Marie, mère de Dieu

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Sanctoral
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

AVEC  MARIE  SOUS  LA  BENEDICTION  DE  DIEU

Les unes après les autres, selon les fuseaux horaires, les télévisions retransmettent les scènes habituelles des foules rassemblées, cette nuit, au c½ur des capitales du monde pour égrener le compte à rebours : « DIX...NEUF...HUIT...SEPT......ZERO !! ». Et sous les feux d'artifice, le champagne coule à flot tandis que les gens hilares s'embrassent, s'offrent fleurs et paquets en répétant les souhaits traditionnels : « BONNE ANNEE...ET SURTOUT UNE BONNE SANTE ».  Joie émouvante dans sa fragilité d'une race humaine si angoissée devant l'avenir et dont les v½ux parfois superficiels, souvent sincères, restent toujours pathétiques : comment conjurer la fatalité avec des mots ?  D'ailleurs pourquoi le faire à une date arbitraire : pourquoi le 1er janvier et non le 20 mars avec le printemps ou le 1er septembre avec la rentrée ?....L'année civile n'est qu'un nouveau tour de piste, après et avant des millions d'autres. Un cycle.

En décalage avec elle, l'année liturgique est (ou devrait être) la grande lumière de signification, l'école d'humanisation du monde, la façon de nous faire vivre le temps en profondeur.
L'Avent nous a rappelé que l'histoire a un sens, que les époques passées étaient des étapes vers un accomplissement, qu'il fallait vivre sans nostalgie du passé en ne cessant de préparer les voies du Seigneur. Noël a fait scintiller une petite lumière dans la nuit : nous ne sommes plus seuls, Dieu s'est glissé dans notre humanité pour mener, avec nous, la grande lutte contre le mal et l'absurde.
Aujourd'hui, dans l'octave de Noël, au seuil de l'année civile nouvelle, la liturgie nous donne les mots qui nous serviront à dépasser les souhaits impuissants afin de nous communiquer la BENEDICTION, la Force de Dieu pour poursuivre le rude chemin d'être homme. Et ensuite elle nous place sous la garde de Celle que l'on ose appeler « MERE DE DIEU » et qui de ce fait est également NOTRE MERE.
De la sorte nous serons armés - doublement - pour affronter les crises des prochains mois.

1.  LA GRANDE BENEDICTION (1ère lecture)

Dans le vocabulaire chrétien, la bénédiction n'a plus qu'un sens dévalué : le prêtre, d'un geste  furtif, trace une petite croix sur une statuette ou une médaille ; parfois on lui demande de bénir une maison ; et, dans la hâte de quitter l'église, on ne prête guère attention à la bénédiction que le célébrant trace sur l'assemblée pour conclure la célébration eucharistique. Or, dans la Bible, dans le vocabulaire de la prière, la bénédiction tient une place essentielle, première. C'est ainsi que Dieu a appris aux prêtres à bénir son peuple (1ère lecture du jour - texte révisé d'après les nouvelles traductions bibliques) :

« Le Seigneur dit à Moïse : « Voici comment Aaron et ses descendants béniront les fils d'Israël :  
QUE LE SEIGNEUR TE BENISSE ET TE GARDE
QUE LE SEIGNEUR FASSE RAYONNER SUR TOI SON VISAGE ET T'ACCORDE SA GRÂCE
QUE LE SEIGNEUR TOURNE VERS TOI SON VISAGE ET TE DONNE LA PAIX »
Il apposeront ainsi mon Nom sur les fils d'Israël, et Moi, je les bénirai »

BENIR ne se réduit pas à un « bien-dire » (latin « bene-dicere ») : lorsque Dieu bénit ses créatures, il ne dit pas seulement une belle phrase mais Il leur communique sa puissance de Vie pour les rendre actives, fécondes. Sa bénédiction donne réellement sa Bonté, sa Faveur et sa Grâce. Remarquez bien la nuance du texte : cette bénédiction, Dieu charge les prêtres d'en être les transmetteurs : « ils apposent le Saint Nom sur les croyants » mais il est entendu que c'est Dieu qui bénit !! En répétant trois fois le Nom trois fois Saint, en prononçant de tout c½ur la formule consacrée, en étendant les mains au-dessus de la tête de leurs frères et s½urs, ils signifient l'acte efficace de protection :
Puisses-tu être convaincu que ton Dieu ne te fixe pas d'un ½il sévère, qu'il ne comptabilise pas tes fautes, qu'il ne se confond pas avec ton sur-moi ou ton complexe de culpabilité. Sache que ton Dieu, ton Père, te regarde avec amour, qu'il compatit à ta faiblesse, qu'il craint pour tes épreuves. Son Visage, c.à.d. sa Personne, n'est que Bonté et Tendresse, Joie et Sérénité. Sa bénédiction entend exorciser tes peurs, écarter tes craintes, chasser tes scrupules, consoler tes tristesses. Le Visage de Dieu n'est pas celui, grimaçant, des idoles et des masques : il est Lumière rayonnante de Vérité.

Il est frappant de constater que la formule monothéiste biblique s'accomplit dans la Nouvelle Alliance de manière trinitaire: ainsi, aujourd'hui, le prêtre pourrait clore la célébration eucharistique en disant :

QUE DIEU NOTRE PERE BENISSE TOUS SES ENFANTS
QUE LE VISAGE RAYONNANT DU CHRIST VOUS COMBLE DE SA MISERICORDE
QUE L'ESPRIT-SAINT VOUS GARDE SOUS SA PROTECTION ET SA PAIX.

Et rappelons que la bénédiction biblique joue dans les deux sens : de haut en bas Dieu répand sa grâce et, en retour, de bas en haut, l'homme « bénit » son Dieu, il lui exprime sa reconnaissance, sa gratitude, sa  joie d'être connu et sauvé. « Béni sois-tu, Seigneur, pour ton amour immense ». En somme, la bénédiction, dans son « aller-retour », est révélation d'un Dieu bon et exultation de l'homme à sa juste place.
Les époux chrétiens étant les célébrants de leur mariage, pourquoi ne pas reprendre la vieille coutume : l'un à l'autre, se donner et recevoir le Don de Vie de Celui qui est le Père des deux ? Pourquoi les parents, devant l'immense fragilité de leurs enfants, ne reprendraient-ils pas l'antique formule afin qu'ils découvrent le vrai Dieu qui les regarde avec tendresse ?
Oui, si nous redécouvrions la Bénédiction comme ciment de la communauté familiale tant menacée ? Si nous quittions l'église, heureux de porter le sceau de Notre Père ?...

2.  MARIE MERE DE DIEU

La grande réforme liturgique d'après le concile Vatican II a précisé la place spéciale de Marie dans le culte chrétien et elle a notamment rappelé ses 4 grandes solennités : L'Immaculée Conception (8 décembre), l'Annonciation (25 mars), l'Assomption (15 août) et - antique fête de l'Eglise de Rome, remise en valeur par Paul VI pour devenir fête universelle - la Maternité divine (1 janvier).
Dès le 2e siècle, le peuple chrétien aimait prier « SAINTE MARIE MERE DE DIEU » (cf. le « Sub tuum... ») mais de grands débats s'enflammèrent lorsque Nestorius critiqua cette appellation. Marie, disait-il, était mère de l'homme Jésus, on pouvait l'appeler « mère du Christ » mais absolument pas « Mère de Dieu ». Le concile d'Ephèse (en 325) trancha en proclamant Marie « theotokos »c.à.d. Mère de Dieu. Non qu'elle ait donné naissance à Dieu mais étant mère de Jésus et celui-ci étant vrai Dieu et vrai homme, elle pouvait donc être dite « mère de Dieu ». Le nier conduirait à faire de Jésus un homme adopté par Dieu, ou une personne dans laquelle divinité et humanité étaient séparées.

L'évangile de ce jour nous montre Marie, jeune maman d'emblée plongée dans une situation bouleversante :
« Quand les bergers arrivèrent à Bethléem, ils découvrirent Marie et Joseph avec le nouveau-né couché dans une mangeoire. Après l'avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tout le monde s'étonnait de ce que racontaient les bergers.
MARIE CEPENDANT RETENAIT TOUS CES EVENEMENTS ET LES MEDITAIT DANS SON C¼UR.
Les bergers repartirent, ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu'ils avaient entendu et vu selon ce qui leur avait été annoncé »
Marie ne prêche pas, elle ne prononce pas un grand sermon pour expliquer la situation. Bouleversée, comme à l'Annonciation (1, 29), jetée dans une aventure imprévisible, elle fait silence. Le voyage, la nuit, la pauvreté, le berceau en paille, la stupeur de Joseph, l'arrivée de ces petits pauvres... : elle enregistre tous ces événements et, dit exactement St Luc, elle « les symbolise » dans son c½ur.
Au sens antique, un symbole est une pièce brisée en deux et dont les morceaux doivent être réunis pour que l'on reconnaisse leur unité. Ainsi Marie subit un enchaînement de circonstances inouïes et elle tente de les joindre avec des pages des Ecritures. Le révélé et le vécu doivent « se cor-respondre » : en les joignant, en les « symbolisant », en les « méditant », ils doivent s'éclairer, manifester le dessein de Dieu donc donner confiance et ancrer dans la foi.
* * *
La bénédiction de Dieu n'a rien de magique, elle ne protège pas de tout par miracle. Par quelles souffrances Marie ne va-t-elle pas passer ! Mais dans son cantique, elle utilisait le langage de la bénédiction (Dieu qui regarde avec amour) :
Mon âme exalte le Seigneur ; exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur ;
Il a porté son regard sur son humble servante :
Désormais toutes les générations me diront bienheureuse ..... »
Avec elle, la Bénie, nous - les bénis - pouvons entrer dans cette année pleins de confiance.
En méditant paroles de Dieu et événements, nous devinerons le doux Visage de notre Seigneur.