quand nous sommes entraînés dans la simplicité de son regard. Il n'a pas vu Jésus encore, mais il le croit déjà. Il sait, que la vie a gagné, que l'amour est vainqueur. Il sait Jésus vivant, triomphant de la mort, plus fort que l'injustice, par la fidélité du Père et la puissance de l'Esprit.

Il vit et il crut. Qu'a-t-il vu ? Rien ! Ou plutôt si, il a « vu » l'absence de Jésus et là, sur le côté, les linges qui l'avaient retenu. Il a vu ce que l'on voit quand l'invité s'en est allé : les draps pliés au bord du lit et la taie d'oreiller à part, un peu plus loin.

Il vit et il crut. Qu'a-t-il cru ? Il a cru la promesse réalisée et Jésus vivant ; Il a cru l'Ecriture accomplie et Jésus glorifié, relevé d'entre les morts, justifié par le Dieu vivant. Il a compris que Jésus n'est plus dans la tombe, enfermé, pieds et mains entravés, mais qu'il est parti, ailleurs, en liberté, vivant comme toujours, libre comme jamais. Cette intuition l'a saisi d'un seul coup et il a « vu », conçu, il a cru. A la Cène, il était si proche de Jésus qu'il sentait battre son c½ur, ce matin, il pressent son éveil comme une mère pressent celui de son enfant.

Le disciple que Jésus aimait est le seul qui ait cru sans avoir vu le Ressuscité. Comme lui, mes amis, nous croyons sans rien voir. Nous croyons sans voir mais non sans pressentir -j'en suis sûr- dans notre vie, dans notre c½ur, la présence active, vivante et victorieuse du Ressuscité.

« Si quelqu'un m'aime, parole de Jésus, mon Père l'aimera et à mon tour je l'aimerai et je me manifesterai à lui ». Cette manifestation est intérieure, personnelle, elle est affaire non pas seulement des yeux ou des oreilles mais du c½ur. Elle est une révélation dans la vulnérabilité et la réciprocité, dans la confiance et dans l'amour, comme celle de la fiancée et de son bien aimé. Perception affective, intelligence cordiale, elle dépasse la vision des yeux pour aller à l'essentiel, au plus profond.

Tous les récits d'apparitions pascales en témoignent : voir le Ressuscité ne suffit pas si on ne le reconnaît pas. Nul ne peut rencontrer le Dieu vivant comme un objet en face de soi. Nul ne peut le scruter, le fixer, le saisir. Mais je peux entrer en relation et tenter l'aventure, l'écouter comme quelqu'un, quelqu'un qui se révèle, qui se dévoile, qui se confie et qui se dit tout entier, avec pudeur.

Pour le disciple que Jésus aimait, cette reconnaissance a suffi. Il a pu croire Jésus vivant par le simple souvenir d'une parole, attestée de quelques signes discrets. Il a pu croire Jésus vivant sans le voir physiquement.

Tous les autres témoins ont vu et entendu. Tous cependant ont dû passer de l'expérience sensible à la foi, de la vision à la reconnaissance amoureuse, adoratrice, émerveillée.


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Laissons-nous entraîner par l'ami de Jésus et plongeons dans la foi, rejoignons le Christ Ressuscité. Ne cherchons pas des preuves contraignantes, ne cherchons pas à voir ni à toucher. Croyons librement ! Approchons-nous tout simplement pour être en communion, en résonance, en sympathie, en harmonie avec le grand vivant, premier né d'entre les morts.

Ecoutons les témoins et ouvrons notre c½ur.

Le matin de Pâques, j'aime la douceur de ce récit très simple, Aucune violence, aucun triomphalisme. Tout est calme et discret. Tout est silence et paix. Une énigme, une absence, la tombe est vide, comprenne qui pourra. Rien de plus, il n'est pas là. Cela suffit.

Matin de la Résurrection, premier jour de la semaine, le soleil s'est levé chassant la nuit ancienne, un monde fermé s'est ouvert où brille maintenant une étrange clarté.