Epiphanie

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

QUE LE CHRIST SOIT « MANIFESTE »

Haut lieu de civilisation avec ses antiques métropoles (Babylone, Ninive, Ur...), la Mésopotamie (la région « entre les deux fleuves », le Tigre et l'Euphrate) était célèbre pour les découvertes de ses « mages » qui, du haut des tours des ziggurats, étudiaient le ciel. Déjà ils avaient remarqué l'influence de la lune sur les marées, ils savaient prévoir les éclipses et même, dit-on, l'un d'eux avait affirmé que, contrairement aux apparences, c'était la terre qui tournait autour du soleil. D'autre part les étoiles innombrables dessinaient les étranges figures du zodiaque si bien que l'on pouvait tenter de percevoir les messages des dieux, prévoir l'avenir, discerner les jours fastes ou maléfiques. Les mages n'étaient donc pas « des rois » mais les savants de l'époque, ensemble astronomes et astrologues.
Des siècles ont passé mais l'univers fascine encore et même bien davantage. Les télescopes s'enfoncent dans les espaces indéfinis, percent les secrets de la matière, remontent jusqu'au tout début de l'univers. Et d'un autre côté, l'astrologie prospère et l'homme moderne continue à s'intéresser à son horoscope ! Ainsi tandis que l'astronome nous précise l'âge de l'univers (13 milliards 700 millions d'années, aux dernières nouvelles !), la voyante nous dévoile l'avenir pour 2012 et l'adepte de la secte apocalyptique nous annonce des catastrophes !
Le cosmos signifie-t-il quelque chose ? Chante-t-il la Gloire de Dieu, comme dit le psaume 19 ? Ou n'est-il qu'un immense espace où l'humanité est apparue par hasard,  navigue sans boussole, avant de disparaître sans raison ? N'est-il qu'un LIVRE éternellement clos, indéchiffrable ?

« Ce qu'il y a dans le monde d'éternellement incompréhensible,
c'est qu'il soit compréhensible »
ALBERT EINSTEIN

RETOUR A L'HISTOIRE : DIEU SE MANIFESTE

Il arrive, nous raconte aujourd'hui saint Matthieu, que des hommes quittent la « magie » des cieux pour s'intéresser à l'histoire dramatique des hommes. L'espace là-haut les renvoie au temps ici bas. Eux qui vivaient le nez dans les étoiles penchent la tête sur l'aventure de leur planète. Ils voient leurs frères humains en quête de paix et toujours en état de guerre ; ils entendent l'appel déchirant de la mère portant son enfant assassiné : « Pourquoi ? » ; ils partagent l'interrogation des philosophes : «  Pourquoi y a -t-il un monde plutôt que rien ? » ; ils voudraient trouver non seulement des moyens mais des raisons de vivre ; et quelques notes de Mozart mouillent leurs regards.
Et voilà que l'on présente aux voyageurs, aux chercheurs, un autre LIVRE, la Bible. Elle leur raconte l'histoire d'un petit peuple, Israël, avec ses lamentables faiblesses, ses ambitions ratées, ses mensonges. Mais surtout elle leur révèle que les astres n'ont rien de divin, qu'il n'y a qu'un seul Dieu qui a créé le monde et que la réussite de l'humanité - son salut - dépend de « l'étoile de David », un certain Jésus (son nom signifie justement « sauveur »). Et ce Roi n'est pas à chercher dans le palais fastueux d'une capitale, dans l'espace sacré d'un sanctuaire mais dans un petit village qui s'appelle « maison-du-Pain »(Bethléem).
Et en effet, après avoir cherché les traces de la divinité dans les profondeurs cosmiques, après des années de recherches et de calculs savants,  les mages découvrent une famille populaire, un jeune couple avec son nouveau-né. Serait-ce donc lui, la clef du mystère que nous cherchions dans le cosmos ?

LA DECOUVERTE DU CENTRE DU MONDE

En précisant les cadeaux offerts par les voyageurs, Matthieu n'ajoute pas des détails anecdotiques : ces présents traduisent l'identité de cet enfant, ils MANIFESTENT qui il est. Ils sont comme « le credo » des mages.
L'OR, seul digne d'un Souverain, est le signe de la puissance qu'il ne faut plus adorer et accumuler mais partager avec les plus pauvres. Le psaume 72 annonçait que le futur Messie serait fils de Roi, qu'il aurait souci des pauvres et des humbles, et que les rois des nations lui apporteraient leurs présents (72, 10), et notamment de l'or (72, 10-18).
L'ENCENS est le parfum que l'on jetait sur les braises brûlantes pour que la fumée exprime le culte  (Nombres 17, 5) ; et le fidèle comparait sa prière à un encens qui monte devant Dieu (Ps 141, 2)
La MYRRHE était un délicieux parfum, symbole d'un amour passionné (Cantique des cantiques 5, 5) ; elle parfumait l'huile destinée à oindre les objets du temple et à consacrer les prêtres (Exode 30, 23-29) ; elle était aussi  un aromate pour embaumer les corps (Jean 19, 39)

Donc ces trois éléments traduisent la foi nouvelle : ce « petit Jésus » est bien le Messie royal, le Christ prêtre, le Fils à adorer, qui mourra par amour et qui reprendra vie, celui qui conjoint l'humanité dans le culte véritable.

Mieux encore, la scène de l'adoration des mages inaugure la réalisation d'une antique prophétie. En effet, au 6ème siècle avant notre ère, Jérusalem avait été détruite par les armées de Nabuchodonosor, le temple incendié, le roi et la population déportés. Certes, après 50 ans, les rescapés avaient pu rentrer mais dans un état déplorable de misère et soumis à un autre Empire. L'épreuve contre la foi était terrible. C'est alors qu'un prophète adressa à Jérusalem un message d'une folle espérance - et c'est la 1ère lecture de ce jour :

« Debout, Jérusalem ! Resplendis car ta Lumière vient. La gloire du Seigneur Dieu se lève sur toi.
Les nations vont marcher vers ta lumière.
Regarde les alentours et vois : tous ils se rassemblent et viennent vers toi.
Alors tu seras rayonnante, ton c½ur se dilatera.
Un afflux de chameaux te couvrira ; les gens de Saba viendront, apportant de l'or et de l'encens.
Oui je rendrai splendide la Maison de ma Splendeur..... » (Isaïe 60)

C'est ce texte qui a inspiré les représentations fastueuses de l'adoration des « Rois Mages » (couronnes, atours de luxe, soldats,  chameaux, ...). Mais l'essentiel est le déplacement opéré par Luc : Jérusalem, son roi, son temple, ses scribes n'ont pas reconnu Jésus tandis que voici des païens qui viennent vers lui et l'adorent dans la faiblesse et la pauvreté de Bethléem.
La fière capitale rêvait d'un avenir glorieux, de pèlerinages internationaux convergeant vers elle, devenue centre du monde...Mais la véritable Lumière repose sur le Messie pauvre et silencieux : c'est Lui qui va devenir l'étoile (« la star ») authentique qui guide les êtres humains vers la vérité.
Dorénavant « la Ville Lumière » ne sera plus un lieu sur la carte mais une communauté : le peuple issu de toutes les nations,  de toutes les cultures, souillé de tous les péchés du monde mais se regroupant autour de Jésus et chantant sa miséricorde en partageant son Pain.
La foi universelle est l'EPIPHANIE d'aujourd'hui.

LA FOI SE MANIFESTE

« Et les mages regagnèrent leur pays par un autre chemin ».
Car la manifestation du Christ ne laisse pas indemne : elle induit à nous questionner sur notre manière de vivre et à inventer un autre comportement. Certes les mages retrouveront leur pays, leurs familles, leurs métiers. Mais en ayant découvert Dieu au c½ur du monde, à leur tour ils auront à MANIFESTER, à travers leur existence quotidienne et leur profession, les valeurs que la crèche proclamait en silence.
Ainsi ils inciteront les autres à chercher eux aussi la vérité, à se mettre en route, à lire en alternance LE LIVRE DE LA NATURE et LE LIVRE DE L'HISTOIRE, le cosmos et la Bible.