Dimanche de Pâques

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 1999-2000

Etonnante cette attitude de Jean. Entendant une si bonne nouvelle, nous aurions pu nous attendre à un comportement un peu plus normal c'est-à-dire à ce que la curiosité le pousse au moins à entrer dans cette fameuse tombe pour comprendre ce qui s'y est vraiment passé. Non, lui il s'arrête. Il s'arrête prétendront certains au cours des siècles parce que Jean était un garçon bien éduqué et qu'il se devait de laisser passer la personne la plus âgée devant lui. Un exemple de courtoisie et j'en viens à espérer que les frères aînés de la communauté dominicaine de Froidmont ne se mettent pas à rêver que je fasse la même chose. De toute façon à l'impossible nul n'est tenu.

Jean se serait arrêté par simple politesse. C'est une des interprétations que la tradition chrétienne a retenu. L'autre se réfère à l'idée que Jean se devait de s'arrêter dans sa course effrénée pour entrer dans le mystère de Pâques. Un peu comme à l'image du monde dans lequel nous vivons : un monde où tout va si vite, voire même parfois trop vite. Dans un tel monde, nous aussi nous devons reprendre notre propre souffle pour retrouver une sérénité intérieure qui nous permet à nous aussi de saisir un peu du mystère de Pâques. Mais Jean s'est peut-être arrêté pour une troisième raison, complémentaire des deux autres d'ailleurs. Il s'est arrêté comme s'il avait été empêché d'aller plus loin, comme s'il avait atteint certaines frontières, certaines limites. Une limite à ne pas dépasser. En tout cas pas tout de suite. En effet Pâques, et nous l'avons trop souvent oublié, nous ramène à la limite de notre propre mort. Car c'est d'elle aussi qu'il s'agit. La mort, un instant, un passage de la vie à la vie éternelle. Et cette mort, comme Pâques, reste pour nous profondément mystérieuse. Elle est vécue sereinement par certains, elle est une peur pour d'autres. Elle est en tout cas, comme nous le disons en droit, un événement futur et certain par lequel nous passerons toutes et tous. La mort est bien la limite ultime de notre vie terrestre. Mais grâce à elle, nous sommes invités à vivre pleinement notre vie, à accepter les limites qui la fondent et pourquoi pas à nous en réjouir. Pâques devient de la sorte la fête du retour à ce qui donne sens puisqu'elle nous ramène à notre propre mort, celle qui nous convie à vivre intensément chaque jour qui nous est donné. Et cette intensité se laissera découvrir dans la manière dont nous intégrons dans nos vies ce que saint Paul appelle les réalités d'en haut. Ces dernières portent le nom d'amitié, d'amour, de tendresse, de douceur, de tolérance, de respect, c'est-à-dire les réalités que nous prendrons avec nous lors du grand voyage. Ce sont ces valeurs qui donnent de la lumière, lumière de Pâques à nos vies.

Laissez-moi vous conter l'histoire suivante. Un roi avait trois fils. Sentant sa mort venir, il voulait qu'un des trois hérite de son royaume. Il ne souhaitait pas le diviser. Il proposa alors le marché suivant. Le royaume sera à celui qui sera capable de remplir complètement la grotte se trouvant au fond du jardin. Pour ce faire, je donne à chacun une pièce d'or, dit le roi. Le premier fils qui était grand et fort décida d'acheter du bois et le coupa. Mais hélas, il ne remplit qu'une moitié de la grotte. Le deuxième, plus fainéant, acheta des plumes mais il ne remplit que la grotte au trois-quarts. Quant au troisième, il n'avait pas beaucoup d'idées. Il avait cependant un grand coeur. En chemin vers le magasin, avec sa pièce d'or il acheta de la nourriture pour une famille qui avait faim, il paya un nouveau toit pour le logement d'une autre et fit mille et une autres choses. Arrivé au magasin, il ne lui resta qu'une toute petite piécette avec laquelle il acheta une bougie. Il revint vers la grotte, alluma la bougie et la lumière de la flamme emplit toute la pièce. C'est lui, grâce à l'élan de son coeur, qui hérita du royaume.

Mon histoire n'est qu'un conte mais nous aussi aujourd'hui nous sommes devant une grotte, celle où Dieu le Fils a été déposé et est ressuscité. Telle est notre foi et nous vivons pleinement de la lumière du mystère de sa résurrection. Cette lumière est une invitation à vivre intensément et à fonder nos vies sur des valeurs éternelles sans jamais oublier qu'une simple petite flamme peut éclairer l'entièreté de notre vie intérieure. Que la lumière de Pâques soit alors aussi la lumière qui emplit nos vies. Amen.