« Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, cette nuit-là, ils ne prirent rien ». Rien ne va donc plus pour les disciples de Jésus. Ils ont perdu leur Maître. Le Fils de Dieu a échoué. Il est mort. Ses proches ne s’en remettent pas et s’en sont retournés à leur métier d’avant. Et même là, ils vivent à nouveau l’échec. Ils ont passé leur nuit à pêcher mais n’ont rien pris. Ils rentrent bredouilles. A nouveau, ils échouent. Et pourtant, ayant reconnu le Christ, ils vont lui obéir et ce faisant, ils refusent de s’enfermer dans une expérience mortifère.
Mieux encore, ils vont découvrir que malgré l’échec de la nuit et parce qu’ils ont osé recommencer, ils vont faire l’expérience d’un avenir abondant, riche de promesses. Merveilleux récit celui que nous venons d’entendre et qui nous invite à nous arrêter quelques instants sur l’expérience douloureuse de l’échec qu’à notre tour, il peut nous arriver de vivre. Il est tout d’abord bon de se rappeler que, dans la foi, le sens de l’échec est si profond que Dieu lui-même a dû l’assumer. En effet, pour triompher de la mort, il n’a fallu rien de moins que la mort de Dieu. A sa manière, le Fils de Dieu a donc également traversé l’épreuve douloureuse de l’échec. Mais par sa résurrection, il en est sorti vivant. Non seulement, il en est sorti vivant mais en plus, il vient nous inviter à faire de même lorsque nous sommes capables de lui faire confiance comme ses disciples à qui il s’est adressé sur les bords du lac de Tibériade. En Dieu, l’échec est constitutif, par essence non définitif et toujours à traverser. Je m’explique.
Trop de femmes et d’hommes estiment aujourd’hui encore que suite à un échec, leur avenir est complètement bouché et qu’ils sont déjà jugés et condamnés par les autres et parfois par Dieu, comme si tout était perdu à jamais. Or, dans la foi, l’échec ne peut être vécu comme étant celui qui aura toujours le dernier mot mais plutôt comme une dimension constitutive de l’existence. A des degrés divers, tout être humain, de par sa condition humaine, fera à un moment donné ou un autre l’expérience d’un échec. Cette dernière fait taire en nous tout désir de toute-puissance de maîtrise et de domination. Elle nous remet face à notre réalité. En ce sens, l’échec est bien une expérience constitutive de notre existence. Nous ne pouvons jamais nous réduire à celui-ci et lorsque nous l’intégrons dans notre histoire, il nous ouvre à un nouvel avenir. En effet, l’échec, expérience d’un passé que nous espérons à jamais révolu est constitutif de notre avenir. Lorsque nous avons été capables de traverser l’expérience de l’échec, cela signifie que nous reconnaissons que nous avons acquis de nouvelles compétences humaines qui vont nous permettre d’envisager autrement l’avenir et avec sans doute plus de sérénité. En Dieu, l’avenir peut toujours se renouveler.
Par ailleurs, en aucune manière, Dieu n’est impassible lorsque certaines de ses créatures se trompent de cible et se détournent de leurs destinées. Il se veut proche et solidaire d’eux dans cette traversée. Il ne cherche pas à nous laisser entrer en tentation et il sait que l’être humain passe parfois par des temps d’erreur, d’errance et de transgression avec tous les côtés aliénants qu’ils peuvent comporter. Par sa miséricorde, le Père dans le Fils et par l’Esprit nous témoigne sa proximité, sa bienveillance, sa compassion, son empathie, sa sollicitude. Dieu ose ainsi se révéler à nous chaque fois que nous sommes confrontés à nos propres fragilités, à nos propres failles. Il se révèle et nous relève par la même occasion lorsque nous revenons à Lui et lui faisons à nouveau confiance. Dieu nous convie à aller de recommencements en recommencements. L’échec n’est jamais statique, il est à traverser. Il est une épreuve qui doit être surmontée. Telle est l’espérance du récit de la pêche miraculeuse de ce dimanche. Telle peut être notre propre expérience car chaque fois que nous traversons une épreuve d’échec, nous ressuscitons à nous-mêmes ; car chaque fois que nous traversons une épreuve d’échec, nous ressuscitons à la Vie. La résurrection n’est donc pas une promesse pour demain. La résurrection se vit dès aujourd’hui et fait de chacune et chacun de nous des êtres résurrectionnels lorsque nous acceptions qu’un échec est constitutif, jamais définitif et à toujours traverser.
Amen