Vigile de Pentecôte

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 23/05/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Au moment où des millions de personnes sont assises chez elles confortablement —aussi confortablement que dans cette église— pour suivre le concours Eurovision —et savoir quelle sera la plus belle voix — nous voici rassemblés, en plus petit comité. Rassemblés pour invoquer une toute autre voix ! Non une voix qui brille, qui donne de l’éclat,  ou du rythm inside, un rythme intérieure, mais une voix silencieuse, toute intérieure. Ce que nous invoquons ce soir —l’Esprit— ce n’est pas une voix, une parole. C’est plus exactement, ce qui nous donne de la voix. Ce qui porte la Parole, comme on porte la Vie.

L’Esprit est en effet non ce qui nous parle, ce qui s’entend, mais ce qui nous fait parler, ce qui fait que nous nous entendons. Il est comme cette source d’eau vive lorsque notre communication devient harmonieuse.
Il est comme ce principe de vie qui vient nous donner sagesse dans l’épreuve. Il est cet élan vital qui donne courage. Il est ce souffle qui nous donne de parler, de donner de la voix. Il est comme 
cette voix indicible inscrite au fond de chacun, qui peut venir assouplir ce qui est raide, crispé. Oui l’Esprit est bien ce principe de vie, tout simplement, donné à tous ceux qui l’invoquent —in-vocare— c’est à dire qui l’appellent au fond d’eux-mêmes.

Cet Esprit est bien plus qu’une parole. Il est ce qui vient assurer notre parole et la rendre audible, crédible, malgré toutes nos contradictions et nos incohérences.  Le souffle n’est pas ce trait d’Esprit d’un instant, mais cet élan qui nous fait parler, qui rend nos existences parlantes même lorsque tout semble se taire.

Oui, l’Esprit est avant tout non ce qui se fait entendre, mais ce principe de vie qui fait que l’on peut s’entendre, car l’Esprit ne fait rien pour lui-même. Invoquer l’Esprit devient alors vouloir discrètement, humblement, mettre de l’harmonie, accueillir plusieurs voix sur la portée de sa vie. 

Invoquer l’Esprit, c’est s’accorder, 
c’est à dire se mettre à l’écoute du coeur de l’autre,
Invoquer l’Esprit, c’est accueillir des soupirs, faire place aux silences,
Se risquer à mettre des nuances, du timbre, de l’élan.

Invoquer l’Esprit, c’est tout simplement vivre la liberté, et interpréter la partition de la vie, de sa vie, sans vouloir y mettre trop de puissance… Vivre de l’Esprit, c’est vivre la vie tout simplement, sans la surjouer, ou jouer avec elle.

Il y a quelques mois, j’ai eu l’occasion d’entendre le grand chef d’orchestre gantois, Philippe Herreweghe, présenter la passion selon Saint Jean. Et, en parlant de l’interprétation d’une oeuvre, il a dit cette phrase que je trouve extraordinaire. «Lorsqu’on entend l’interprétation, c’est qu’elle n’est pas bonne, car elle fait écran entre l’oeuvre et l’auditeur».  Par cela, il voulait dire qu’il n’aimait que l’on puisse reconnaitre son style, et que cela fasse écran à l’oeuvre.

La Pentecôte nous invite à ne pas surjouer notre propre vie, mais plutôt de nous laisser imprégner par l’Esprit de Dieu, qui vient souffler où il veut.

La Pentecôte devient ainsi cette fête qui veut que nous n’avons plus prise sur Dieu… Car durant des millénaires, les humains ont voulu mettre le grappin sur Dieu. Dire qu’il fallait passer par un intermédiaire, un roi investi de l’Esprit de Dieu, un prêtre, une institution… Mais par l’événement de la Pentecôte, l’Esprit de Dieu s’inscrit désormais en chacun. Il suffit de descendre en nous, pour découvrir ce que le souffle de l’Esprit vient nous dire. Ce que nous célébrons est bien ce Dieu qui se partage, cet Esprit de Dieu qui se répand en nous, en mondiovision…

Et puisque cet Esprit est partagé, voilà pourquoi il est si difficile de l’entendre… sans cesse étouffé par nos incompréhensions !
Oui, notre communication est bien difficile…
Entre ce que je pense,
ce que je veux dire, 
ce que je crois dire
ce que je dis,
ce que vous voulez entendre,
ce que vous entendez
ce que vous croyez comprendre
ce que vous voulez comprendre
et ce que vous comprenez,
Entre nous, avouez qu’il y a de quoi se méprendre !

Mais voilà que l’Esprit vient s’inscrire au coeur de nos incompréhensions et de nos relations, pour nous donner d’entendre, dans notre propre langue les merveilles de Dieu.

Alors, appelons avec humilité la venue de l'Esprit dans nos coeurs ! C'est lui —parce qu'il est principe d’écoute et d’unité— qui peut faire toutes choses nouvelles, laver ce qui est souillé, guérir ce qui est blessé, assouplir ce qui est raide, réchauffer ce qui est refroidi et recréer nos vies. Viens Esprit Saint, allume en nous ce feu de ton amour ! Amen.