Le Corps et le Sang du Seigneur

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Mc 14, 12-26

Il y a quelques années déjà, il était venu témoigner de sa vie, de sa propre descente aux enfers, ceux de toutes les drogues possibles et imaginables. Avec beaucoup d'humilité, il nous racontait comment il avait pu, petit à petit, grâce aux nouveaux contacts qu'il nouait, remonter la pente. Il était très ému et beaucoup avait été touché par ses mots. Quelques semaines, plus tard son livre autobiographique était mis en vente et ce fut un véritable succès dans nos paroisses. Deux années se passèrent, puis il repris contact avec nous nous demandant si nous accepterions que lui et ses amis, sortis également tout droit de cet enfer, puissent venir exposer leurs peintures. Ils ne cherchaient pas spécialement à les vendre, ils avaient juste envie de nous les montrer. Un peu comme pour nous dire : vous voyez, malgré nos histoires teintées de moments plus sombres, nous aussi nous pouvons laisser exprimer ce que nous ressentons par le biais de l'art. Nous fûmes invités à aller les voir. Il suffisait de descendre les quelques marches de l'église conduisant à la salle. Beaucoup avait acheté le livre mais peu d'entre nous décidèrent de prendre quelques minutes de notre précieux temps pour rendre hommage à ces artistes en herbe, trop souvent blessés par la vie. En ce temps-là, il avait été plus facile de dépenser quinze euros que de donner cinq minutes de notre temps.

Même si nous n'avons pas personnellement participé à ces deux rencontres, nous pouvons quand même nous les faire nôtres. En effet, très souvent, et peut-être même trop souvent, il est plus facile de donner une piécette qu'un peu de son temps. Mais s'il en est ainsi nous ne donnons qu'une part de superflu de nous-mêmes. Nous ne donnons pas de nous-mêmes. Or le véritable don ne trouve-t-il pas sa source en nous ? Ne gardons-nous pas un meilleur souvenir du temps passé ensemble que d'un objet reçu ? Il est vrai qu'il n'est pas aisé de donner de soi car donner de soi peut nous rendre plus vulnérable. En effet, lorsque je donne une partie de moi, je m'expose à l'autre, je me dévoile d'une certaine manière et cela, je ne peux le réaliser que si je suis entré dans une relation de confiance. Confiance que l'autre m'acceptera tel que je suis. Confiance que l'autre n'utilisera pas cette face dévoilée contre moi. Confiance en la vie que le plus belle chose que nous pouvons offrir, c'est une part de nous-même. Nous sommes appelés à donner de nous. Non pas tout car il n'est pas possible de donner cette part mystérieuse qui fait partie intégrante de notre être. Donner de soi, c'est accepter de prendre le risque de la rencontre ou plus encore, c'est oser risquer d'aimer et de se laisser aimer. Le don de soi est donc bien le plus beau cadeau que nous puissions nous faire l'un l'autre lorsque la confiance et la recherche de vérité sont au c½ur de notre rencontre. S'il en est ainsi pour nous, il en va de même pour Dieu. Lui aussi, d'une certaine manière, a choisi de nous offrir non pas seulement une petite part de sa divinité mais toute sa personne par le don de son corps et de son sang. Il va au-delà de toute espérance. Il accomplit ce que, humainement, peu d'entre nous arrivent à réaliser : le don total de sa vie pour le bien des autres, pour l'humanité entière. Dieu se donne entièrement dans le mystère eucharistique que nous célébrons chaque fois que nous le pouvons. Il se donne mais d'une manière étonnante : il se donne en communion. C'est-à-dire qu'il ne cherche pas à offrir un don exclusif à l'un ou l'autre d'entre nous. Non, il a choisi de se donner à chacune et chacun de nous par le biais de cette communion partagée. Nous devenons ainsi ensemble ce que nous avons reçu : le corps et le sang du Fils. En plus de celui de la vie, il n'y a plus beau don à recevoir et à pouvoir partager. Dieu se donne et nous sommes invités à nous donner également tant à Dieu qu'à celles et ceux de qui nous nous faisons proches. D'une manière ou d'une autre, par ce don reçu, nous sommes conviés à devenir des êtres féconds durant cette traversée terrestre. Cette fécondité variera en fonction de nos choix et de nos réalités respectives. Certains d'entre nous ont choisi d'offrir à un autre le plus beau don qui soit : celui de la Vie. Puissions-nous rendre grâce à nos parents respectifs de nous l'avoir offert mais portons également dans nos prières toutes ces vies qui ont été offertes à la Vie et qui ont commencé leur chemin parmi nous puis s'en sont allées par elles-mêmes ou par le choix d'autres vers cet ailleurs qui nous est inconnu. Une vie, des vies ont été commencées. Elles nous ont quitté mais puissions-nous croire qu'elles se poursuivent aujourd'hui en Dieu dans le cloître des lumières où chacune est devenue un luminaire d'espérance.

Amen.