Veillée pascale

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Triduum pascal
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Mc 16, 1-8

« Circulez, il n'y a rien à voir ! »

Cette injonction de l'agent adressé aux badeaux avides de sensationnel et de scoop rejoint d'une manière très forte l'invitation du jeune homme en blanc aux femmes venues pour accomplir la toilette mortuaire de Jésus : « Vous cherchez Jésus ? Il n'est plus ici. Allez ! » De fait, il n'y a rien à voir : seulement une pierre énorme qui a été déplacée et qui laisse voir un tombeau. Ce tombeau n'est pas vide, puisqu'il est occupé par un jeune homme, bien vivant vu qu'il parle. Mais ce jeune homme n'est pas le cadavre sensé occupé le lieu. Le cadavre n'est plus là, « il s'est relevé » comme l'explique sobrement le jeune homme. Ce jeune homme n'occupe pas le tombeau en vue d'y fixer une mémoire ou un pèlerinage. Il ne prétend pas y construire un temple ou un sanctuaire. Ce tombeau n'est pas encore le Saint Sépulcre disputé par toutes les différentes Eglises chrétiennes. Les femmes ne sont pas invitées à demeurer là, à garder en ce lieu la mémoire de Jésus.

Non, le jeune homme les pousse dehors en disant : « Allez ! Il vous précède en Galilée ». « Circulez, il n'y a rien à voir », aurait dit l'agent.

Cette même invitation nous est adressée en cette nuit un peu particulière. « Allez ! », nous dit le jeune homme habillé d'une robe blanche (un peu comme un jeune dominicain !), « Jésus vous précède chez vous, dans votre maison, dans votre famille, dans votre c½ur, dans votre vie ». Heureux êtes-vous si vous vous rappelez que le Crucifié n'aime pas les tombeaux ! Et pourtant, il y a tellement de tombeaux dans nos vies : le péché, l'échec, le malheur, l'angoisse et la peur, la solitude et l'incompréhension. Ce sont des lieux vides dans nos vies car ils nous empêchent de vivre toute la mesure de notre liberté et de notre aspiration au bonheur. Ce sont des lieux vides dans nos vies car ils nous empêchent de vivre et de goûter des relations affectives basées sur la confiance et la vérité. Souvent, comme les femmes de l'évangile, nous aimons revenir sur nos lieux vides et y rester en faisant le mort. Faire le deuil est toujours difficile, certains n'arrêtent jamais de reprendre la toilette mortuaire de leurs propres tombeaux... S'apitoyer sur son sort, s'enfermer dans la tristesse ou la colère, dans la méfiance ou le « A quoi bon... » Mille manières de rester dans son tombeau et de ne plus en sortir.

Mais, en cette nuit, un jeune homme nous adresse la parole : « Allez ! Le Crucifié, celui qui a connu tous ces lieux vides de l'échec, de la solitude et de la trahison, est déjà loin !

« Laissez les morts enterrer leurs morts » disait Jésus lui-même. C'est-à-dire, laissez vos lieux vides ouverts, mais n'y retournez pas. La vie, l'amour vous précèdent. Il faut donc aller à sa rencontre dans nos Galilée à nous. La vie, l'amour, la confiance se cueillent dans la surprise, dans la joie d'une rencontre. Le bonheur ne s'accroche pas une fois pour toutes, il relance sa course et nous avec lui. L'amour se meurt s'il demeure enfermé dans la déception ou la tristesse ; il a besoin de se relancer librement dans un avenir qui ne ressemble jamais pour lui à un tombeau. De même, Dieu ne se fixe jamais, il est nomade car il est le Vivant.

N'ayant rien vu, les femmes ont peur, comme nous quand nous demeurons dans nos tombeaux. Ils nous font peur. Et comme les femmes, nous n'en disons rien. C'est normal, on ne parle pas dans les tombes.

Mais, en cette nuit, un jeune homme en blanc nous dit : « Circulez, il n'y a rien à voir ! Ce qu'un jour vous avez déposé une fois pour toutes dans vos tombeaux s'est relevé, plus vivant, plus jeune, porteur d'une espérance et d'une joie nouvelles. Mais Il n'est pas ici.