Sixième dimanche de Pâques

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 1/05/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

LA GLOIRE DE MON PÈRE

Au centre du grand discours d’adieu de Jésus à ses disciples (Jn 13 à 17), la parabole de la Vigne se déploie en deux volets dont le premier a été lu dimanche passé. Entre les deux, trois versets font office de charnière et résument l’essentiel :

« Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour.

Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour,

comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour.

Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite.

A la source de son être, Jésus a toujours su qu’il provenait de l’amour que Dieu son Père donnait à son Fils et cet amour, il l’a intégralement reversé sur ses disciples. En vivant avec lui et surtout après la croix et la résurrection, ils ont compris qu’ils étaient divinement aimés. Dieu n’était plus un vague concept, une puissance lointaine, un despote sourcilleux dont il fallait mériter les bonnes grâces. L’homme n’était plus quelqu’un qui cherche Dieu à tâtons mais quelqu’un qui est regardé, trouvé et aimé par lui.

La foi, c’est d’abord reconnaître que l’on est inconditionnellement accepté. Elle est donc louange.

Mais l’homme, toujours tenté par l’orgueil de se construire lui-même, doit demeurer dans ce don, répondre à cet amour en agissant. « SI vous gardez… » : l’amour de Dieu n’est pas acquis une fois pour toutes et notre liberté doit lui répondre en vivant selon les commandements de Jésus, en s’appliquant à conduire sa vie selon l’Evangile.

Confession de foi et baptême, pratique liturgique et moralité sont toujours à vérifier (« trouvés vrais ») par l’enseignement et la Pâque de Jésus, sinon le croyant se leurre sur ce qu’il est.

LA JOIE INALTERABLE

Et tout à coup, au cœur du message, apparaît le grand mot : JOIE.

On a parfois critiqué Jésus qui, dans les évangiles, est bouleversé, assoiffé, en larmes mais qui ne rit jamais. Or il est évident qu’il a dû souvent s’amuser en remarquant notre balourdise et nos mesquineries (Nous sommes souvent des comiques !). Mais surtout il a connu l’exultation de tout son être, la plénitude de son accomplissement parce qu’il vivait dans la communion jamais interrompue du Fils avec son Père : la joie parfaite.

En parlant à ses disciples, en leur révélant la Vérité de Dieu et son projet dans lequel ils sont maintenant investis, il leur communique cette joie profonde qui est la sienne.

Lorsque la foi accueille la révélation de Jésus, lorsqu’elle s’engage à la vivre, elle comprend enfin ce que signifie « la Bonne Nouvelle ». L’Evangile n’est plus un code qui culpabilise, la messe n’est plus une routine suivie avec ennui, la morale n’est plus un joug écrasant.

2e VOLET DE LA PARABOLE : PORTER DU FRUIT.

Le premier volet de la parabole insistait sur la nécessité pour tout sarment de « demeurer » sur la vigne, de rester accroché à Jésus. En effet comment une branche peut-elle fructifier si elle n’est pas sans cesse irriguée par la sève venant du tronc ? Comment un fleuve peut-il subsister s’il se coupe de sa source ? Chaque fois que l’Eglise a voulu faire selon ses idées, elle s’est trompée : elle a cherché sa gloire plutôt que celle de Dieu.

Soudés au cep, pleins de la vitalité qui vient de Jésus et de sa Pâque, les sarments, les vrais croyants, peuvent alors donner du fruit en pratiquant ce qui est finalement le seul commandement de Jésus :

Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.

Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.

Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande.

Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ;

je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître..

Jésus avait déjà énoncé cet impératif alors qu’il venait de laver les pieds de ses disciples : « Ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi…Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés…» (13, 15.34). S’il n’est que sympathie, attrait, mouvement sentimental, l’amour ne peut être commandé mais ici il s’agit d’un don divin manifesté clairement en Jésus : demeurer-avec, aller jusqu’à donner sa vie s’il le faut.

Pour trop de chrétiens, le message évangélique est devenu un héritage mal connu, un tas de croyances obscures et de pratiques désuètes, une religion parmi d’autres, une tradition dont on se débarrasse allègrement. Or ce que Jésus nous a fait connaître, la Bonne Nouvelle, est quelque chose d’extraordinaire : la croire dévaluée par la modernité est imbécile !

L’entendre et l’accueillir bouleversaient les apôtres : il n’y avait plus de révélations supplémentaires à attendre. Par la foi, on devenait « amis de Jésus », partageant la Lumière divine autant qu’il est possible sur terre, et l’Esprit les faisait accéder à la Vérité tout entière (16, 13). Quelle honte d’être accoutumés à une foi pour laquelle tant de nos frères sont en train de donner leur vie !

Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis,

afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure

Apparemment nous cherchons à connaître le Christ et nous le découvrons : en fait c’est Lui qui nous cherche et nous choisit. Non pour nous récompenser et nous transformer en élite mais pour un but, pour un élan de vie à réaliser. Remarquez l’enchaînement en 5 étapes: il nous choisit – il nous établit dans la communauté – afin que nous allions de l’avant – que nous nous aimions les uns les autres – et que cette œuvre subsiste, tienne bon, persévère. Belle description de la vie chrétienne.

LA PRIERE INDISPENSABLE

Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera.

Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres.

Le second volet de la parabole, comme le premier, mentionne le recours nécessaire à la prière mais celle-ci doit être faite « au nom de Jésus » c.à.d. en tant que « sarment de la vigne », ami de Jésus, décidé à porter toujours plus de fruit (charité fraternelle) et à proclamer la Gloire du Père. Prier pour croire plus, pour aimer davantage est toujours exaucé.

Et la section se termine comme elle a débuté : le projet de Dieu est que son Fils, par l’entremise des croyants qui demeurent en lui, porte toujours plus de fruit et ce fruit ne peut être que la communion des croyants. « Voyez comme ils s’aiment » disait-on des premiers chrétiens. Sans cela nos « œuvres » ne sont que celles d’une O.N.G. et l’Eglise une organisation humanitaire, dit le pape François.

LA PAROISSE

Si la Vigne du Père désigne la communion universelle des croyants, elle se concrétise au premier chef dans chaque petite communauté locale. Ainsi la paroisse apparaît comme la communion réelle des personnes qui, en tel lieu, rayonnent de la joie parfaite. Initiés à toute la révélation que Jésus leur a donnée, conscients d’être ensemble comme des prolongements du Christ et qui demeurent en lui, décidés à se connaître, à vivre solidaires, à s’aimer les uns les autres.

L’Eucharistie du dimanche est le haut lieu où la Vigne apparaît et renforce sa foi et son amour. Joyeux de partager la Coupe du Christ, les fidèles goûtent le vin de la joie, le bonheur d’être aimé, la possibilité de surmonter toute division. Leur fruit demeure «  pour la Gloire de Dieu le Père ». Amen.