Saint Pierre et Saint Paul

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2007-2008

Philippe Ier : voilà le nom que je choisirais si j'étais élu pape au prochain conclave. En effet, Philippe étant mon prénom de baptême et puisque je ne l'ai pas changé en devenant religieux, je ne vois pas pourquoi je le ferais le jour où je serai élu pape. Je me vois déjà au balcon de Saint-Pierre en train de saluer la foule puis de dire quelques mots dans plusieurs langues avant de bénir mes brebis fidèles assemblées sur la place. Si j'était élu pape, cela aurait au moins un avantage : celui que vous puissiez dire à vos petits-enfants : « Philippe Ier, oui, oui, je le connais. Lorsque j'allais à la messe à Saint-Luc, il célébrait parfois ». J'arrête là car les possibles futurs Guibert II ou Claude Ier risquent de me faire une crise de jalousie, même si je suis convaincu qu'ils sont mieux placés que moi pour remplir une telle tâche.

Moi, pape mais vous imaginez ! J'ai déjà l'habit blanc, c'est vrai. Ô certains d'entre vous se diront peut-être que je n'en suis pas digne, que je ne suis pas assez spirituel ou assez saint pour accéder à de telles fonctions. Et bien qu'ils se détrompent. Je suis bien un candidat idéal pour devenir le prochain pontife romain. Surtout lorsque je vois que Jésus a confié sa propre église à l'apôtre Pierre. C'est sans doute l'apôtre que je préfère : il doute et s'enfonce dans les eaux juste après que Jésus ait calmé la tempête, il proclame sa foi dans l'extrait d'évangile que nous venons d'entendre, il ne comprend pas toujours qui est le Fils de Dieu est c'est la raison pour laquelle Jésus lui dira « arrière Satan » et enfin, il reniera le Christ. Par ces différentes attitudes, Pierre me semble tellement proche de nos réalités personnelles et pourtant c'est avec lui et par lui, que Jésus construit les fondations de son Eglise. Le Père n'attend donc pas d'avoir un être parfait pour conduire le peuple de Dieu. Il semble préférer un être profondément humain avec ses questions, ses doutes, ses déceptions, ses blessures. Pierre ne semble pas être quelqu'un d'extraordinaire. Il brille plutôt par sa propre humanité à l'image de la nôtre vraisemblablement. C'est à partir de ce que nous sommes devenus que Dieu nous attend pour poursuivre l'½uvre de sa Création. En effet, beaucoup d'entre nous avons traversé et traverserons peut-être les différentes phases par lesquelles Pierre est passé. De temps à autre, le doute peut nous envahir, nous nous enfonçons dans les eaux de nos interrogations tellement ce mystère semble impossible. Il suffira parfois d'une rencontre, d'un événement pour que la dimension de la foi se mette à chanter à nouveau autrement dans nos vies qui deviennent ainsi plus vivantes encore. De plus, face à certains drames de l'existence tels que la maladie, la souffrance ou la perte d'un être cher, nous pouvons nous aussi soit nous détourner du regard de Dieu et penser que tout cela n'est qu'une pure construction de l'esprit ou soit, nous l'imaginer de telle sorte qu'il pourrait changer le cours des événements. Enfin, il y a les périodes où nous en arrivons nous aussi à le renier lorsque nous laissons l'autre calomnier notre foi sans que nous réagissions pour autant. Si Pierre est bien celui qui est décrit de la sorte dans les évangiles, alors sans doute possédons-nous toutes et tous les capacités nécessaires pour devenir son successeur et participer ainsi à la construction de l'Eglise. C'est à Pierre ou mieux encore à chacune et chacun d'entre nous que le Christ s'adresse au plus intime de notre intime pour nous demander au creux de notre c½ur « et vous, qui dites-vous que je suis ? ». Il n'y a pas de réponse toute faite qui conviendrait à tout un chacun. Dieu se laisse plutôt découvrir lorsque nous marchons à sa suite, c'est-à-dire lorsque nous acceptons de nous laisser toucher par lui dans toutes les dimensions de sa divinité. Il nous permet d'avancer à notre propre rythme sur le chemin de notre foi. En d'autres termes, Dieu n'aime pas que nous l'enfermions dans une définition. Notre réponse dépendra dès lors de la manière dont nous le ressentons et cette perception pourra évoluer au cours de nos histoires respectives. Dieu est Dieu, le Dieu des vivants. « Et pour vous qui suis-je ? » Une réponse possible, un cri de foi : « tu es ». Oui, Seigneur tu es pleinement toi dans le mystère de la foi. Aucun concept ne nous permet de t'enfermer dans nos images réductrices. Tu es tout simplement celui que tu dois être, comme tu nous demandes d'être qui nous avons à devenir. Oui, Seigneur, « Tu es », puisse ton Esprit nous aider à oser nous reconnaître comme un « je suis », c'est-à-dire un être humain qui se décline dans toutes les composantes de son être, un être humain qui veut marcher à la suite du Fils car il a compris que c'est en Lui qu'il pourra donner sens à sa destinée, un être humain enraciné en ce Dieu de la Vie qui fait de chacune et chacun de nous, quelle que soit notre situation, de véritables vivants.

Amen