2e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012


Il me semble que pour comprendre les lectures de ce jour, il faut être un peu synesthète ! La synesthésie est un phénomène assez rare par lequel deux de nos cinq sens sont associés. C'est un phénomène par lequel nos sens (en général l'ouïe et la vue) communiquent les uns avec les autres. Cela donne des résultats artistiques parfois étonnants. Par exemple, l'écrivain Nabokov, le compositeur Olivier Messiaen et le poète Arthur Rimaud ont subi, de manière plus ou moins heureuse, les conséquences du phénomène de synesthésie. Ils entendaient des couleurs et voyaient des sons !

Lorsque nous prenons ensemble les deux récits de vocation que nous venons d'entendre, vision et écoute sont étroitement mêlés. Le terme « appeler »  revient dix fois dans la première lecture. Et dans l'évangile, deux verbes reviennent constamment: « regarder » et « voir ». 

Pour se plonger dans l'Evangile de Jean, il faut être un peu synesthète !
« La Parole s'est faite chair, et nous avons VU sa gloire »

Mais dans l'appel que Dieu nous offre chaque jour, il nous faut être également  synesthètes.
Pourquoi ? Parce que cet appel que Dieu nous adresse passe par un visage, celui du Christ.
Et bien souvent, l'appel dans nos vies passe par non pas par une voix, une parole que l'on entend et qui nous serait transmise, mais par une figure, un regard, un personne qui, comme Jean-Baptiste, nous dit : « Suis mon regard ».

Mieux encore, nous sommes toutes et tous appelés par le regard de Dieu.
C'est pour cela qu'il nous faut des passeurs de regard.
Des personnes qui nous disent « Ne me suivez pas » mais « suivez mon regard » « Suivez celui que je regarde : l'agneau de Dieu ».

Nous sommes tous appelés, vous comme moi, même si Dieu semble rester sans voix. Car il ne se fait pas entendre directement, mais par la voix de passeurs, par la voix d'André, qui mène Pierre au Christ. L'appel passe toujours par la rencontre, car, comme croyants, nous sommes comme Pierre : nous ne pouvons aller au Christ directement, mais seulement si d'autres personnes nous y amènent...

Jean le Baptiste nous invite non pas à le suivre, mais à suivre son regard, pour contempler celui qui nous invite chaque jour à un nouveau départ. Car « La vie commence là où commence le regard » nous dit le poète.

Cette expérience de recréation par le regard vous est sans doute déjà arrivée. Peut-être avez vous fait l'expérience d'un regard qui en dit long sur vous, qui vous conforte, vous confronte à vous-mêmes, ou vous retire vos masques.
Un regard sans parole, qui fait advenir ce que vous êtes et vous met à nu,
vous dévoile.

Car le regard, pour le synesthète, a cette force de parler sans mettre des mots.
Il a cette extraordinaire puissance de transformation.
Et même s'il y a les regards durs, qui défigurent et qui dévisagent ;
il y a ces regards doux qui préfigurent une nouvelle relation
qui envisagent la réalité avec des yeux remplis d'amour.
Il y a ces regards aimants, qui rendent une personne aimée.

Et voilà que nous sommes toutes et tous appelés par le regard de Dieu.

Voilà que Dieu nous convoque à l'existence par son regard.
Voilà l'appel qui nous est lancé. Celui d'un nouveau commencement dans nos vies. D'un nouveau regard sur nos vies et nos histoires. Une nouvelle création.

Dans cet évangile, ce n'est plus Dieu qui --comme dans la genèse--
cherche l'humain et lui dit « Où es-tu ? ». Mais c'est le disciple bien aimé
qui part à la rencontre de Christ et lui dit : « Où demeures-tu ? »

Dieu a pris le chemin des hommes et nous adresse à chacun un appel. Prenons alors le chemin de Dieu, par le détour du regard des autres.
Dieu pourra alors advenir et nous dire : « suis mon regard ! Il se pose sur toi. Je te convoque à la vie.» Oui, réjouissons, car nous sommes des êtres appelés, convoqués par le regard de Dieu ! Amen.