Fête de la Pentecôte

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 1997-1998

Dieu a créé le monde en se retirant, écrivait Holderling, poète allemand du siècle passé. Jésus est venu en notre monde pour partager notre condition humaine et nous montrer un chemin de divinité, puis, lui aussi, comme son Père, s'est retiré. Père et Fils, main dans la main, ont commencé quelque chose et puis, ils nous laissent à nos solitudes les plus profondes. Nous pourrions être désemparés, attristés de cette forme d'abandon divin. Cela ne serait encore rien, mais en plus, ils ont le culot de nous prétendre que c'est comme cela que cela devait se passer, que c'était programmé pour que quelque chose d'autre puisse advenir : l'Esprit.

Déjà tenter de comprendre le Père et le Fils pour pouvoir entrer en relation avec eux, n'est pas si facile mais nous mettre en présence de cette troisième personne de la divinité complique encore un peu plus notre affaire. Sans pour autant le réduire à ces dimensions, l'Esprit auquel nous croyons, cet Esprit de la Pentecôte que nous célébrons, est force divine et souffle de Dieu. Il vit en nous. Il a sa source en Dieu et vient se reposer au plus profond de nous-mêmes là où les mots n'ont plus de sens puisque nous naviguons dans les eaux du ressenti de la foi. Il est là et comme toute force, il nous donne des ailes pour accomplir ce qui nous semble humainement tellement lourd. Il est cette source à laquelle nous allons puiser et qui nous fait faire ou dire des choses qui nous dépassent, comme si nous ne nous appartenions plus vraiment. Il nous invite à aller toujours au-delà de nous-mêmes. Il surgit en nous et nous étonnera toujours.

Cet Esprit reçu par les Apôtres et qui construit l'Eglise que nous formons est également souffle. D'abord souffle fragile, comme une brise légère. Dieu, le Père n'est plus au coeur de notre monde, mais son Esprit en est rempli. L'Esprit ne s'est jamais arrêté de souffler doucement, tendrement dans les petits signes, ô combien merveilleux de la vie, qui font toute la richesse d'une relation. Il devient de la sorte un lien possible entre nous autres êtres humains. Toutefois, je ne crois pas que l'Esprit, comme tel, puisse changer le cours des événements de manière radicale, comme par exemple permettre la guérison. Par contre, je reste convaincu qu'il se révèle au coeur de cette souffrance dans tous les gestes d'amitié, de solidarité qui se mettent en place autour de la personne en désarroi physique ou d'âme. Il donne la force, parfois surhumaine, de se battre pour vaincre cette maladie, ce manque de chance qui vous colle à la peau. C'est également ce même souffle léger qui susurre au creux de nos coeurs d'entrer en relation avec le Père ou le Fils. Il est en nous pour vivre de cette intimité divine dans les silences de ce que nous sommes. Par là, il donne vie à Dieu en nous. Ce sera alors notre décision personnelle d'y répondre de manière positive ou négative.

Hélas, les êtres que nous sommes, sommes souvent aveuglés ou sourds devant les signes visibles de l'Esprit. Nous sommes enfermés en nous-mêmes et nous ne permettons plus cette intrusion divine dans nos vies. Les barricades intérieures se mettent en place, plus solides les unes que les autres et il n'y a plus de possibilité d'évolution. Nous stagnons, voire même nous régressons. Or nous sommes des êtres créés en devenir. Pour nous permettre de continuer d'avancer sur notre propre chemin, l'Esprit se doit alors de souffler fort, beaucoup plus fort et nous sommes alors bousculés dans nos habitudes, rites, croyances et manière de vivre. Ce qui était établi pour nous se met à chanceler, vaciller et parfois ira jusqu'à s'écrouler. Ces changements radicaux nous mettent mal à l'aise, nous font peur et également mal. La seule manière de s'en sortir, c'est de continuer à faire confiance en l'Esprit puisque celui-ci donne vie.

Comment me direz-vous savoir si c'est vraiment l'Esprit qui a soufflé, lorsqu'il n'est plus brise légère mais bourrasque violente. Je crois qu'il n'y a qu'une seule réponse : laisser le temps au temps pour pouvoir être à même de décrypter les signes de l'Esprit et voir si la vie renaît au coeur de nos ruines. Pour ce faire, il faut être capable de s'arrêter. Or dans notre monde, nous courons, nous sommes pressés. La vie devient comme un paysage aperçu au travers d'une vitre d'un TGV, on a à peine le temps de l'apercevoir qu'on est déjà 10 kilomètres plus loin. En ce jour de Pentecôte, que l'Esprit vienne en chacune et chacun de nous pour reprendre le temps de le découvrir dans tous ces gestes qui donne vie. Amen.