Quand Jésus naît à Bethléem, il y a des bergers dans la même région. Ce sont des juifs, et la naissance du Christ leur est annoncée par des anges. Par le biais de ces anges, Dieu parle à son peuple comme il a parlé par Moïse et par les prophètes. Les mages ne sont pas juifs, ils appartiennent au monde dit païen. Ils habitent un pays lointain. Pour eux, il n'y pas d'ange qui leur annonce la présence de Dieu dans le monde. Ils n'ont qu'une étoile muette. Ils voient quand même l'étoile de Jésus, l'étoile du roi des juifs. Ils vont d'abord à Jérusalem annoncer l'apparition de l'étoile, puis ils la suivent jusqu'à ce qu'elle s'arrête au-dessus du lieu où se trouve l'enfant.
L'histoire est connue, mais elle n'est pas simple. Elle soulève quelques questions : Comment se fait-il que seuls les mages voient cette étoile ? Pourquoi les chefs des prêtres juifs et les scribes ne la voient-ils pas, eux aussi ? Peut-être qu'ils voient l'étoile mais pas ce qu'elle signifie. Une fois que les juifs comprennent sa signification, pourquoi n'accompagnent-ils pas les mages, pourquoi ne suivent-ils pas l'étoile, eux aussi, pour vénérer eux aussi leur roi ? Pourquoi Hérode ne les accompagne-t-il pas avec ses soldats pour assassiner l'enfant tout de suite ?
En lisant ce récit, on a l'impression que cette étoile est une étoile paradoxale. Elle apparaît dans le ciel, accessible à tout le monde, mais elle reste aussi cachée, de sorte que seuls ces quelques étrangers peuvent la voir, l'interpréter, la suivre. Bien qu'au ciel, loin au-dessus de la terre, elle peut indiquer aux mages qui la suivent le lieu précis où se trouve le petit enfant. Le phénomène publique qu'est l'étoile est en même temps, semble-t-il, un événement privé, un signe destiné uniquement aux mages. Bien que tout le monde puisse voir l'étoile, seuls les mages la comprennent. C'est uniquement aux mages que l'étoile révèle la présence du roi divin dans le monde, seulement aux mages qu'elle indique le lieu de sa présence. Dans un sens important, c'est leur étoile, l'étoile qui leur est destinée, qui s'adresse à eux. C'est une étoile muette, comme toutes les étoiles, mais elle leur parle. Plutôt, Dieu se révèle à eux par le biais de cette étoile comme il ne se révèle pas aux autres, ni juifs de Jérusalem ni aux milliers d'autres qui ont dû voir cette même étoile.
La fête de l'Épiphanie est censée être la célébration du moment où Dieu s'est révélé au monde non-juif. Dans ce récit évangélique, mystérieux et difficile à comprendre, il y a, me semble-t-il, une image de cette révélation. Nous vivons dans un monde publique, accessible, un monde plein de choses et d'événements que tout le monde peut voir, toucher, entendre. C'est un monde qui est plein de bruits mais qui, pour beaucoup, ne parle pas, qui reste muet. Si nous croyons que Dieu peut toujours se révéler dans ce monde, nous ne nous attendons pas à ce que des anges descendent du ciel annoncer la présence divine. Plutôt, il y a pour chacun de nous une étoile, quelque chose qui peut nous révéler la lumière de Dieu, un événement qui peut nous parler. Dieu peut s'annoncer à chacun de nous, à travers n'importe quoi - un sourire, une maladie, un bonheur, un malheur, même une étoile - même si, pour les autres, la chose ou l'événement reste muet.
A nous de garder nos yeux ouverts, d'être prêts à voir notre étoile, de la comprendre, de la suivre, jusqu'à ce que elle nous révèle le Dieu qui est né à Bethléem.