Noël

Auteur: Dingemans Louis
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

Froidmont, il y a quelques années déjà.

L'Eglise St Etienne est bondée ce 24 décembre à 18 heures. La liturgie est destinée particulièrement aux enfants de la catéchèse, mais s'y retrouvent aussi des petits frères et petites s½urs, les papys et les mamies et tous ceux et celles pour lesquels cette heure convient mieux que la messe de minuit. Des poussettes partent des cris des bambins présents et le brouhaha est indescriptible.

La célébration commence par la lecture de la nativité selon St Luc. Un dialogue s'instaure et je questionne les enfants : « Jésus était il un vrai bébé ? » La réponse jaillit spontanément : « oui... ! ». « 

Tout l'auditoire devient attentif au dialogue. « Est-ce que le soleil tourne autour de la terre ou la terre autour du soleil ? ». Là, plus d'hésitation pour nos écoliers : « C'est la terre qui tourne autour du soleil, évidemment ». « Et Jésus, il pensait quoi ? » Grand silence. Puis une jeune voix s'élève avec assurance : « Il pensait que le soleil tourne autour de la terre, car c'est ainsi que l'on pensait de son temps ». Et moi : « Voilà qui est formidable. A onze ans, vous savez des choses que Jésus qui était Dieu ne savait pas à votre âge ».

Il était amusant était de voir la tête un peu surprise des adultes et surtout des plus âgés. Ils semblaient n'y avoir jamais pensé. C'est qu'il traîne dans les esprits un reste parfois très fort de docétisme, cette hérésie primitive qui évacuait le scandale de la crucifixion et voyait en Jésus un déguisement humain de Dieu. N'est-il pas invraisemblable que Dieu ait vraiment assumé la condition humaine et ses limites ? Il faut avouer que les catéchismes traditionnels et même les évangiles ne sont pas totalement exempts de donner l'impression que Jésus utilisait ou masquait a son gré sa toute puissance.

Vient donc la question suivante : « Si Jésus était comme nous, comment ses disciples ont-ils vu qu'il était Dieu ? ». J'entends : « Il a quand même fait des miracles ! ». Je ne le nie pas mais insiste :« Est-ce cela qui a vraiment fait reconnaître sa divinité ? »

Suit un moment de silence assez relatif car les tout petits ne participent pas au débat et se font remarquer. Puis, une réponse solitaire surgit : « Il était Dieu puisqu'il nous a manifesté tout l'amour de Dieu pour nous. Le mot « manifesté » me met la puce à l'oreille et me fait réagir : « C'est une très bonne réponse, mais je crois que ta maman assise à côté de toi t'a un petit peu aidé ».

L'assemblée rit, et au milieu de ce rire, un gamin assis au milieu du petit groupe qui me fait face, me lance : « Il était Dieu, car Il a montré qu'il connaissait Dieu du dedans ». J'en reste éberlué. En une phrase, mon petit théologien en culottes courtes a résumé toute la christologie de l'évangile de St Jean.

Dieu seul connaît Dieu et peut nous révéler ce qui est son identité suprême, nous révéler que sa transcendance est en fait une transcendance d'amour. Qui donc pourrait ajouter quelque chose à cette révélation de Dieu qui s'est manifestée non seulement dans l'enseignement de Jésus sur la miséricorde divine, mais par l'imitation de cette miséricorde dans le pardon des pécheurs et l'acceptation de la crucifixion.

Cet homme, venu de Nazareth a porté le poids de notre condition humaine telle qu'elle est pour chacun de nous avec ses joies et ses peines. Il a connu la fatigue, l'incompréhension des foules, la trahison de ses proches, comme chacun des prophètes qui l'ont précédé. Mais la bonne nouvelle qu'il a proclamée comme étant le secret même de l'identité de Dieu, est que celui-ci est amour et miséricorde. Il ne l'a pas seulement dit, mais comme le souligne St Paul et les évangiles, il l'a manifesté totalement en acceptant la crucifixion. Cette veille de Noël, un jeune garçon a résumé la découverte des disciples en une seule phrase saisissante. Oui, Jésus était un vrai bébé et je ne suis pas certain que les récits des anges chantant dans nos campagnes et des rois mages venant rendre hommage à ce bébé divin, si beaux soient-ils, ne risquent pas de déformer la réalité. Les évangélistes pour souligner la divinité de Jésus ont tendance à souligner leur conviction par des récits d'enfance fort enjolivés. C'est là un langage symbolique, un genre littéraire, fort coutumier chez les auteurs de l'Ancien et du Nouveau Testament. Pris à la lettre, ces récits nous laissent avec raison sceptiques, tout en continuant à nous charmer. Cependant ils risquent détourner notre attention du drame de la crucifixion.

Je n'ai pas revu ce gamin dont je ne sais pas s'il était lui-même conscient de la profondeur de sa réflexion. Son souvenir cependant ne me quittera pas.