Noël

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2007-2008

En plein c½ur de l'hiver, alors que les ténèbres s'épaississent et que le froid tenaille, il se passe quelque chose de très remarquable.

NOËL : REVE D' UNE HUMANITE FRATERNELLE

Alors que nous vivons dans une société riche mais impitoyable, une société marchande où tout s'achète et se vend, où l'on apprend aux jeunes que la vie ne leur fera pas de cadeau, qu'il faudra se battre, que la compétitivité sera parfois féroce... - voilà que tout d'un coup, pour quelques jours, nous basculons dans une nouvelle attitude. Nous courons encore éperdument entre les rayons des magasins mais cette fois nous demandons des emballages cadeaux, avec papier étoilé et beaux n½uds de rubans : nous achetons pour offrir à d'autres !!!

Nous passons d'une économie marchande à une économie du don.

Et vous le remarquez, les mines d'habitude renfrognées deviennent souriantes ; le quant-à-soi devient convivialité ; au lieu de s'enfermer dans son nid douillet, on s'embrasse en échangeant les paquets et on partage gaiement un repas bien arrosé. Et nous sommes heureux...comme si nous faisions l'expérience que nous retrouvons enfin, en ce moment, notre véritable mode de vie !!!

Magie de Noël ! ...Oui mais hélas qui a ses limites. Ces rencontres ont un prix, elles demandent beaucoup d'argent ; elles ne sont partagées très souvent qu'entre parents et amis choisis ; on sait bien que le don que l'on fait sera suivi d'un retour et qu'il y aura échange de bons procédés ; et puis cela ne durera que quelques jours.

Après Noël et Nouvel - An, la vie ordinaire reprendra avec ses luttes acharnées dans l'affrontement des égoïsmes et la peur du lendemain. Les cabanes du Village de Noël seront démontées, les papiers cadeaux rempliront les poubelles avec les pauvres sapins tout déplumés. Et le sans-logis sera toujours là, assis au coin de la rue, tendant son gobelet aux côtés de son chien au regard triste.

NOEL CHRETIEN

Les fêtes terrestres sont belles, nécessaires mais elles ne comblent pas le c½ur. Pourquoi ? Parce qu'elles ne durent qu'un temps et surtout parce qu'elles n'entraînent pas tout le monde dans la joie ! Il y a toujours des laissés-pour-compte, des exclus, des gens abandonnés à leur solitude ou enfermés dans leur maladie. Les rengaines ne consolent pas celui qui souffre ; les guirlandes de lumière et les chansonnettes ne réconfortent pas la détresse du désespéré. On ne peut donner un sens à son existence en achetant toute l'année et en faisant quelques cadeaux pendant une semaine !

C'est pour le paganisme que Noël est une "magie", une exultation éphémère. Mais il s'agit là d'une dérive, d'une caricature de la fête. Le père Noël avec sa barbe blanche, sa hotte et son air hilare est une image mensongère et dérisoire du "Bon Dieu" !

Noël est cadeau, oui, mais un cadeau d'une grandeur incommensurable. Un cadeau qui n'est pas une chose mais QUELQU'UN. Dieu nous DONNE SON FILS JESUS.

C'est pourquoi saint Jean s'émerveillait d'écrire :

" Dieu a tant aimé le monde qu'Il a donné son Fils. Non pas pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par Lui".

Dieu prend l'initiative, il n'est pas un marchand, il ne fait pas signer de contrat, il ne pose pas de préalable, il ne mesure pas ses dons à nos mérites, il n'attend pas que nous soyons en règle, il n'exige pas que nous soyons devenus parfaits.

Noël est le temps de la grâce de Dieu, la révélation de l'amour gratuit, de l'amour total. Il nous offre non une chose bien emballée dans un papier de luxe mais un enfant nu. Aucun risque que ce don soit repris : Jésus est donné aux hommes pour toujours . Et ils pourront en faire ce qu'ils veulent. A sa naissance, c'est à peine si on lui laissera une place. Et plus tard, on le trouvera tellement insupportable qu'on le mettra à mort.

De la crèche de Bethléem au Golgotha de Jérusalem, Jésus fera l'expérience que les hommes n'attendent de lui que des cadeaux ( la santé, le pain gratuit, les avantages ) ...mais qu'ils refusent de lui obéir lorsqu' il enseigne comment vivre en justice.. Alors, il ira jusqu'au bout du don c'est-à-dire au "par-don", au don par excellence, au don suprême. Sa croix révélera en plénitude le message caché de Bethléem. Car l'enfant pauvre ne deviendra la victime crucifiée qu'après avoir décidé d'être le PAIN des hommes.

La veille de sa mort, avant que ses ennemis ne le "prennent", il "se donnera" à ses disciples :

Ce pain que je romps et que je vous offre, mangez-le : c'est moi ; il vous comblera de mon amour, il vous gardera dans ma présence ; quand mon corps sera mort au tombeau, vous serez mon vrai corps vivant. Vous serez unis dans mon amour.

Nous comprenons pourquoi Jésus est né dans un village qui s'appelle Bethléem - un mot qui veut dire, en hébreu, "MAISON DU PAIN" - et pourquoi son premier berceau a été une crèche, c'est-à-dire une mangeoire où l'on déposait la paille.

Sa venue dans le monde préfigurait son destin : habiter non dans un village, non dans une maison, mais dans les c½urs de tous les hommes, de toutes les femmes du monde, POUR LES UNIR non dans un plaisir factice MAIS POUR UNE JOIE ETERNELLE et cela jusqu'à la fin des temps.

Chaque dimanche, vous êtes tous invités à vous rendre, ici ou ailleurs, dans une église. Nul besoin de vous mettre en toilette ni d'apporter des cadeaux. Ne vous attendez pas à recevoir tout ce dont vous avez envie ni à y rencontrer tous ceux que vous avez choisis.

Mais vous écouterez retentir la Bonne Nouvelle qui n'est jamais périmée ; vous chanterez l'allégresse du peuple sauvé ; vous tendrez votre main, ouverte comme une crèche, et vous vous laisserez habiter par Celui qui n'est né une fois à Bethléem que pour naître sans fin dans votre c½ur.

Cette fête de l'Eglise n'est pas un moment "magique" mais une heure de grâce.