PÈRE, FILS ET ESPRIT : DIEU EST AMOUR
Après Pâques et l’Ascension qui ont dévoilé le mystère du Christ, après la Pentecôte qui a célébré le don de l’Esprit de Dieu, l’Eglise aujourd’hui nous invite à contempler le mystère de Dieu tel qu’il s’est révélé tout au long d’un immense processus historique.
Qui donc est Dieu ? Que signifie ce mot ? Pourquoi tous les peuples ont-ils toujours vénéré et prié une ou des divinités qu’ils n’avaient jamais vues ? Projection de nos peurs ? Remède à nos angoisses ? Superstition naïve que la modernité peut enfin éliminer ? Il est dangereux d’avoir une fausse idée de la divinité et tout autant d’éliminer Dieu comme s’il était l’obstacle à l’épanouissement de l’homme et à la réussite de la société. On sait les déviations, les crimes que la déviation religieuse a provoqués : bûchers, persécutions des hérétiques, croisades, massacres. Au nom de Dieu, certains aujourd’hui encore égorgent, violent.
La Bible montre le cheminement séculaire qu’un petit peuple a dû parcourir pour épurer peu à peu ses conceptions religieuses. Dieu n’est pas un Baal qui assure fécondité des troupeaux et fertilité des champs ; Dieu n’est pas un guerrier qui envoie son peuple exterminer tous ses ennemis ; Dieu n’est pas un sadique qui demande aux pères de lui immoler leurs fils ; Dieu n’est pas celui qui assure toujours la victoire ; Dieu n’est pas un regard qui transperce le pécheur ; Dieu n’est pas un despote qui déchaîne sa colère contre l’innocent (Job) ; Dieu n’est pas un Juge faisant le compte de nos fautes pour nous envoyer en enfer. Il a fallu des siècles pour qu’enfin un chrétien écrive ce que ni la Bible juive ni le Coran musulman n’auraient dit : « DIEU EST AMOUR » ( 1ère Lettre de Jean 4, 8 et 16).
Dieu est PERE – et encore faut-il comprendre ce mot au sens de l’Evangile : non un dominateur à éliminer pour être libre mais comme le père pleurant de joie en accueillant son fils prodigue.
Dieu est FILS-PAROLE – non comme un pantin obéissant à la Loi mais comme homme libre et responsable, qui s’engage en toute conscience à réaliser une mission où il peut s’accomplir.
Dieu est ESPRIT – non comme une vague spiritualité où l’homme, laissé à lui-même, tente d’atteindre la maîtrise et le repos de l’âme par une dure ascèse. Mais comme une Présence qui nous rend enfants adoptifs de Dieu.
C’est le lien entre ce Dieu et l’homme que les premiers chrétiens célébraient dans la joie - comme le montre l’Evangile, finale de l’évangile de Matthieu, dont les trois déclarations capitales sont à méditer.
Au temps de Pâques, les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes.
Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
JESUS EST SEIGNEUR
Au lendemain de son baptême, Jésus avait rejeté le satan qui lui promettait de lui donner tous les royaumes de la terre s’il consentait à l’adorer en adoptant des moyens de séduction et de puissance (Matt 4, 9) et, à l’inverse, il avait opté pour l’humilité et l’amour jusqu’au don de sa vie. C’est pourquoi son Père l’a institué comme Seigneur du ciel et de la terre. En conséquence ses disciples doivent suivre son chemin : ne pas succomber à l’appel des idoles (richesses, avidité, enjôlement, séduction, violence, appui de César) et prendre le chemin resserré qui mène à la Vie (7, 14)
ORDRE DE MISSION
Si l’idolâtrie est le péril capital où l’humanité s’enfonce dans l’horreur et va à la perdition, si la reconnaissance du Christ Seigneur est LA Bonne Nouvelle qui libère les hommes et les conduit à leur plénitude à la rencontre de Dieu, alors il n’est pas facultatif de garder cette certitude dans l’intérieur d’une conscience pieuse ou des cultes privés. La mission n’est pas recherche de pouvoir d’une religion qui veut se soumettre le monde, elle n’est pas élan de fanatiques qui veulent imposer leurs convictions : elle est comme la fleur qui s’ouvre, comme la vigne qui offre ses fruits à tous, comme une joie qui se multiplie en se partageant, comme un bonheur que l’on ne peut cacher, comme un soleil qui dissipe les ténèbres.
Cette mission est universelle : elle s’adresse à tout être humain quelle que soit son statut social, sa langue, sa culture. Dans tous les continents, dans les bidonvilles crasseux comme dans les laboratoires en pointe, du 1er siècle jusqu’au dernier, l’Evangile ne sera jamais dévalué, inadapté. Quels que soient les refus auxquels il se heurte, le missionnaire sait que, au fond de tous les cœurs, même les plus corrompus, il y a une attente du Christ.
a) LE BAPTÊME : IMMERSION DANS LE MYSTERE DE DIEU
Dès l’origine, ce rite a été proposé et accompli pour tous ceux qui désiraient se convertir. Sans doute d’abord effectué « au nom de Jésus » (Ac 2, 38), quand Matthieu écrit son livret, dans les années 80-85, il est fait « au Nom du Père, du Fils et de l’Esprit ». On ne se confère pas ce rite : il faut le demander à une Eglise que l’on sait pécheresse. Les premiers convertis savaient que Pierre avait été un lâche : il ne se prétendait pas parfait mais pardonné. En se laissant plonger dans l’eau, le païen meurt au péché et en se relevant, il communie à la Résurrection du Christ ; il renaît, il devient une créature nouvelle.
b) VIVRE SELON L’EVANGILE
Il ne suffit évidemment pas d’être baptisé et inscrit dans un registre : le rite inaugural est la porte qui ouvre le nouveau chemin où le converti s’engage. Il a tout à apprendre : d’abord la vie de Jésus à travers les évangiles car la foi n’est pas d’abord une morale mais un lien, un attachement à une Personne. On n’exige pas du converti qu’il jure d’être un impeccable pratiquant de la Loi chrétienne : il est invité à se laisser aimer par Jésus et à l’aimer, à le reconnaître vraiment comme son Seigneur qui ne veut que son bonheur mais qui ne cessera jamais d’imposer toutes ses exigences : « tout ce que je vous ai commandé ».
« La vie est un temps donné pour apprendre à aimer » (abbé Pierre)
JESUS EMMANUEL : « DIEU AVEC NOUS »
Dans l’annonciation à Joseph, l’Ange lui avait demandé d’appeler le nouveau-né « Jésus …car il sauvera son peuple de ses péchés » (En effet Iéshouah signifie « Dieu sauve »). Maintenant que la Pâque a réalisé ce salut, Jésus peut recevoir le nom de la promesse prophétique : « Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel » qui veut dire « Dieu-avec-nous » (Isaïe 7, 14 = Matt 1, 23).
Pour Luc, l’Ascension témoigne de la présence glorieuse du Ressuscité près de son Père ; Matthieu, lui, précise qu’il n’y a là aucun éloignement et que Jésus vivant demeure auprès de ses disciples à jamais. Les deux évangélistes se complètent : l’un dit que l’humanité est près de Dieu et l’autre que Dieu est près des hommes.
L’obstacle du péché est levé : à partir de la Galilée où ils avaient commencé à suivre le maître qui les appelait, les disciples peuvent maintenant s’élancer sur tous les chemins du monde, accompagnés invisiblement mais efficacement par ce même Jésus qui, ressuscité et vivant, demeure en eux, avec eux. Sa présence inamissible leur permettra de poursuivre sa mission sur son modèle: annoncer la Bonne Nouvelle, plonger les convertis en Dieu, leur apprendre à vivre selon l’enseignement de l’Evangile, soigner les malades et handicapés, dénoncer les mensonges, purifier l’institution religieuse. Donc également rencontrer contradictions, hostilité et croix.
Ils ne sont plus un groupe d’hommes qui suit un maître mais une communauté christique qui va essaimer, fonder ici et là d’autres communautés, toutes unies par la même confession de foi et par le partage du Pain et du Vin où se manifeste la présence d’Emmanuel.