Epiphanie

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 1999-2000

Et si c'était nous, tout simplement nous. Si nous nous étions mis à suivre une étoile plus lumineuse que toutes les autres. Si nous nous étions mis en marche à la quête de cette étoile, avec cette certitude intérieure qu'elle est venue se poser au-dessus de celui tant attendu. Si c'était nous, qu'aurions-nous pris avec nous pour un tel voyage ? Qu'aurions-nous apporter comme cadeaux à celui que nous pressentions comme l'enfant Dieu ? Voici une question parmi d'autres en cette fête de l'Epiphanie.

Le récit des mages n'a plus de secret pour personne. Au début de l'ère chrétienne, ils étaient douze, puis peu à peu ils sont devenus trois puisqu'ils n'y avaient que trois cadeaux. Ils ont été rois puis savants. L'un était vieux, l'autre d'âge moyen et le troisième beaucoup plus jeune, pour nous rappeler que toutes les générations sont présentes à la crèche. Ils sont venus d'Afrique, d'Orient et d'Occident pour rappeler que le monde entier est invité à suivre l'Enfant-Dieu. Enfin, l'or, la myrrhe et l'encens. Quelques versets et encore plus de symboles. Il y a 20 ans, ils ont fait la joie de la chanteuse Sheila et aujourd'hui encore et toujours, ils font le bonheur des enfants lors du partage de la galette des rois chez nous, ou encore en leur apportant des cadeaux comme en Espagne. La boucle est ainsi bouclée et nous revenons à notre question, mais quel cadeau pourrions-nous bien lui offrir ?

Un cadeau diront certains, c'est quelque chose qui doit faire plaisir à la personne qui le reçoit et ce peu importe ce que nous ressentons vis-à-vis de l'objet que nous offrons. L'important est d'offrir quelque chose qui rende l'autre heureux de recevoir. Non, affirmeront d'autres, un cadeau doit également dire quelque chose du donateur. Ce dernier ne peut pas être en contradiction avec son cadeau. De plus prétendront encore d'autres, un cadeau doit coûter. Un coût qui ne s'évalue pas spécialement en argent mais plutôt en temps. Un cadeau coûte, c'est-à-dire qu'il n'est pas pris sur notre superflu, sur notre surplus. Sa valeur augmente donc par le fait qu'il nous a obligé à faire des choix, à prendre du temps. Un cadeau est donc bien plus qu'un geste symbolique, voire même mécanique. Il dit quelque chose de la relation existante entre le donateur et celui qui l'a reçu. Il y dit toute la tendresse, le respect, la gratitude de l'offrant et c'est sans doute une raison et non des moindres qui fait que souvent nous préférons donner que recevoir. Un cadeau ne se réduit donc pas à un instant. Nous y avons réfléchi, nous avons fait des recherches, l'idée de l'offrir nous a rendu heureux et puis nous nous sommes aussi mis à imaginer la manière dont il allait être reçu. C'est pourquoi, je crois, les plus beaux cadeaux sont ceux qui n'ont aucune raison : ni anniversaire, ni Noël. Je t'offre ceci tout simplement parce que j'ai pensé à toi et je t'aime. Le don dit alors l'ampleur, la beauté et la profondeur de la relation. Et nous en arrivons presqu'à regretter de ne pas pouvoir donner aussi souvent. C'est vrai les cadeaux sont une manière que nous avons trouvé pour exprimer nos sentiments. Ils habillent notre pudeur à oser dire ce qui vit au plus profond de nous. Si un cadeau représente vraiment tout cela, nous pouvons comprendre que nous sommes parfois pris d'un vertige lorsque nous en recevons un.

Et voilà qu'aujourd'hui, nous sommes conviés à mettre nos pas dans les traces laissées par les mages de l'évangile. Dieu s'est fait enfant pour que nous venions nous aussi nous émerveiller devant un tel mystère qui dépasse tout entendement. Dieu se manifeste à nous d'une manière toute particulière et c'est dans cet enfant que nous Le reconnaissons. Jésus est l'enfant Dieu, c'est ce que nous croyons. Par sa venue, pour reprendre l'expression de saint Pierre Chrysologue, nous découvrons : « le ciel sur la terre, la terre dans le ciel ; l'homme en Dieu et Dieu dans l'homme ». Tant de merveilles contenues dans l'Enfant Dieu. Et ce matin (soir), nous sommes invités à refaire le voyage des mages. A la différence que le nôtre est tout intérieur. A nous de découvrir, redécouvrir cette étoile mystérieuse qui brille au plus profond de notre être, de nous mettre à la suivre pour retrouver le lieu de Dieu.

Et face à l'enfant Dieu sommeillant en nous, nous déposons chacune et chacun le cadeau que nous lui avons préparé : un peu de nous, tout de nous. Je ne puis répondre à votre place car ce cadeau-là est éminemment personnel.

Amen.