Homélie de Toussaint 2014
Louvain-la-Neuve le 01/11/2014
Hier c’était Halloween, l’ancienne fête celtique qui nous rappelait qu’il fallait vénérer et apaiser les morts pour éviter qu’ils nous entraînent dans leurs tourments. Halloween est devenue aujourd’hui une fête qui dénature la mort dans une caricature pour se faire peur. Demain, c’est la fête des morts, de la mémoire de tous ceux qui ont vécus parmi nous et nous ont quittés. Et aujourd’hui, c’est la fête de tous les saints, ceux que l’Église de la Gaule du VIIIème siècle a commencé à déclarer dans la plénitude de Dieu. Ceux que Jean voit dans la vision d’une foule immense rassemblant races, peuples et nations autour du trône de Dieu et de l’agneau.
Mais n’est-ce pas aussi notre vision, notre rêve : que tous ceux qui nous ont quittés soient dans la plénitude de Dieu.
Les vivants, les morts et les saints seraient-ils si éloignés les uns des autres ?
On dit parfois dans notre langage courant de quelqu'un de décédé et même encore vivant : "Celui-là, ou celle-là, c'était ou c'est vraiment un saint.
Un peu comme si on classait quelqu'un dans une autre catégorie que la nôtre.
Comme si on le rendait hors norme, inaccessible dans un univers qui lui est propre.
On respecte cet univers, on s'en émerveille parfois mais on a difficile à le rencontrer et à s’y voir un jour.
J'ai presque envie de dire que donner ce qualificatif de « saint » à quelqu'un, c'est parfois un peu l'enfermer dans son nuage, le mettre dans une bulle hors de portée.
Et pourtant, l'évangile de ce jour nous dit le contraire !
Jésus quitte la foule et monte avec ses amis, à l'écart, sur la montagne pour se rapprocher de ce "Royaume de Dieu" dont il veut leur parler.
Les saints de notre église, les "Heureux ceux qui …" en font partie.
Bienheureux les humbles, dans un monde de supériorité et de domination.
Bienheureux les doux et les tendres, dans un monde de violence et d'agressivité.
Bienheureux les sensibles et ceux qui pleurent, dans une société dure et pleine de masques.
Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice, dans un monde plein de conflits, de jugements et de rejets.
Bienheureux les artisans de paix, quand on est si souvent artisan de discorde………
Tous ces bienheureux verront Dieu, le royaume des cieux est à eux, nous dit l’évangile.
Le "Royaume de Dieu", cet espace de bonheur, ce rendez-vous des bienheureux, des saints, est déjà à notre portée poursuit Matthieu dans l’évangile.
Chaque fois que la douceur l'emporte sur la violence.
Que la consolation l'emporte sur la tristesse.
Que le pardon l'emporte sur le rejet de l'autre.
Chaque fois, l’humain prend sens dans le divin. Chaque fois, il avance dans ce "Royaume de Dieu".
Tous les saints, tous ceux que l’Église a reconnu, qui nous précèdent et intercèdent pour nous mais aussi et peut-être surtout, tous ceux qui nous ont aimé et qu’on a aimé et dont la mémoire reste vivante au creux de nos cœurs, tous ceux-là sont les « beati, les bienheureux ceux qui …. »
Les saints ont besoin de relais pour garder sens. Notre monde, notre société, a besoin d’hommes et de femmes engagés, de saints du quotidien.
Que la foi de ceux qui nous ont précédés nous aide à faire mûrir la nôtre pour que notre monde devienne un jour, dès ici-bas, ce « Royaume de Dieu ».
Amen
Fr. Stéphane Braun, o.p.