Septième dimanche de Pâques

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 1/05/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

LA PRIERE SOLENNELLE DE JESUS POUR NOUS

Chaque année, au 7ème dimanche après Pâques, celui qui est inséré entre l’Ascension et la Pentecôte, nous lisons un extrait du chapitre 17 de s. Jean.

Commencée par le geste stupéfiant du lavement des pieds, poursuivie par l’ultime enseignement de Jésus, scandée par la promesse de l’Esprit, la dernière soirée de Jésus avec ses disciples se clôture par sa grande et solennelle prière. En effet tout de suite après, Jésus se rendra au jardin des Oliviers où la passion commencera.

Après avoir tout donné aux siens et leur avoir révélé tous les secrets de Dieu, connaissant la fragilité de ces pauvres hommes et la dureté des épreuves qui les attendent, Jésus se tourne vers son Père. De même tous nos services et nos dévouements, nos prédications et nos catéchèses doivent être conclus par la prière : nous remettons tout entre les mains du Père pour lui rendre grâce et lui confier l’aboutissement de nos projets

PRIERE POUR L’UNITÉ DES CHRÉTIENS

A l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, les yeux levés au ciel, il priait ainsi :

« ………………   Père saint, garde mes disciples unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes. Quand j’étais avec eux, je les gardais unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné. J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu, sauf celui qui s’en va à sa perte - de sorte que l’Écriture soit accomplie.

Si dur est notre égoïsme et si disparates nos différences que tous les liens que nous tissons entre nous demeurent d’une fragilité extrême : appartenir à la même nation, être collègues dans la même entreprise, même être époux engagés dans le mariage, tout cela n’épargne pas les déchirures et les divorces. Même se considérer comme disciples de Jésus n’empêche pas les affrontements et les ruptures.

Or Jésus veut la paix et c’est pour réaliser la communion des siens qu’il est venu sur terre, qu’il a guéri les malades et enseigné les foules et que maintenant il va accepter de donner sa vie sur la croix.

La grande révélation qu’il a donnée aux disciples et par laquelle il les a « gardés unis autour de lui », c’est celle d’un Dieu qui est véritablement leur Père. Nul rabbin à cette époque n’avait appris à ses disciples à s’adresser à Dieu de cette manière : « Notre Père aux cieux ».

Des amis peuvent se quitter, des camarades rompre tous liens mais si des frères et des sœurs en viennent à se détester, il reste qu’ils demeurent des enfants des mêmes parents.

On a fait chanter aux masses « Camarades, unissons-nous » et l’idéal s’est effondré. Seul le « Notre Père » accueilli, prié, médité, chanté fonde la fraternité : ceux qui le répètent peuvent bien confesser leur foi avec des mots différents et célébrer des liturgies par des rites originaux, ils demeurent issus du même Père, ils partagent sa vie, ils chantent sa même Gloire.

Cependant un disciple a quitté le groupe : mystère de ce Judas dont seul Jean essaie d’expliquer la défection : « Il était voleur et, chargé de la bourse commune, il dérobait ce qu’on y déposait » (13, 6). On n’a jamais autant dénoncé le pouvoir fascinant et idolâtrique de l’argent : son amour peut inciter à trahir, à dénoncer son maître et à l’envoyer à la mort. Et quel avertissement dans notre société où l’on recommence à adorer le veau d’or !

LA REVELATION COMBLE DE JOIE

Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi, dans le monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés.

Au moment où il quitte les siens, Jésus répète ce qu’il avait déjà dit au centre de la parabole de la vigne : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (15, 11).

L’enseignement de Jésus est une infinie source de joie et en recevoir la révélation doit faire de nous des témoins heureux. Dans un monde qui court de l’avant en oubliant les abîmes qu’il frôle, qui bavarde dans tous les médias et les réseaux sociaux sans jamais dire l’essentiel et en laissant les cœurs vides et les intelligences perplexes, sommes-nous vraiment heureux de savoir que nous sommes les créatures bénies de Dieu, que son Fils Jésus nous a dit la vérité qui nous échappait, qu’il a offert sa vie pour nous pardonner, qu’il est ressuscité pour nous conduire à la Maison du Père ?

Quelle tristesse ces messes où il semble que l’on ne dit rien d’heureux, de béatifique, où la joie ne jaillit jamais et dont on sort avec une mine d’enterrement (pape François)

SOUMIS A LA HAINE DANS LE MONDE

Moi, je leur ai donné ta parole, et le monde les a pris en haine parce qu’ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi je n’appartiens pas au monde.

Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais.

Ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi, je n’appartiens pas au monde.

La foi en Jésus, l’appartenance à sa communauté, l’existence selon l’Evangile ne sont pas choses anodines, opinions curieuses à côté d’autres, options d’âmes crédules dont on sourit gentiment. Il s’agit d’un choix qui dénonce la cupidité et l’indifférence et s’oppose de front au monde du mensonge : il éveille donc sa « haine ». Il est normal pour un chrétien de n’être pas bien vu par son entourage, d’être objet de sarcasmes et de dérision, de subir des critiques même au sein de sa famille.

Dans la dernière partie du discours d’adieu qui précède cette prière ultime, Jésus a longuement averti ses disciples sur le sort qui les attendait. La vie chrétienne n’est pas un long fleuve tranquille, elle n’est paisible et honorée que si elle s’édulcore au point d’être méconnaissable. « Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui lui appartient mais vous n’êtes pas de ce monde, je vous ai mis à part et voilà pourquoi le monde vous hait… » (15, 18…)

Toutefois les disciples n’ont pas le droit de sortir de ce monde : au contraire ils sont envoyés en son cœur et ils ont à l’aimer comme Dieu : «  Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique…non pour condamner le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui » (3, 16). Ambigüité de ce monde créé et aimé…mais qui tue les envoyés de Dieu qui comme fils, vont dans le monde pour lui apporter le salut au prix de leurs blessures et de leur sang répandu.

LA VÉRITÉ QUI SANCTIFIE

Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité.

De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les envoie dans le monde.

Et pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité.

Passage important mais difficile.

« Sanctifier » signifie « rendre saint », c.à.d. autre, séparé. Jésus demande à son Père que ses disciples ne soient pas atteints par l’esprit mondain mais soient fidèles à la Parole de Dieu, transfigurés par la vérité.

Dans ce but, « il se sanctifie » c.à.d. il consent à perdre toute apparence, à se livrer, à se laisser dépouiller par ses ennemis, à marcher vers la mort, à accepter la croix. Ce qui va apparaître comme son échec, sa défaite, sera au contraire la révélation de la «vérité » : saint Jean ne parlera jamais de « la Passion » mais de l’ « Elévation », de la « Glorification » de Jésus. Accueillant l’Amour par la croix, voyant en la mort de Jésus « que tout est accompli » du Dessein du Père, les disciples seront ce qu’ils doivent devenir : sanctifiés, divinisés par « la Vérité ».

D’où au centre, la notion d’ « envoi ». Jésus a toujours vécu sa vie non comme un laps de temps sur terre, mais comme « un envoi », une mission à remplir. Maintenant qu’il l’achève et que ses disciples enfin convertis sont « sanctifiés » par sa Pâque, il les envoie afin qu’ils prolongent cette mission de glorifier Jésus, de révéler le nom du Père, de faire que les hommes portés à la division soient UN.

En cette ultime semaine qui nous conduit à la Pentecôte, nous méditons longuement cette prière, nous la relisons in extenso et nous sommes remplis de joie : portés par la prière que Jésus ne cesse de faire pour nous, nous attendons l’Esprit qui nous sanctifiera toujours davantage.