Dimanche des Rameaux

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Pendant ces dernières semaines de carême, parce que nous sommes chrétiens de bonne volonté, nous avons consenti quelques menus efforts pour brider notre gourmandise (jeûne), blesser notre avarice (partage avec les frères pauvres) et mater notre orgueil (prière).

Cela valait ce que ça valait. Sans doute peu de choses.

Aujourd'hui voici le Seigneur lui-même qui vient à notre rencontre et il se présente à nos portes comme il le fit jadis devant Jérusalem. En écoutant la scène célèbre de l'Entré des Rameaux, nous sommes contents de recevoir un petit rameau béni et nous n'oublions pas d'en emporter un autre pour notre voisine qui ne peut plus se déplacer.

Cependant prenons garde de ne pas commettre la même bévue que la foule de Jérusalem ! Pourquoi manifestait-elle tant d'enthousiasme à l'arrivée de Jésus ? Parce qu'on savait que ce Galiléen annonçait la venue imminente du Royaume de Dieu et qu'il était capable d'accomplir des guérisons spectaculaires. Et d'ailleurs n'était-il pas un descendant de l'illustre famille royale de David ? Et son nom n'était-il pas IESHOUAH, qui signifie "Dieu sauve" ?

Tous les indices concordaient : le bonheur nous arrive.

Après plus de 90 années d'occupation romaine, de vexations, de souffrances, de misère, beaucoup voyaient enfin venir le moment de l'insurrection, l'espérance de la libération et du triomphe sur l'ennemi. Quelle joie, quelle certitude d'acclamer Jésus et de chanter : "Hosanna au Roi qui vient au nom du Seigneur...".

LE SIGNE DE L'ANON

Et personne dans la foule ne prêta attention au petit âne que Jésus avait emprunté au village de Béthanie et sur lequel il était assis pour faire sa Joyeuse Entrée. St Jean avouera que les disciples eux-mêmes ne comprirent pas le sens de la scène : ce n'est que plus tard, après la Résurrection, qu'ils "se souvinrent que cela avait été écrit de lui"

( Jean 12, 16)

En racontant plus tard l'événement, S.Matthieu dira que Jésus avait fait cela pour accomplir un oracle du prophète Zacharie :

"Tressaille d'allégresse, fille de Sion ;

Pousse des acclamations, fille de Jérusalem.

Voici que ton roi s'avance vers toi. Il est juste et victorieux,

Humble , monté sur un ânon. Il supprimera les chars de combat,

Il brisera les arcs de guerre, Et il proclamera la paix pour les nations" (Zacharie 9, 9 ...)

Mais comment aurait-on pu se rappeler cette prophétie d'un Messie "doux et humble de c½ur" et d'un programme de paix universelle lorsqu'on rêve de révolte armée, de violence, de victoire sur l'ennemi ?

Ce Jésus considéré à tort comme un général d'armée (y a-t-il un officier qui monte un âne ?...) sera, les jours suivants, moqué comme un poète farfelu puis accusé comme un blasphémateur. Parce qu'il n'avait pas correspondu à l'attente, l'accueil tournera au rejet et les rameaux en couronne d'épines.

Quelques dizaines d'années plus tard, en 70, le projet d'insurrection violente rejaillira : ce sera la guerre, des centaines de milliers de morts, la destruction de la ville, l'incendie du temple !

En contemplant le panorama de sa capitale tant aimée, prévoyant le désastre futur, Jésus avait pleuré sur elle :

" Ah ! si toi aussi tu avais su, en ce jour, comment trouver la paix !!! ...Tes ennemis t'écraseront et ils ne laisseront en toi pierre sur pierre parce que tu n'as pas reconnu le temps où tu as été visitée..." ( Luc 19, 41)

Il y a pire que de piétiner les Ecritures : c'est de les lire, de les écouter pieusement et de ne pas accepter de les vivre lorsqu'elles dérangent nos plans ! C'est de bâillonner le message en lui imposant nos vues étroites et bornées.

LIRE LES ECRITURES

Ah, si l'Eglise s'appliquait à scruter en profondeur les Ecritures, si , au lieu de vénérer un Livre clos, elle était convaincue qu'elle doit calquer sa conduite sur les enseignements de son Seigneur, jamais elle n'aurait allumé les bûchers de l'Inquisition, jamais les théologiens n'auraient condamné Galilée, jamais on n'aurait traité Israël de "peuple déicide", jamais les masses ouvrières du 19ème siècle n'auraient quitté une Eglise qui prenait le parti des puissants et les abandonnait à leur misère. Mais les regrets des erreurs passées sont vains s'ils ne nous ouvrent les yeux sur les signes d'aujourd'hui.

Oui il nous faut agiter nos rameaux - à condition qu'ils nous dissuadent d'attendre une Eglise majoritaire, triomphante, impériale. Nous les accrocherons au crucifix afin de fixer les yeux sur Celui que nous méconnaissons si souvent et qui cependant a donné sa vie pour ses disciples qui ne lui obéissent pas.

Oui Jésus est vraiment notre Roi - mais il ne règne que par la Croix.

Oui il faut la révolution - mais elle s'appelle "conversion" de tous et de chacun.

Oui il faut acclamer Jésus et le chanter à pleine voix - mais en le suivant sur son chemin d'humilité, au pas de l'âne, en dressant de grandes oreilles afin de ne pas perdre une seule de ses paroles.

D

Comment, pour terminer, ne pas évoquer ce pape décédé il y a juste un an et qui, le 22 octobre 1978, inaugurait son pontificat en lançant, sur la place St Pierre de Rome, le cri inoubliable :

" Ouvrez ! Ouvrez toutes grandes les portes au Christ "

Et les ouvriers polonais du syndicat Solidarnosc n'ont pas oublié l'appel de Jean-Paul II qui exorcisa leur frayeur :

" N'ayez pas peur ! N'ayez pas peur !".

La ténacité et la prière des pauvres eurent raison de la dictature : le mur de Berlin peu après s'effondra.

En cette grande semaine qui commence, chassons la peur, ouvrons nos c½urs au Christ Seigneur, suivons-le sur son chemin.