Noël

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Lc 2, 1-14

Depuis qu'elle est apparue sur la terre, l'espèce humaine mène un incessant et prodigieux combat pour se protéger du malheur, vaincre les forces hostiles, améliorer sa condition, vivre au maximum.

L'HISTOIRE EST RECHERCHE DU SALUT

Notre histoire, qui est tout sauf un long fleuve tranquille, charrie des monceaux de crimes mais en dépit des tragédies, elle est celle du progrès, du combat pour sauver notre existence précaire.

Nous améliorons la nourriture, le vêtement, l'habitat et ainsi nous allongeons notre espérance de vie ; l'école nous guérit de l'ignorance ; la médecine nous préserve des épidémies ; les moyens de communication nous sortent de l'isolement ; la législation sociale nous couvre pour nous épargner la misère ; l'édification de l'Europe nous évite la perspective de nouvelles guerres.. Et nous ne doutons pas que nous parviendrons à prévenir les tsunamis et les séismes comme à vaincre cancer et sida.

Mais à la suite des extraordinaires avancées des sciences des derniers siècles et l'élévation conséquente de notre niveau de vie, nous ne sommes pas dupes : nous savons bien maintenant qu'il y a un double malheur que ni science ni culture ni fortune ni législation n'arriveront à éradiquer :

- le mal que nous commettons, que nous nous faisons les uns aux autres, la tristesse d'avoir manqué à l'amour, d'avoir fait de la peine à l'être aimé ou d'être passé, par indifférence, à côté de celui-là qui attendait de nous un geste de partage ou de réconfort, une parole de consolation.

- et la certitude de nous approcher de l'échéance inéluctable, l'appréhension de la mort qui approche. Et même si nous pouvons consentir à notre propre fin, jamais nous ne pourrons tolérer la mort qui nous arrache ceux-là que nous aimons.

Oui, les progrès des connaissances nous rendront toujours plus savants, plus mobiles, plus âgés...mais rien ni personne, jamais, ne supprimera nos fautes, nos manques d'amour et rien ni personne ne nous évitera la chute finale.

Quels que soient ses exploits et ses performances, l'être humain est à-sauver. Son existence restera toujours une quête du salut.

C'est à condition de faire ce constat lucide de notre radicale limite que nous pouvons entendre et comprendre le cri de joie lancé par nos premiers frères dans la foi = et dont l'écho nous parvient, vivant, dans la liturgie de ce jour de liesse :

Ne craignez pas :

Je viens vous annoncer une Bonne Nouvelle,

grande joie pour tout le peuple :

aujourd'hui il vous est né un SAUVEUR

qui est le Christ Seigneur

( Luc 2, 10)

L'ARBRE DE VIE

Quand la nature semble morte et que l'hiver étend ses ténèbres, les hommes dressent un sapin vert tout enguirlandé, signe de la vie et de la lumière, tandis que le grand Maître de la fête, un vieillard rubicond, expression de "bon-papa", distribue les cadeaux à foison.

Ne serait-ce pas là un essai (inconscient) de reconstituer l'image mythique du paradis où un Bon Dieu conduisait le couple humain dans le Jardin d'Eden afin de goûter à tous les délices ?

Image trompeuse car on sait que tout le monde, loin de là, n'est pas invité à la fête du champagne et du foie gras.

En réalité, seul Jésus est venu éclairer l'énigme de l'humanité que nous avons relue, au cours de l'Avent, dans les premières pages de la Bible.

Il est bien le descendant promis à Eve et qui devait venir vaincre, au prix d'atroces meurtrissures, la puissance du Mal.

Au contraire d'Adam qui voulait exercer une liberté sans limites, et connaître une jouissance sans freins, Jésus a refusé la tentation de la toute-puissance. Pauvre et méprisé, comme Abel, il a été haï par ses frères qui ont voulu sa mort.

Mais si le sang d'Abel criait vengeance, le sang de Jésus, offert par amour, obtient le pardon de tous les péchés.

Véritable "Arbre de Vie", la CROIX du Golgotha domine l'histoire : ceux qui s'approchent et se laissent marquer de son signe, comme Caïn, échappent à la condamnation et sont sauvés par la Miséricorde.

Heureux seront-ils de tendre la main pour accueillir et manger le fruit de la Croix : l'Eucharistie.

Au creux de leur main, qu'ils reconnaissent, dans la foi, le fils de l'homme, le descendant d'Eve, le nouvel Abel vivant à jamais.

Ainsi, dans tous les lieux du monde, loin du tintamarre, le peuple des communiants redevient le nouveau village de Beth-léhem - qui signifie "la Maison-du-Pain".

Oui le Christ est notre Sauveur : son pardon nous libère de la culpabilité et son Pain nous offre non la longévité mais l'éternité.

Alors, à la suite de Marie, la mère comblée de grâce, nous pouvons chanter de tout notre c½ur l'hymne de la libération chrétienne :

Mon âme exalte le Seigneur

exulte mon esprit

en Dieu mon Sauveur