Sainte Famille, année A

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

« Vraiment tu es un Dieu caché, Dieu parmi les hommes, Jésus Sauveur ! »

La fête de la sainte Famille nous invite aujourd'hui à considérer un Dieu qui se manifeste pour mieux se cacher. La venue tant désirée du Messie ne correspond nullement à l'entrée en scène prévue pour un tel héros. Imaginez-vous réalisateur de cinéma, auriez-vous fait entrer le Sauveur de cette manière ? Nous préférons les entrées en matière fortes, Dieu, lui, préfère les catimini, voire les incognitos. Car Dieu ne joue pas avec les humains, il devient humain. Il ne nous rejoint pas d'une autre manière, même plus convaincante. Il l'aurait pu car il est Dieu tout de même ! Non, Dieu s'est fait homme et nous n'aurons peut-être pas assez de toute notre vie de foi pour consentir à ce mystère inouï et l'accueillir dans toute notre vie.

Dieu ne devient pas homme en prenant un autre chemin que le nôtre. Ce chemin passe par une naissance et une croissance dans une famille, un peuple, une culture, une tradition religieuse. Dieu naît tout d'abord. Son corps, sa psychologie, sa personnalité, ses émotions et son intelligence en font un véritable être humain, fini, limité, mais dont les facultés de son esprit lui permettront, peu à peu, de s'ouvrir au monde qui l'entoure. Dieu naît et assume toutes nos déterminations comme notre capacité à vivre la liberté car il n'a pas revêtu notre humanité comme on revêt un vêtement. Il ne joue pas à faire semblant. Il est né comme être humain.

Ainsi, notre Dieu, l'enfant de Bethléem, nous apprend une première chose essentielle. Nous nous prenons plus souvent pour des anges que pour des humains. Dieu, lui, qui a créé et les anges et les humains, a voulu devenir humain à part entière. Nous aussi, nous sommes sans cesse ramenés à notre humanité qu'il nous faut assumer et vivre avec toute la force de notre liberté et de notre consentement. Dieu ne s'est pas rêvé être humain, il l'est devenu, comme un enfant le devient dès sa naissance. N'idéalisons pas notre corps, notre affectivité, notre intelligence, notre humanité, mais vivons vraiment ces dimensions qui nous constituent et, à l'image du Dieu qui s'est fait homme, vivons-les comme des dimensions de salut et de délivrance. Car, désormais, le salut passe par toutes les fibres de mon humanité. Comment pourrais-je d'ailleurs être sauvé si je ne suis pas d'abord réconcilié avec moi-même ? Mon humanité est le seul chemin que Dieu a voulu emprunter pour me rejoindre. Si je le cherche ailleurs, je risque de ne jamais le rencontrer...

L'humanité de notre Dieu est aussi un chemin de croissance. Naître, c'est grandir. Dieu a voulu également grandir. Saint Luc nous le dit : « Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes » (Lc 2, 52). Grandir exige une qualité qui me semble si difficile à cultiver : la patience. Or, oserais-je dire qu'elle me semble être la seule qualité vraiment divine. La seule qualité vraiment humaine aussi. D'ailleurs, dans l'évangile de Marc, immédiatement après avoir dit que sa vraie famille est formée de celui ou celle qui fait la volonté de Dieu, l'évangéliste poursuit par les paraboles du Royaume qui décrivent l'action lente et patiente de la parole de Dieu. Faire la volonté de Dieu, c'est en fait essentiellement la laisser croître dans nos vies, patiemment.

Être humain, c'est grandir ou mieux encore se laisser grandir patiemment. C'est donc aussi prendre le risque que tout ne se passe pas comme je le veux ; c'est prendre le risque que les autres sont autres précisément parce qu'ils grandissent tous à leur rythme. Grandir dans la patience, c'est encore affronter le risque des croissances difficiles, des moments de crise, voire d'échec. Grandir, c'est aussi pouvoir vivre les saisons d'hiver, la solitude de la graine qui à certains moments, doit croître seule. Mais c'est surtout reconnaître qu'on ne grandit vraiment que par la présence secrète et mystérieuse de proches qui nous font le don magnifique de la patience. Offrir sa patience à l'autre, c'est le respecter avec avec délicatesse et douceur. Offrir sa patience à l'autre, un conjoint, un parent, un ami, c'est le laisser grandir en lui offrant le temps de sa germination. Combien ne savent plus offrir le temps et la patience aux autres, même à ceux qu'ils aiment !

Dieu n'a pas choisi une voie plus facile ou plus rapide. Il est vraiment né homme et s'est laissé grandir, patiemment, discrètement. Il est même passé inaperçu chez la plupart. C'est que notre Dieu est un Dieu caché dans notre humanité. Or nous le cherchons si souvent ailleurs alors qu'il demeure en nous. Patience, nous dit Dieu, qui cherche trouve !