1er dimanche de Carême

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 10/03/19
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2018-2019


« En ce temps-là, après son baptême », quelques mots entendus au début de la lecture de l’évangile de ce soir et qui, pourtant, vont nous donner une clé de lecture intéressante pour comprendre tout l’enjeu de ce qui va se jouer pour Jésus durant ces quarante jours dans le désert.  Cette mention du baptême de Jésus est fondamentale car c’est précisément juste après avoir été baptisé que l’évangéliste Luc nous dit, dans le chapitre qui précède celui que nous venons d’entendre : « Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit.

L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et il y eut une voix venant du ciel : ‘Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie’. »  « Toi, tu es mon Fils, bien-aimé », voilà ce que le Christ a entendu.  L’expression « Fils de Dieu » n’est pas une nouveauté.  Nous la trouvons déjà dans le livre de la Genèse, de Job, des psaumes ou de Daniel.  Toutefois, lorsque Jésus entend cette phrase, il la prend très au sérieux.  Mieux encore, il prend conscience qu’il est appelé à devenir de manière toute à fait unique et privilégiée le Fils bien-aimé du Père.  Ou pour le dire encore autrement, par ces mots, il comprend sa vocation.  Il ne s’agit donc pas d’un honneur dont il pourrait se targuer mais plutôt d’une responsabilité de vie.

En effet, souligne le théologien belge Georges Lamotte, l’image de Dieu que le monde découvrira va dépendre de la manière dont le Christ va vivre sa filiation.  Ou pour le dire encore autrement, de la manière dont le Fils vivra son humanité au cours de son incarnation parmi nous dépendra l’image que nous nous ferons de ce Dieu-Père qu’il nous annonce.  Conduit par l’Esprit au désert, Jésus va ainsi avoir le temps de mûrir sa vocation, de prendre conscience de sa mission et surtout de réfléchir à l’image de Dieu qu’il veut nous faire découvrir.  Durant ce temps, poursuit cet auteur, Jésus va se trouver par trois fois face à deux attitudes possibles. « Premièrement, soit il sera le Fils qui va profiter de son statut pour s’accaparer un maximum de richesses, laissant les autres dans la nudité, soit il va se détacher des biens matériels, prendre ses distances par rapport aux richesses et toute abondance pour être celui qui n’a pas d’endroit où reposer la tête.  Deuxièmement, soit il profitera de sa situation pour prendre le pouvoir et dominer les autres en les écrasant, soit à l’inverse il donnera l’image d’un Dieu au service de l’être humain, attentif aux plus vulnérables, donnant la priorité aux petits, un Dieu tourné vers les pécheurs pour leur exprimer la miséricorde du Père. Et enfin, troisièmement, soit encore il se haussera au-dessus de Dieu lui-même et se servira de lui pour assouvir ses passions les plus folles, soit enfin, il sera le fils qui vit dans la confiance de l’amour du Père. Au lieu de le mettre au défi c’est lui qui s’abandonnera et remettra sa vie entre ses mains ». Pour avoir médité les évangiles, toutes et tous, nous savons qu’à chaque choix possible, Jésus choisira la deuxième possibilité.  En ce sens, le Christ accomplit ce que son propre Père avait déjà demandé dans le livre de l’Exode : « Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui ; c’est là que se trouve ta vie, une longue vie sur la terre que le Seigneur a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob ».  Choisir la vie : voilà ce que notre Dieu attend de chacune et chacun de nous.  La mort nous tire vers le passé et nous enferme dans celui-ci. La vie quant à elle se vit en avant lorsque nous choisissons consciemment de la vivre.  Il y va de notre liberté et de notre responsabilité personnelles.  Par notre propre baptême, nous sommes toutes et tous « fils et filles de Dieu ».  En chacune et chacun de nous, Celui-ci peut aussi trouver sa joie.  Pour ce faire, il nous faut choisir la vie en nous posant la question suivante : « par notre vie, de quel Dieu serons-nous l’image ? ».  Un Dieu rigide, insensible à nos maux, un Dieu tout puissant de maîtrise et de domination ?  Ou plutôt un Dieu de miséricorde, soucieux des plus faibles et qui nous accompagne sur la route de nos vies ? Puissions-nous alors, durant ce temps de Carême, nous arrêter au cœur de notre désert pour prendre conscience de notre filiation divine et de voir de quelle manière nous allons accomplir notre vocation de filles et fils de Dieu.

Amen