Saint Sacrement

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 18/06/17
Temps liturgique: Fêtes du Seigneur et Solemnités durant l'année
Année: 2016-2017

C’est la fête au pays de Liège. Depuis jeudi et jusque dimanche, à l’invitation de l’évêque, Mgr Delville, le diocèse célèbre l’institution de la fête du Saint-Sacrement, la Fête-Dieu. C’était au treizième siècle, en 1248, qu’une religieuse augustinienne, sainte Julienne du Mont-Cormillon, a réussi à faire accepter le culte du Saint-Sacrement. On était en pleine révolution intellectuelle. C’était l’époque de la création des villes et des premières écoles de théologie. C’est alors que certains intellectuels, comme Bérenger, ont rejeté pour des raisons philosophiques la présence réelle dans le Saint-Sacrement. Et sainte Julienne du Mont-Cormillon a fait partie de ces personnes courageuses et inspirées qui ont voulu rétablir la vérité.

            Car le Saint-Sacrement, ce n’est pas une invention de théologiens. C’est une conviction profonde qui a animé le peuple de Dieu depuis le début du christianisme. Je ne vous citerai que deux exemples. Commençons par Justin de Naplouse, qui est mort martyr à Rome vers 170. Il explique à l’empereur qui persécute les chrétiens comment se déroulent les Eucharisties. Les païens étaient inquiets et anxieux de savoir ce qui se passait pendant ces réunions secrètes. Il paraît que les chrétiens mangent la chair d’un homme et qu’ils s’embrassent, les hommes et les femmes ensemble. Justin leur explique tout, et surtout qu’à la fin de la cérémonie on porte l’Eucharistie aux malades qui étaient absents. Et cela, je trouve cela très beau. Déjà, dès le début de l’histoire de l’Eglise, les chrétiens étaient convaincus qu’on ne pouvait priver les personnes malades de l’Eucharistie, parce que pour eux l’Eucharistie, ce n’est pas du pain normal, c’est du pain consacré, c’est la nourriture de l’âme du croyant. C’est le pain qui guérit de la solitude quand on se sent loin de Dieu.

            Mais il y a plus beau encore. C’est le témoignage d’Ignace d’Antioche, qui sera mangé par les lions à Rome vers 110. Il recommande à tous les chrétiens de se réunir pour célébrer l’Eucharistie parce que c’est l’Eucharistie qui fonde l’Eglise, la communauté des croyants. Si nous sommes ici tous ensemble, c’est parce que nous croyons que Jésus est au milieu de nous pendant cette Eucharistie. Et nous repartons, nourris, fortifiés par cette nourriture qu’est le corps du Christ dans l’Eucharistie. Et plus fort encore : Ignace nous appelle tous à être également une Eucharistie, c’est-à-dire que notre vie soit un chant de louanges pour Dieu qui se donne à chacun d’entre nous. Et comment cela ? En imitant Dieu dans notre vie. Oui, quand nous sommes devant un choix difficile ou une décision compliquée, demandons-nous ce que Jésus aurait fait à notre place. C’est ce qu’Ignace d’Antioche a fait. Il a été condamné à être jeté vivant au milieu des lions affamés. Il a voulu transformer cette condamnation en une prédication. C’est comme Maximilien Kolbe, franciscain qui a donné sa vie à la place d’un autre pour mourir dans le bunker de la faim dans le camp d’extermination d’Auschwitz.   Il transformé sa mort en un geste d’amour qui a sauvé la vie d’un homme. Mais aussi, et peut-être surtout, il a chanté les psaumes dans le bunker de la mort.

            Le Christ est vivant dans l’Eucharistie que nous recevons. Dieu n’a pas voulu nous laisser seuls sur les chemins de la vie et de la foi. Il s’est donné lui-même, non pas simplement comme un guide et un conseiller, mais comme une force à l’intérieur même de notre cœur. Alors, avec l’Eglise de Liège tout entière, chantons la splendeur de ce Dieu qui nous a aimés à en mourir et à se donner tout entier à chacun d’entre nous.