Dimanche de Pâques

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 5/04/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015


Savez-vous ce qu’est la ductilité 

On parle de ductilité pour exprimer cette propriété des matériaux qui peuvent se laisser étirer, travailler, déformer sans rompre. Ces corps peuvent, avec souplesse être étirés sans rompre et puis reprendre leur position initiale.

Voilà le sens strict, mais il y également un sens plus larges. On parle aussi de personnes ductiles, corvéables, malléables. Dans le monde l’entreprise, c’est
—paraît-il— un terme qui devient à la mode. Un employé est dit ductile lorsqu’il arrive à accomplir plusieurs obligations au sein d’une même entreprise. Sans rompre. Il a cette force d’être polyvalent, plastique et… quand on tire sur la corde, il ne rompt pas… Il y a peutêtre au fond de nous un instinct de conservation, un instinct ductile ; qui accepte certes le changement, tout en voulant garder un peu du passé… Il y acette force qui veut toujours s’inspirer du passé, qui refuse la transition…

La résurrection… c’est l’inverse de cette ductilité ! Oui, l’inverse. Aujourd’hui, nous ne sommes pas dans la commémoration ou le souvenir. Etre résurrectionnel ne consiste pas à être créatif pour transformer notre passé, l’embaumer et le mettre ainsi au goût du jour. Lorsque le passé est encore vivant, nous n’avons comme avenir qu’un futur déjà mort… (Là je fais un lien cliquable vers le site Resurrexit qui ne vous dispense pas d’assister à la Vigile).

La résurrection —si on peut se risquer à en parler— est davantage que tout cela. Pâques n’est pas le passé qui refait surface, fût-il transformé. C’est tout au contraire l’avenir qui s’offre à nous. C’est un futur qui se fait proche. Pour cela, il faut avoir l’audace de la fragilité. L’inverse de la ductilité est d’ailleurs la fragilité ! Un corps non ductile est dit fragile. Il nous faut accepter certaines ruptures. Certaines transitions. Pâque, le grand passage, nous invite à célébrer la beauté de cette fragilité qui accepte de rompre avec ce qui nous enferme.

Pour vivre Pâques, il faudra donc se rendre dans ses propres lieux de fragilité. Faire comme Marie, se risquer à se rendre au tombeau plutôt de faire comme s’il n’était pas là… Se rendre au tombeau non pour commémorer quoi que ce soit, mais pour voir qu’il est vide et qu’il ouvre un avenir.
Vivre Pâques, consiste alors à faire la grande traversée de l’échec.
Vivre le Pâques, c’est intégrer le grand silence du samedi saint, le silence du tombeau, pour découvrir que le Christ ne nous y attend pas.

Vivre la grande traversée pascale, c’est lâcher prise, rompre tout simplement.

Rompre… Oui mais pour faire place à une douce, discrète transformation intérieure. Pour accueillir un avenir, une révélation, tout simplement.

Vous aurez peut-être déjà remarqué que dans l’évangile que nous venons d’entendre, il n’y a pas de témoins de l’acte de ressusciter. Jésus ne s’est pas « montré ressuscitant », mais il a appris aux siens à le reconnaître ressuscité, ce qui est tout différent. Le récit que nous venons d’entendre est très exactement le récit d’une révélation. Marie Madeleine se trouve en présence de quelqu’un qui lui annonce que Jésus est ressuscité.

Le tombeau, en ce sens, n’a rien d’une preuve. Le tombeau, la mort, l’échec est simplement, paradoxalement, le lieu d’une annonce. Une annonce qui nous dit : « Circule, il n’y a plus rien à voir dans ta vie à cet endroit-là ». Quitte ce lieu-là qui te retient. Ne commémore pas ce que tu as été, mais accueille ce que tu deviens. Quel que soit ton âge, Celui qui vient, ton avenir est plus réel que ton passé. Ta vie de précède en Galilée. Voilà l’annonce pascale.

Le tombeau symbolise en nous ces lieux qu’il faut abandonner. La tradition chrétienne a très vite oublié le tombeau… et l’iconographie chrétienne ne présente que très tardivement la sortie du tombeau. La première illustration connue date paraît-il du 6ème siècle…

Pour finir, je vous invite à méditer l’icône de l’anastasis, écrite par Jacques Noé, laïc dominicain, qui nous accompagnera dans cette église durant tout le temps pascal. Vous voyez le Christ qui sort des enfers, nous entrainant avec lui.

Voilà le souhait que je vous formule en jour de la résurrection. Vivre une réelle rupture au sens le plus noble. Sortir de ce qui vous enferme pour accueillir celui qui vient au lieu même de ce qui est mort en vous, et qu’il faut abandonner.

Que cette joie, cette extraordinaire liberté de Pâques vous accompagne et vous recrée! Amen.