De temps à autre, il m'arrive de rencontrer des couples ayant des jeunes enfants et qui me disent : j'espère que vous ne serez pas vexé, mais nous avons choisi de ne pas baptiser nos enfants, nous voulons qu'ils restent libres de le faire plus tard lorsqu'ils seront en âge de décider. A une telle affirmation, je m'étonne toujours. Pourquoi, serai-je vexé ? Comme si ma susceptibilité risquait d'être éprouvée. Notre paroisse n'est pas une entreprise économique et je n'ai pas l'impression d'avoir fait une mauvaise année si le nombre de baptêmes diminue. Mais surtout à une telle affirmation, je réponds toujours avec un léger sourire. Je me réjouis que vous ayez pris une telle décision pour votre enfant. Quelle chance a-t-il de pouvoir naître ou d'être accueilli au sein d'un couple comme le vôtre. Ensuite, commence une petite litanie de questions : lui avez-vous laissé le choix de venir au monde ? est-il aujourd'hui libre de vivre ? Je suppose qu'il n'ira ni chez une gardienne, ni dans une crèche, ni à l'école, tant qu'il ne sera pas à même de vous dire laquelle il choisit, voire même s'il en veut ? Vous ne prendrez évidemment aucune décision à sa place étant à ce point respectueux de sa liberté ? Mais de toute façon, pour qu'il soit libre, il devra être à même de pouvoir choisir. Alors comment allez-vous l'accompagner et lui faire découvrir la foi pour qu'il puisse vraiment choisir ? Il est vrai que ces quelques questions laissent en général un léger blanc dans la conversation.
Le baptême du Christ que nous célébrons en ce jour est une occasion de revisiter notre propre baptême. Pour la majorité d'entre nous celui-ci a été décidé par nos parents. Nous n'avons pas eu le choix. Pour ma part, ce n'est pas bien grave puisque dans ma vie, quand j'étais petit enfant, il y a eu un ensemble de décisions sur lequel je n'ai rien eu à dire. Mes parents ont beaucoup décidé pour moi et c'est tant mieux. D'ailleurs c'était leur rôle. Ce choix du baptême, je ne le regrette pas et l'église m'a donné l'occasion lorsque j'étais un peu plus grand de pouvoir le confirmer. A ce moment-là, j'ai vraiment eu le sentiment de pouvoir choisir. J'avais conscience que je pouvais infirmer le choix de mes parents et je n'ai pas eu le sentiment d'une quelconque pression sociale. J'étais libre. Mais libre de quoi ? Libre d'accepter mon baptême. Non pas un baptême, comme il a été compris pendant des siècles et hélas encore aujourd'hui par certains comme étant le lavement d'un péché originel comme si j'étais moi-même responsable de cet Adam dont nous savons aujourd'hui qu'il n'a jamais historiquement existé. Comment peut-on encore aujourd'hui continuer à prétendre que nous subissons un châtiment suite à une erreur de quelqu'un qui n'a jamais existé ? Une punition que nous devons laver dans les eaux d'un baptême. Il faudra un jour que quelqu'un m'explique cela mais intelligemment et non pas comme tout ce que j'ai lu jusqu'à ce jour sur ce thème.
C'est pourquoi, demander le baptême pour la conversion de ses péchés est, pour ma part, reconnaître que nous sommes des disciples de Jean le Baptiste. Il prônait, lui, un tel baptême. Mais nous ne nous inscrivons pas comme tel à sa suite. Notre présence en ce lieu est signe de notre foi au Christ qui se fera baptiser non pas pour ses péchés mais pour une raison beaucoup plus noble : recevoir l'Esprit saint et vivre de la vie en Dieu. Dès notre conception, dès le début de notre vie, nous sommes aimés de Dieu. Nous avons de l'importance à ses yeux. Par le baptême, nous sommes marqués de l'Esprit Saint, nous devenons enfants de Dieu par adoption. Robert Neuberger, psychologue, dans un superbe livre sur la famille affirmait qu'il n'existe pas d'enfants adoptés mais seulement des enfants par adoption.
Il importe peu la manière dont nous entrons dans une famille. L'important, c'est de faire partie d'une famille. Par notre baptême, nous sommes entrés dans la famille de Dieu, nous sommes ses enfants d'adoption. Etre enfant de Dieu, c'est oser croire et accepter que pour Lui, nous sommes ses filles et ses fils bien-aimés et qu'en chacune et chacun de nous, il a déposé tout son amour. Cette filiation divine se vit dans l'Esprit de Dieu qui nous accompagne tout au long de notre vie pour que celle-ci se vive dans la douceur, la paix et l'amour. S'il en est vraiment ainsi, revisitons notre propre baptême et qu'au c½ur de nos nuages intérieurs, le ciel s'ouvre pour que la colombe vienne se poser sur chacune et chacun d'entre nous. En nous, Dieu a mis tout son amour. Par son Esprit, nous sommes devenus ses enfants par adoption. Son désir pour nous est de vivre à jamais en Lui, c'est-à-dire de plonger dans le bonheur de la vie, dès ici et maintenant.
Amen.