Permettez-moi de vous conter ou de vous rappeler pour celles et ceux qui la connaissent l'histoire suivante : celle de l'ange et du cinéma. Imaginez-vous un instant que vous mourrez. A l'instant même où vous passez de l'autre côté, vous vous retrouvez assis dans une superbe salle de cinéma, sièges très confortables, de l'espace pour mettre ses pieds, accoudoirs, écran géant et Dolby stéréo. Vous êtes là, tout seul et vous attendez. Et puis, par derrière l'écran vole un petit ange. Sois le bienvenu au Ciel, vous dit-il. Nous te proposons d'assister à la projection d'un film, ton film, c'est-à-dire le film de ta vie. Durant cette projection tu reverras tout ce que as fait, ce que tu as dit voire même tout ce que tu as rêvé, pensé. Au nom de tous les anges du Ciel, nous te souhaitons un excellent film. Et puis, l'ange disparaît derrière l'écran. Et le film se met en route et vous revoyez tout ce que vous avez fait, dit et surtout pensé. A la fin du film, au moment où les lettres " The End " apparaissent vous êtes on ne peut plus enfoncer dans votre fauteuil, le front perlé par l'émotion de ce que vous venez de voir. L'ange revient vers vous et vous dit : j'espère que tu as passé un bon film. Vous trouvez à ce moment-là son humour légèrement douteux. Et il reprend : tu t'es sans doute demandé pourquoi tu étais seul dans une aussi grande salle de cinéma. Et bien c'est très simple, tu vas maintenant assister à une deuxième projection du film de ta vie, la même que la première, mais cette fois, tous les acteurs et actrices qui apparaissent dans ton film, vont venir te rejoindre dans cette salle pour regarder avec toi cette seconde projection. De la sorte, ils sauront vraiment ce que tu as dit, fait et surtout pensé. Nous te souhaitons à nouveau une excellente projection. A l'instant même où les portes de la salle s'ouvrent et que s'installent auprès de vous tous les acteurs et actrices, vous de votre côté, vous vous décomposez. L'horreur.
Si je vous ai conté cette belle histoire, c'est parce que je crois ce que nous dit l'évangile de ce jour. Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. C'est-à-dire que, par cette affirmation puissante, j'ai la conviction qu'il n'y aura jamais cette seconde projection du film de notre vie. Nous sommes marqués du sceau de nos paroles, de nos actes et de nos pensées mais ça, c'est entre Dieu et nous uniquement. D'ailleurs, comme le rappelle saint Jean dans une de ses lettres, " si notre c½ur nous condamne, Dieu est plus grand que notre c½ur et il connaît tout ".
Dieu n'est donc pas venu pour nous juger, nous condamner mais pour nous sauver. Non pas dans la mort mais déjà sur cette terre. Nous ne sommes pas d'abord sauvé de tout ce qui nous empêche de devenir nous-mêmes, nous sommes sauvés par Dieu pour nous accomplir, nous réaliser, nous épanouir. Si nous sommes sauvés dans la vie, nous serons également sauvés dans la mort. Le salut est d'abord et avant tout cette quête du bonheur, ce désir de se mettre, de se remettre debout. A l'instar du sacrement qui sera proposé à celles et ceux qui le souhaitent dans quelques instants. Nous sommes conviés par la vie à toujours aller vers un mieux-être, vers un plus-être, à entrer dans la joie, la perfection, la paix pour reprendre les mots de saint Paul. Cette quête incessante du bonheur nous invite à vivre le paradis sur cette terre. Le bonheur n'est donc pas une promesse à atteindre un jour, dans l'au-delà ; le bonheur, le salut de Dieu est à découvrir et à vivre dès maintenant.
Dieu le Fils est venu pour nous donner la vie, pour faire de chacune et de chacun de nous des êtres vivants, vivant pleinement chaque instant qu'il nous est donné de vivre. Le bonheur, il n'a pas de secret, il est comme une fleur qui pousse au bort du temps, notre temps. Le bonheur est aussi simple qu'une étoile qui nous illumine. Il nous suffit de la laisser scintiller. Le bonheur n'est pas une recette, il est ce sentiment qui nous étreint lorsque nous laissons l'amour se dire, l'amour se vivre. Si je t'aime, et si tu crois en mon amour, tu peux t'aimer. T'aimant, tu m'aimeras et tu aimeras d'autres. Etant aimé, je peux aussi m'aimer pour mieux t'aimer. Il importe peu de savoir où commence la dynamique de l'amour, l'important c'est que l'amour, à l'image de Dieu, soit vivant. Par cet amour donné et reçu, nous pouvons donner, en toute tendresse et confiance, ce que nous sommes. Amour donné, amour reçu, c'est le bonheur partagé, ou tout simplement le salut.
Amen.