LES FEUX DE LA SAINT JEAN
L'Eglise attribue à Jean-Baptiste une importance exceptionnelle puisqu'il est, à part Jésus et Marie, la seule personne dont elle fête la naissance terrestre (les fêtes des Saints se célèbrent au jour de leur mort, véritable naissance au ciel) et cette célébration l'emporte même sur celle du dimanche.
DEUX ANNONCIATIONS
Luc ouvre son Evangile en mettant en parallèle les naissances et les enfances de Jean et de Jésus. La 1ère page se déroule au temple de Jérusalem : alors qu'il est en train d'officier, Zacharie reçoit d'un ange l'annonce que ses demandes vont être exaucées : son épouse mettra au monde un garçon qu'il faudra consacrer à Dieu car il aura la vocation de préparer le peuple de Dieu et accomplir ainsi la dernière prophétie biblique (Malachie 3, 22-24). Zacharie refuse de croire que cela puisse arriver à son couple stérile. L'Ange le punit de mutisme et l'assure que, de toutes façons, le projet de Dieu s'accomplira. Sortant du sanctuaire, Zacharie, muet, est donc impuissant à prononcer la bénédiction sur le peuple prosterné. On comprend le sens du récit : le sacerdoce, qui doit exprimer, par la liturgie, l'espérance du salut d'Israël, ne reconnaît pas ce salut au moment où Dieu décide de le réaliser, il ne peut plus « bénir », donner la Vie divine.
En contraste, saint Luc rapporte l'annonce à Marie. A une toute jeune fille, dans un village perdu, est aussi proposée une naissance extraordinaire, celle du Messie lui-même, qui sera appelé Fils de Dieu, Roi pour toujours, ½uvre de l'Esprit de Dieu ! Marie, elle aussi, est bouleversée, ne comprend pas la signification du message, questionne...mais très vite elle acquiesce et se donne comme collaboratrice du Dessein divin : « Je suis au service du Seigneur : que tout se passe pour moi comme tu l'as dit » (1, 26-38).
A la fin de l'évangile, de façon identique, les grands prêtres resteront aveugles devant Jésus en qui ils ne verront qu'un blasphémateur dangereux tandis que des gens du peuple (des laïcs), apôtres et disciples, le reconnaîtront et « se mettront à son service » en l'annonçant comme Seigneur, Sauveur du monde.
NAISSANCE
On n'arrête pas l'accomplissement du Plan de Dieu : le petit garçon annoncé vient et enfin son père va reconnaître son rôle mystérieux.
Elisabeth mit au monde un fils. Ses voisins et sa famille apprirent que le Seigneur lui avait accordé sa miséricorde et ils se réjouissaient avec elle. Le 8ème jour, ils vinrent pour la circoncision de l'enfant. Ils voulaient le nommer Zacharie comme son père mais sa mère déclara : « Non il s'appellera JEAN ». On lui répondit : « Personne dans ta famille ne porte ce nom ?! » et on demandait au père comment il voulait l'appeler. Il se fit donner une tablette et écrivit : SON NOM EST JEAN.
On était étonné. A l'instant sa bouche s'ouvrit, sa langue se délia, il parlait et bénissait Dieu. La crainte saisit les gens et, dans toute la montagne de Judée, on racontait ces événements et on disait : « Que sera donc cet enfant ? ». En effet la Main du Seigneur était avec lui.
Zacharie accepte le dessein de Dieu : son fils s'appellera YOHANAN (en hébreu : YHWH-HEN : « Dieu fait grâce »). Il ne sera pas prêtre comme son père (le sacerdoce était héréditaire) mais NAZIR, consacré au Seigneur, voué à l'ascèse, tenu de ne boire ni vin ni alcool car son « ivresse » viendra de l'Esprit-Saint dont il sera comblé dès le sein de sa mère » (1, 15). Pour quel avenir ?...
LE TEMPS DE LA MATURATION
« La main du Seigneur était avec lui. L'enfant grandit et son esprit se fortifiait.
Il alla vivre au désert jusqu'au jour où il devait être manifesté à Israël »
Pourquoi ce départ au désert ? Quand ? Où ?...Jean ne sera donc pas prêtre, il ne présidera pas des cérémonies au temple. « Vivre au désert » : qu'est-ce à dire ? L'hypothèse n'est pas acceptée par tous mais ne peut-on supposer que Jean a rejoint la communauté des Esséniens de Qûmran ?
Plus de 150 ans auparavant, un grand prêtre de Jérusalem, chassé du temple, était allé fonder la « communauté de l'Alliance » sur les bords de la Mer Morte. Vêtus de blanc, pratiquant des bains rituels quotidiens, les hommes y menaient une vie d'absolue pureté, dans l'obéissance à la règle, l'étude de la Torah, la pénitence et la prière instante pour que vienne le Messie.
Un jour, il sut (comment ?) que le moment était arrivé : il fallait préparer le peuple à la venue imminente du Messie. Il quitta la communauté et alla se poster un peu plus au nord, sur l'autre rive du Jourdain, face à Jéricho, là où le prophète Elie avait disparu dans le ciel (2 Rois 2), lui qui devait revenir puisque le dernier oracle prophétique des Ecritures prédisait son retour pour annoncer le Jour de Dieu :
« Je vais vous envoyer Elie, le prophète, avant que vienne le Jour du Seigneur, jour grand et redoutable. Il ramènera le c½ur des pères vers leurs fils et celui des fils vers leurs pères » (Malachie 3, 23)
Après des années de solitude, de silence, de pénitences, un jour, l'heure de Jean sonna :
« L'an 15 de l'Empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de Judée...sous le sacerdoce de Hanne et de Caïphe, la Parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. Il vint dans la région du Jourdain, proclamant un baptême de conversion en vue du pardon des péchés... » (Luc 3,1).
Il baptisait, appelait au changement de vie et surtout annonçait la venue d'un autre :
« Moi, je vous baptise d'eau, mais il vient, celui qui est plus fort que moi....il vous plongera dans l'Esprit Saint et le feu ».
Jésus de Nazareth parut, demanda le baptême puis s'en alla à sa mission. Peu après des soldats d'Hérode vinrent arrêter Jean qui avait l'audace de dénoncer les m½urs du roi. Dans son cachot, il connut d'affreux moments d'angoisse : « Allez demander à Jésus : es-tu celui qui doit venir ou bien me suis-je trompé ? »(Matth 11,2) et il fut décapité (Marc 6,17).
Dans l'annonce, la naissance, la circoncision, la vie cachée, la prédication, le cachot, la mort, il s'était montré le précurseur de Jésus. Toutefois il était resté à la porte du Royaume que seul le Galiléen pouvait inaugurer. Aussi Jésus disait de lui :
« Parmi les enfants des hommes, il ne s'en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiste. Et cependant le plus petit dans le Royaume est plus grand que lui » (Matt 11,11)
REFLEXIONS - MEDITATIONS
Tous les parents se plaisent à imaginer un bel avenir pour leur enfant mais il arrive que celui-ci prenne une autre route. Mystère des chemins personnels, de la vocation à percevoir. Le fils ne succède pas toujours à son père. Liberté à respecter.
L'appel de Dieu est deviné dans la nébulosité. Son nom (JEAN) disait sa fonction : manifester la grâce de Dieu. Oui mais comment ? Où ? Jean a cheminé, zigzagué, connu des ruptures ; il a été entraîné sur le dur chemin du prophète qui est tenu d'être une sentinelle tenu de dénoncer les péchés de son peuple et même de ses hauts dirigeants. Risque grave, mortel. Le témoin (en grec : martus) est appelé au « martyre ».
Surtout bien voir la différence, l'abîme entre Jean et Jésus. Peu de choses les distinguaient aux yeux des gens. Mais Jean savait qu'il ne pouvait ouvrir le Royaume de Dieu, qu'il n'était que le précurseur, envoyé le premier pour préparer les gens. Il nous faut l'écouter lorsqu'il nous presse de reconnaître nos fautes, de demander pardon. Mais surtout lorsqu'il nous détache de lui pour nous inviter à suivre Jésus.
Dans l'antiquité, beaucoup de peuples célébraient le solstice d'été (21 juin) et allumaient des feux au moment où les jours commençaient à diminuer. Puis ils célébraient la victoire du soleil au solstice d'hiver (25 décembre) lorsque les jours se remettaient à croître. Nous avons rompu avec le culte des astres : nous avons Jean et Jésus. Le Prophète et le Messie. Le Précurseur et le Fils de Dieu.
Il avait été promis à Zacharie : « Tu en auras joie et allégresse et beaucoup se réjouiront de sa naissance »(1,14). Aujourd'hui allumons « les feux de la joie de la foi. » Préparés par Jean, nous n'allons pas au désert mais nous suivons Jésus dans sa communauté de l'alliance, l'Eglise, afin de partager l'eucharistie. Nous écoutons les exhortations de Jean-Elie puis nous communions à celui que Jean annonçait et qui nous plonge dans le Feu de l'Esprit. La grâce de Dieu n'est plus seulement promise : elle est offerte et partagée.
Saint Jean-Baptiste
- Auteur: Devillers Raphaël
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : A, B, C
- Année: 2011-2012