Noël

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Les trois hommes avaient reçu le même ordre : « pendant les semaines qui viennent votre tâche sera dorénavant de casser des cailloux ». Ils n'avaient pas reçu d'autres explications et se mirent aussitôt au travail. Un promeneur qui passait par là demanda au premier : « mais que faites-vous donc cher monsieur ? ». « Cela ne se voit pas, maugréa-t-il, je suis entrain de m'ennuyer à devoir casser des cailloux et en plus en ils m'obligent à travailler dehors ». Quelque peu étonné de cette remarque, le promeneur poursuivit son chemin et posa la même question au second qui, tout en souriant, lui répondit : « je profite du bon air, je travaille à l'extérieur et cela me fait un bien fou tout en cassant ces tas de cailloux ». Continuant sa route, il croisa alors le troisième homme qui rayonnait de bonheur et de paix intérieure. « Que faites-vous donc cher monsieur ». « Moi, s'étonna de la question le troisième homme, je construis une cathédrale ». Trois hommes face à la même tâche. Trois hommes qui réagissent à partir de ce qu'ils sont, vivent et ressentent. Comme quoi, le poète avait bien raison, ce n'est pas l'événement qui fait la vie mais la manière dont je le vis.

Entre ces trois hommes et nous, existe-t-il une grande différence face à l'événement de la crèche ? Je peux passer à côté de celle-ci en bougonnant et en m'étonnant de cette idée saugrenue d'accoucher dans une mangeoire. Je peux me réjouir de la naissance d'un enfant avec tout ce que cela représente d'inconnu, de perspectives de vie, de beauté et de vulnérabilité. Je peux aussi m'émerveiller que cet enfant n'est pas n'importe lequel car je reconnais en lui l'enfant Dieu. Face à un tel mystère, je trouve peu de mots pour exprimer ce que je peux ressentir d'une telle rencontre. Dieu s'est fait humain. Il est devenu proche de chacune et chacun d'entre nous. Il est là, bien présent au c½ur de notre humanité. Nous avons quitté la conception d'un Dieu éloigné de sa création pour partir à la rencontre d'un Dieu qui s'est fait proche. Il a choisi de partager notre condition humaine. En clair cela signifie que pour Dieu, quoiqu'il nous arrive, quoique nous ayons pu faire en quittant le chemin de notre destinée, nous sommes des êtres beaux, des êtres qui valent la peine d'être rencontrés ou mieux encore des être que Dieu cherche à aimer. Il est né dans une mangeoire. Il n'avait donc rien d'un Dieu tel que nous aurions pu l'imaginer. Il est là tout petit, tout fragile ouvrant ses mains à notre humanité.

Il n'avait rien d'un Dieu. Il était tout de Dieu. Et comme le souligne un philosophe contemporain : « une énigme se résout, un mystère, quant à lui, il se vit ». Il n'y a donc pas d'autre manière d'entrer dans le mystère de Noël, dans le mystère de l'Incarnation du Fils de Dieu. Tout ce que nous pouvons en dire risque de dénaturer la beauté d'un tel événement qui se célèbre depuis maintenant plus de deux mille ans. Ce qui n'est pas rien alors que deux des grands quotidiens de notre pays n'en ont même pas fait le premier titre de leur première page ce matin. Noël, un événement exceptionnel dont nous n'arrivons pas à trouver les mots justes, ces derniers se mettent à trembler lorsque nous souhaitons en parler. Il nous reste alors à entrer dans le mystère en le vivant, c'est-à-dire en illuminant nos vies personnelles de cette joie indicible qui nous habite car nous vivons avec cette intime conviction que ce Dieu qui s'est fait homme est d'abord et avant venu pour nous donner non seulement l'abondance de la vie mais également la paix profonde, le souci de l'amour de l'autre, le plaisir de la rencontre en vérité.

Toutefois ce mystère ne peut se limiter à une nuit. Il est une invitation à le vivre chaque jour de l'année. Mettre de la joie, de la paix, de la miséricorde, de la compassion et de la tendresse dans nos gestes et nos paroles chaque jour, c'est entrer dans une dynamique quotidienne de Noël et d'être ainsi fidèle au mystère qui nous rassemble aujourd'hui. Alors, si nous décidions, au plus profond de nous-même que la merveille du mystère de Noël se célèbre chaque jour, ne pourrions-nous pas nous le souhaiter lorsque nous décidons que nous rayonnerons de cette joie intérieure qui nous habite en ne nous disant plus simplement « bonjour » mais plutôt « joyeux Noël » chaque jour tellement nous sommes pétris de ce mystère de cet enfant Dieu qui n'avait rien d'un Dieu, tellement il était tout de Dieu. Joyeux Noël et rendez-vous dans un an pour le bilan. Amen.