2e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

L'AGNEAU  DU  PASSAGE  DANS  LA  VIE

Après les fêtes de la naissance de Jésus, nous le retrouvons déjà aujourd'hui à son baptême. Rien n'est dit de l'intervalle (de -5 à + 28). Quand donc va-t-il sortir de son silence et commencer sa mission ? Suite à un appel. En effet, un jour, parvient la nouvelle : un certain Johanan (Jean) vient de surgir et sa parole de feu rallume l'espérance d'un peuple opprimé et assoiffé de liberté. Comme beaucoup d'autres, Jésus décide de se rendre en Judée et là-bas, au bord du Jourdain, sa vie va basculer. Jean l'évangéliste souligne fortement le témoignage public de Jean-Baptiste.

TEMOIGNAGE DU BAPTISTE ET 1ères VOCATIONS.

« Jean se trouvait de nouveau avec deux de ses disciples. Posant son regard sur Jésus qui marchait, il dit : «  Voici l'agneau de Dieu ». Les deux disciples entendirent cette parole et ils suivirent Jésus. Celui-ci se retourna, vit qu'ils le suivaient: «  Que cherchez-vous ? ». Ils lui répondirent : «  Rabbi (c.à.d. Maître), où demeures-tu ? ». Il leur dit : «  Venez et vous verrez ». Ils le suivirent, ils virent où il demeurait et ils restèrent auprès de lui ce jour là. C'était vers la 10ème heure (16/17 h.) »
« L'AGNEAU DE DIEU QUI ENLEVE LE PECHE DU MONDE». Désignation essentielle que la liturgie nous fait proclamer au moment de la communion eucharistique. Il importe donc de l'expliquer car là se cache le « mystère pascal », c½ur de notre foi. L'image de l'agneau fait référence à deux événements clefs.

1.    L'AGNEAU DE LA PAQUE.

L'événement fondateur d'Israël est la libération des Hébreux, esclaves en Egypte, laquelle a eu lieu la nuit de la fête de pessah (pâque) où l'on immolait et partageait un jeune agneau afin de marquer le début d'une année nouvelle et demander la protection des troupeaux. Dorénavant, le vieux rite des bergers est muté en fête de la libération des esclaves. Car l'exode s'est opéré sans combat : c'est, dit-on, grâce au sang de cet agneau qu'Israël a pu sortir et devenir un peuple libre (lire Exode 12). C'est pourquoi tout Israélite est tenu de célébrer la Pâque chaque année jusqu'à la fin du monde.
Mais à présent, avec Jésus, va avoir lieu une seconde et définitive transfiguration de la fête: à Pâque, Jésus, victime innocente, sera rejeté et mis à mort mais son sang (qui représente le don total et volontaire qu'il fait de lui-même) permettra non seulement à Israël mais à toute l'humanité (le monde) d'être libérée de l'esclavage du péché. Jésus est l'Agneau qui ouvre les portes de la prison du mal et crée un nouveau peuple par-delà toute frontière.
A la fin de son évangile, Jean indiquera que la prophétie s'est bien réalisée : Jésus sera crucifié juste au moment de la fête de la Pâque et les soldats ne lui ont pas brisé les jambes. Or précisément le livre de l'Exode disait de l'agneau : « Pas un de ses os ne sera brisé » (Ex 12, 46 ; Jn 19, 36).
Jean Baptiste reconnaît donc son impuissance personnelle. Comme tous les prophètes et moralistes, il ne pouvait que dénoncer les péchés et exhorter à la conversion. Certes il allait, lui aussi, payer de sa vie son audace à  admonester le roi mais son martyre ne pourrait rien changer à la vie de ses disciples, pas plus que les martyres du père Kolbe ou de Martin Luther King. Ces hommes peuvent bien être des figures remarquables devant lesquelles on s'incline, des modèles admirables que l'on peut tenter d'imiter : mais ils nous demeurent extérieurs.
Il en est tout autrement avec Jésus. S'il peut être désigné comme « l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde », c'est parce qu'il est autre. Jean avait témoigné : « J'ai vu l'Esprit, tel une colombe, descendre et demeurer sur lui...J'ai vu et j'atteste qu'il est le Fils de Dieu » (1, 32-34). Donc par son amour jusqu'à la croix, Jésus peut « baptiser dans l'Esprit de Dieu » (1, 33), purifier les croyants de leurs péchés et les introduire dans la Vie de Dieu, la Vie éternelle. Son amour crucifié a la puissance d'opérer la Pâque c.à.d. de nous faire passer de l'esclavage sous le péché à la liberté des enfants de Dieu.
Donner à Jésus ce titre d'agneau pascal n'est pas une invention tardive de Jean et son Eglise. Déjà Paul  écrivait à l'Eglise de Corinthe qu'il avait fondée en 50-52: «  Purifiez-vous du vieux levain pour être une pâte nouvelle...Car le Christ, notre pâque, a été immolé » (1 Cor 5, 7). Il veut dire : Ne vous laissez pas entraîner par de vieux démons puisque vous avez été entièrement renouvelés par le sacrifice de Jésus, le véritable agneau pascal. Et au début du 2ème siècle, l'Apocalypse nous transmettra les premières et magnifiques acclamations liturgiques adressée au Christ, Agneau devenu Seigneur :   « A Celui qui nous aime, Qui nous a délivrés de nos péchés par son sang,   Qui a fait de nous un royaume, des prêtres, pour Dieu son Père :  A Lui Gloire et Pouvoir pour les siècles des siècles.   Amen » (Apo 1, 5-6)  ---   (cf.4, 8-14.......)

2. LE SERVITEUR SOUFFRANT

D'autre part, l'image de l'agneau renvoie à la page la plus stupéfiante de l'Ancienne Alliance. Après la destruction de Jérusalem, l'incendie de son temple et la déportation du peuple en Babylonie (- 587), en plein c½ur du désastre, l'auteur anonyme d'Isaïe 40-55 raconta une curieuse vision. Il avait vu un homme déchiré, horriblement défiguré  (Isaïe 51, 13 à  53,12) :
«...Homme de douleurs, tordu de souffrances... Nous l'estimions humilié, frappé par Dieu mais il était  broyé à cause de nos perversités. Dans ses plaies se trouve notre guérison...Brutalisé,  il n'ouvre pas la bouche comme un agneau traîné à l'abattoir. Il est retranché de la terre des vivants à cause de la révolte de son peuple...... Si tu fais de sa vie un sacrifice de réparation, il verra une descendance, il prolongera ses jours et la volonté de Dieu aboutira. Ayant payé de sa personne, il verra une descendance..... Juste, il dispensera la justice, lui, mon Serviteur, au profit des multitudes, du fait qu'il a supporté leurs perversités parce qu'il s'est dépouillé jusqu'à la mort, parce qu'il a porté les fautes de tous et que pour les pécheurs, il est venu s'interposer ».
Qui donc est ce Juste accablé de souffrances indicibles ? Le peuple le considère d'abord comme un maudit, un réprouvé de Dieu ; mais on comprend qu'au contraire, lui, le seul Juste, s'offre pour le pardon de la multitude. Il est écrasé, on le tue mais il reste muet comme l'agneau conduit à la boucherie, c.à.d. il ne se révolte pas. Et mieux encore, du fond de sa détresse, il intercède pour les foules, il s'offre pour que les péchés des foules soient pardonnés. Il fait de sa « passion » subie la plus haute « action » d'amour. Et Dieu accepte son sacrifice. C'est pourquoi il verra une descendance infinie.
Qui est ce « Serviteur de Dieu » ? Les premiers chrétiens l'ont vite identifié à Jésus qui, condamné injustement, crucifié horrible à voir, se taisait et s'offrait - nouvel agneau - pour le salut du monde.
Ainsi Luc raconte que, lisant cette page d'Isaïe, un ministre africain demeurait perplexe mais « partant de ce texte, le diacre Philippe lui annonça la bonne nouvelle de Jésus » (Actes 8, 32-35)
Et la 1ère Lettre de Pierre presse ses lecteurs de ne jamais oublier la merveille dont ils bénéficient : «  Ce n'est pas avec de l'argent que vous avez été rachetés de la manière insensée de vivre de vos ancêtres, mais par le sang précieux, comme d'un agneau sans défaut et sans tache, celui du Christ... » (1 Pi 1, 17-20)

JESUS ET LE MYSTERE PASCAL

Vers la fin du 1er siècle, alors qu'Israël attendait que Dieu réitère les merveilles de l'Exode, Jean rédige un nouvel évangile qui montre comment la vie de Jésus est la « Pâque » véridique et définitive dont l'antique Exode était une parabole préfigurative. Le parallèle est saisissant :
La Loi (Jean-Baptiste) avoue son impuissance à libérer du péché.
A la fête de la Pâque, Jésus s'offre, muet, comme le nouvel agneau.   -    Il ouvre une brèche dans la mer du Mal, il entraîne les disciples à « passer de ce monde au Père ».   -     Il révèle son Nom : « Je Suis » (8, 58).    -   Il scelle la Nouvelle Alliance. Il donne sa Loi : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».  -    Il conduit son peuple : « Je suis le Bon Berger...J'appelle mes brebis et je les fais sortir ». (Jn 10)   -    Dans la nuit, «  Je suis la Lumière du monde : celui qui me suit aura la lumière de la vie »(8,12)  - 
Il leur donne la nouvelle manne : « « Je suis le Pain de vie : au désert vos pères ont mangé la manne et ils sont morts. Celui qui mange ma chair a La Vie éternelle » (Jn 6).   -     Il les désaltère par son Esprit : « Celui qui a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive » : il désignait ainsi l'Esprit (Jn 7, 38)  -    Plus besoin de sanctuaire : ils sont eux-mêmes le temple nouveau : « « Détruisez ce temple : en 3 jours, je le relèverai ». Il parlait du temple de son corps » (Jn 2).  -    Il est le successeur de Moïse, le nouveau Josué (Jésus en hébreu) qui introduit son peuple dans la Terre Promise. « Celui qui croit le Fils a la Vie éternelle » (Jn 3,36).    -    On comprend combien il est indispensable de lire la Bible afin de pénétrer dans la connaissance de l'Evangile et comprendre la foi.

LES PREMIERS DISCIPLES

Parmi les disciples de Jean-Baptiste, peu acceptent de le quitter car il est plus facile d'en rester à une religion de lois et devoirs. Seuls deux s'en vont : André et un anonyme (invitation au lecteur ?).  Ils ne demandent pas à Jésus « ce qu'il faut faire » : ils se mettent à le suivre et ils désirent « demeurer  avec lui ». Ce chemin les conduira à la croix et à l'exode pascal. Mais alors l'Esprit les comblera.  Heureux ceux qui partent chaque dimanche pour partager « la manne de l'Agneau » et « demeurer » avec lui. Il les sauve de leur prison et, au vent de l'Esprit, il les emmène vers le Père.