LES ETOILES PARLENT-ELLES ?
Ces mystérieux voyageurs appelés "mages" -dont on ne sait ni le nom ni le nombre- n'étaient pas des rois mais des savants de Mésopotamie. En effet, au pays des deux fleuves -l'Irak d'aujourd'hui-, les archéologues ont retrouvé les vestiges d'immenses tours qui servaient d'observatoires astronomiques et que l'on appelait des ziggourats.
Emerveillés par le spectacle des millions d'étoiles et intrigués par les mouvements des constellations, les peuples croyaient que le ciel transmettait les messages mystérieux des divinités. Les mages étaient les spécialistes qui déchiffraient les paroles des dieux afin d'élaborer des horoscopes, assurer au souverain que son fils était né "sous une bonne étoile", ou fixer la date d'un mariage heureux.
C'est en découvrant ces monuments impressionnants, notamment la ziggourat de Babylone, que les rédacteurs de la Bible ont inventé la légende de la Tour de Babel, 5ème et dernier épisode de l'introduction biblique que nous avons parcourue ces derniers dimanches.
LE GRATTE-CIEL SIGNE DE L'ORGUEIL IMPERIALISTE
Cette Tour se dressait comme emblème et axe vertical d'un gigantesque dessein de conquête : le fol orgueil de vouloir unir tous les peuples dans la même civilisation autour d'une capitale fastueuse. Du haut de la Tour, les mages captaient les signaux divins à transmettre au roi afin qu'il mène à bien ses visées impérialistes.
Ce projet a fait faillite et chaque fois qu'il renaîtra, il échouera car Dieu ne veut pas qu'il réussisse, affirme la Bible. Non qu'il ait peur des hommes ni qu'il condamne la recherche scientifique et les exploits techniques (Le mythe de Prométhée volant le feu n'est pas biblique). Mais Dieu ne veut pas une humanité de clones, un monde où les hommes adoptent les mêmes m½urs, suivent une idéologie unique, marchent au même pas, parlent la même langue.
Chaque être humain en effet est créé "à l'image de Dieu" : il est donc une personne, unique, une conscience libre, un être à la dignité inaliénable. C'est pourquoi tout projet dictatorial (qu'il soit de Nabuchodonosor ou de Staline ou de Mao) est diabolique parce qu'il nie les singularités individuelles et les caractéristiques de chaque peuple. Méfions-nous donc des roulements de tambour, des discours hystériques, des claquements de drapeaux, des salles en délire, des programmes définitifs ! Tout rouleau compresseur conduit au goulag, à l'écrasement des libertés. Et toute idole au fanatisme.
Oui, il est bien vrai que le projet de Dieu est celui de l'unité du genre humain (on nous le disait d'emblée en nous assurant que nous sommes tous de la descendance d'Adam), mais cette unité n'est pas uniformité. Le rassemblement ne peut être le résultat du despotisme mais doit respecter l'originalité de chacun et la richesse des différences.
LES MAGES PROPHETES DU PEUPLE DE DIEU
Un jour, un message spécial a atteint nos mages, une nouvelle étoile les a incités à descendre de leur observatoire et à se mettre en route vers Israël. Ils y ont découvert non un dictateur mais le petit enfant d'un jeune couple pauvre. Ils ont alors compris qu'il ne fallait plus chercher dans le ciel les prédictions de l'avenir, les diktats des dieux, les combinaisons gagnantes du Lotto. Qu'il ne fallait plus croire aux élucubrations des horoscopes, à la fatalité cosmique. Car l'homme n'est pas soumis au destin écrit d'avance et le salut de son existence naît de la rencontre d'un Dieu qui s'est fait homme.
Descendus de leur tour orgueilleuse, aux pieds de Jésus, les mages ont appris l'adoration et se sont dépouillés de leur biens. Enfin ils étaient libres !
Ainsi étaient-ils les prophètes, les pionniers de l'extraordinaire mouvement qui allait saisir l'humanité quelques années plus tard et qui aujourd'hui franchit les frontières de la Chine.
Sourds aux ordres d'embrigadement des tyrans comme aux appels des "stars" et des vedettes de l'audimat, guidés par l'étoile de la foi, les chrétiens ne se veulent pas "identiques". Ils ne cherchent pas à bâtir une assemblée mondiale où se dissolvent les différences, une paroisse où tous sont du même rang et partagent les mêmes idées.
Au souffle de l'Esprit de Pentecôte, s'accueillant les uns les autres dans leurs particularités singulières, ils sont l'humanité réconciliée. Ils ne parlent pas la langue unique de la dictature babylonienne mais ils chantent la gloire de Dieu leur Père dans la multiplicité des langues, la diversité des cultures, des croyances et des liturgies.
L'amour n'a pas besoin de traducteur.
L'axe qui centralise leur existence n'est pas une tour - même celle de cathédrale - ni un programme figé ni une construction humaine mais l'humble croix du Golgotha, signe définitif que le ciel est uni à la terre, que Dieu aime les hommes., et qu'il parle à chacun dans sa langue.
CONCLUSION
Nous achevons ainsi la lecture rapide des onze premiers chapitres de la Genèse ; ils ne sont pas un reportage sur les débuts de l'univers mais une façon imagée, géniale, inoubliable, de nous montrer dans quel monde nous vivons, qui nous sommes, les dangers qui nous guettent. Adam a perdu le paradis, Abel est assassiné, Noé invente le bateau du salut, la tour de Babel s'effondre en ruines : tout est dit pour nous éveiller à la suite. Quelle est-elle ? Dieu appelle Abraham qui croit et se met en route. A chacun de nous d'entendre le même appel, de marcher et de redécouvrir Celui qui est au début, au c½ur et au terme de la Révélation : Jésus, nouvel Adam, nouvel Abel, nouveau Noé.
L'antique histoire n'a de sens que si elle devient la tienne, si tu consens à en être l'acteur. Quelle étoile suis-tu ?