Le Corps et le Sang du Seigneur

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Dimanche passé, en la fête de Dieu Trois-en-Un, nous avons entendu les ultimes paroles de Jésus ressuscité à ses disciples : " Tout pouvoir m'a été donné...Allez...faites des disciples...baptisez-les...".

Et cet envoi se terminait par une promesse inconditionnelle :

" ET JE SUIS AVEC VOUS TOUS LES JOURS JUSQU'A LA FIN DES TEMPS".

 

Tout au long de son histoire, l'Eglise a souvent péché, elle n'a pas toujours obéi aux enseignements du Christ mais jamais cette Présence de son Seigneur ne lui a manqué. Invisible mais réelle, cette Présence l'a toujours soutenue, relevée, purifiée, réconfortée.

C'est de cette Présence, de cette Victoire du Christ sur la mort, qu'elle doit témoigner - et non de ses travaux et de ses réalisations à elle.

JE SUIS AVEC VOUS = L'EUCHARISTIE DOMINICALE

Cette Présence se manifeste au maximum lorsque, le dimanche (jour de la résurrection de Jésus), des personnes de toutes origines et de toutes classes sociales quittent leurs domiciles particuliers pour se rassembler, écouter la Parole de Dieu, se nourrir du Pain du Christ, chanter et prier dans l'élan de l'Esprit.

Oh certes elle est parfois bien pauvre, notre messe du dimanche, usée par la routine, ennuyeuse avec ses formules figées, fastidieuse avec ses cantiques trop connus.

Et pourtant elle reste bien "l'épiphanie", la manifestation évidente de la réussite du projet de Dieu accompli par son Fils. Car si Jésus a accepté - avec horreur - de mourir sur une croix, si, quelques heures avant son supplice, il a institué l'Eucharistie, c'est bien pour unir les hommes dans la paix de Dieu. Et cette union doit se voir.

Telle fut son ultime prière :

" Père, que tous soient UN comme Toi et Moi nous sommes UN...qu'eux aussi soient UN afin que le monde croie que tu m'a envoyé" ( Jean 17)

Jésus n'a pas dit que la mission dépendait du dévouement de Pierre, du courage de Barthélemy, de l'ascèse de Jacques, de la mystique de Jean... : il a assuré que les hommes seraient conduits à la foi en voyant réalisée l'unité entre disciples si divers.

Et où apparaît d'abord cette unité ?... sinon lorsque, abdiquant leur égoïsme, renonçant à tout racisme, heureux de juxtaposer leurs différences et cessant de se fier à leurs ½uvres individuelles, des disciples sortent de leur vie privée pour constituer une assemblée, une existence communautaire, un CORPS dont le Christ est la TETE et eux les MEMBRES.

L'affirmation que Jésus est ressuscité (c½ur de la foi) n'est pas un dogme à asséner à des esprits incrédules, ni une conviction privée, ni la caution d'une vie morale impeccable. Elle cesse d'être une phrase mystérieuse et incroyable lorsque, convaincus d'être des morts s'ils restent séparés les uns des autres, les chrétiens se laissent reconstituer en CORPS VIVANT en disant ensemble AMEN à l'Evangile et en partageant le Pain du Christ leur Seigneur présent.

Selon la superbe formule utilisée au Moyen-Age et reprise par Jean-Paul II dans son ultime encyclique :

" L'EGLISE FAIT L'EUCHARISTIE

ET L'EUCHARISTIE FAIT L'EGLISE "

Voilà pourquoi l'hémorragie de nos assemblées depuis quelques dizaines d'années, la désaffection des jeunes et d'une multitude de baptisés est un fait extrêmement grave.

Non que ces gens soient devenus des vauriens. Beaucoup en effet sont honnêtes, serviables, certains militent pour les droits de l'homme et la justice dans le monde ; ils avouent même qu'ils prient en secret, demandent le baptême pour leurs enfants et, naturellement, en cas de décès d'un parent, un enterrement religieux !...Mais la messe leur paraît vaine et inutile.

Et par ailleurs nous ne prétendons pas que "les pratiquants" sont des modèles de vertu et des héros de la foi, que les cérémonies sont poignantes, et la prédication toujours intéressante.

Mais nous voulons faire ce que les chrétiens faisaient à Jérusalem avec Pierre et à Corinthe avec Paul : obéir au Seigneur Jésus qui a promis sa présence et qui a affirmé :

"Je suis le Pain de la Vie....

Le Pain que je donnerai, c'est ma chair donnée pour que le monde vive.

Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'Homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la Vie en vous. Car ma chair est vraie nourriture et mon sang vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui..."

.( Jean 6 )

Saint Jean note que tout de suite après ces déclarations choquantes, la plupart des disciples cessèrent de suivre Jésus. L'eucharistie a toujours été et sera toujours la pierre d'achoppement. La tentation revient sans cesse de rabattre la foi sur le plan moral de la bonne volonté et du dévouement individuel ...ou de l'évacuer dans le ciel des belles idées, de la piété inefficace, de la superstition.....

Un vieux chrétien aveugle me confiait un jour : " Pour moi la messe n'est pas obligatoire : elle est indispensable ".

Oui, nous ne nous rassemblons pas le dimanche "parce que c'est obligatoire" ou pour éviter un gros péché mais parce que nous imitons nos ancêtres dans la foi. Lorsque saint Luc trace le portrait sommaire de la première Eglise née à Jérusalem autour des Apôtres, il énumère les quatre activités fondamentales qui la constituent :

"Ils étaient assidus à l'enseignement des apôtres et à la communion fraternelle,

à la FRACTION DU PAIN et aux prières"

( Actes des apôtres 2, 42)

Ils ne se lamentaient pas sur la croix ni ne pleuraient la disparition de Jésus : ils étaient convaincus qu'en se réunissant le premier jour de la semaine et en partageant le Corps eucharistique du Christ, ils devenaient sa Présence ecclésiale.

La Joie qu'ils expérimentaient en communiant était le signe que Jésus était vivant et elle était tellement communicative qu'en dépit des persécutions ils fondèrent partout de nouvelles communautés. Lesquelles, à leur tour, ne tenaient qu'au foyer de l'Eucharistie partagée. Il en va de même aujourd'hui.