Marie, mère de Dieu

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Sanctoral
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012


Au siècle passé, durant plusieurs décennies, certains étaient convaincus que pour réussir sa vie, il fallait être doté d'un quotient intellectuel conséquent.  C'était le fameux QI.  Tout se situait au niveau de l'intelligence rationnelle de l'être humain.  Puis, peu à peu, des chercheurs se sont rendus compte que l'intelligence ne pouvait se suffire à elle-même mais qu'elle devait se combiner à une  autre dimension de notre humanité : nos émotions qui ont également leur siège au sein de notre cerveau.  Ainsi est née l'intelligence émotionnelle avec son QE: le quotient émotionnel.  Et depuis quelques années, certains scientifiques reconnaissent qu'il y a un troisième quotient à intégrer : il s'agit cette fois du quotient spirituel, le QS.  En effet, chaque être humain est en quête de sens et cherche à vivre en fonction de la raison d'être qu'il donne à sa vie.  Tout en reconnaissant, que pour certains, cette dernière s'inscrit dans quelque chose de plus grand que nous et que nous nommons Dieu.  Dans la foi, la Vie nous a été confiée et nous avons chacune et chacun une destinée à accomplir à partir des choix que nous posons. Il a donc fallu tant d'années pour découvrir l'impact du QI, du QE et du QS dans nos existences alors qu'il aurait suffit de bien comprendre l'évangile que nous venons d'entendre.
A l'instar de Marie, Mère de Dieu, nous sommes priés à notre tour de devenir des « cardiosophes ».  La cardiosophie, terme emprunté au philosophe Cioran, est ce cheminement intérieur qui consiste à inscrire la connaissance dans l'Amour ou pour le dire autrement, il s'agit de la sagesse du c½ur qui combine QI, QE et QS.  Reprenons l'exemple de Marie qui est sans doute la première cardiosophe depuis la nuit des temps.  « Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son c½ur », nous dit l'évangéliste Luc.  Face aux événements que nous traversons ou encore dont nous sommes parfois les témoins, nous sommes invités à utiliser notre raison pour comprendre ce qu'il nous arrive et surtout pour chercher à y donner sens.  Comment pouvons-nous grandir à partir de certaines expériences même si celles-ci sont pénibles voire douloureuses pour le corps et pour l'esprit ?  Nous utilisons notre intelligence rationnelle pour ne pas nous laisser dépasser par ce fléau contemporain de l'audimat qui est de chercher toujours plus d'émotionnel.  Inscrire les événements dans l'émotionnel pur, c'est tomber dans le piège de l'éphémère et du sensationnel.  C'est peut-être aussi insulter notre propre esprit et sa capacité réflexive.  La première étape de la cardiosophie est donc de chercher à donner sens en utilisant notre raison.  Mais comme le démontre Marie, le travail de mémoire ne peut suffire.  Il y a lieu de passer à une étape suivante, celle d'utiliser cette fois notre intelligence émotionnelle, c'est-à-dire d'inscrire tout événement dans les sentiments qui nous font grandir. Notre intelligence émotionnelle est là pour mettre dans nos vies une dose de douceur, une pointe de tendresse, une pincée de bienveillance,  une mesure d'affection véritable.  Utiliser notre intelligence émotionnelle nous incite ainsi à ne pas tomber dans ce sensationnalisme primaire et à être submergés par nos émotions.  Ici, c'est tout le contraire.  Notre intelligence émotionnelle va nous permettre de remettre de l'humanité au c½ur d'un événement.  Il s'agit de tout ce travail de méditation qui va conduire à un changement intérieur en profondeur.  Telle est la deuxième étape de la cardiosophie.  Nous sommes cette fois guidés par des sentiments nobles tels que la compassion, l'attention toute particulière à l'autre. Ces attitudes permettent parfois de traverser autrement l'expérience de l'injustice de la souffrance.  Nous ne sommes plus seuls.  Certains parmi nous ont choisi de nous accompagner, de nous porter dans ce que nous vivons de difficile.  Les cardiosophes sont à nous côtés, ils nous entourent et nous soutiennent.  Puis vient la troisième et dernière étape de la cardiosophie : vivre ce que nous avons à vivre dans notre c½ur, c'est-à-dire atteindre cette sagesse du c½ur en inscrivant l'événement dans l'Amour par excellence.  Nous cherchons cette fois à lui donner une dimension spirituelle.  Nous prenons conscience que le sens même de nos vies prend sa source et se réalise en cet enfant Dieu qui est venu de Dieu et qui est tout de Dieu.  Et tout cardiosophe sait pertinemment bien que notre Dieu a mis sa crèche dans notre c½ur.  C'est là et là seulement, qu'il se révèle à nous.  En ce début de l'année, à notre tour, laissons la cardiosophie envahir notre être et nous pourrons de la sorte « retenir tous ces événements et les méditer à jamais dans nos c½urs ».
Amen