Nous utilisons tous des formules un peu ‘bateau’ et récurrentes ! Et en cette période électorale, certains mots passe-partout reviennent sans cesse dans les débats, presque comme des mantra ou des tics de langage ! Les prédicateurs n’échappent pas à la règle… Il est des mots —l’amour en est un exemple— qui reviennent souvent, trop souvent peut-être…
Dans le très court extrait d’évangile que nous venons d’entendre, Jean semble se répéter et il y a deux mots d’ailleurs qui reviennent à plusieurs reprises… Le mot « amour » apparaît 4 fois. Il y a cependant un autre terme qui a davantage d’occurrences. Il s’agit du mot gloire ! Ce mot est utilisé 5 fois. J’imagine que pour la plupart d’entre nous, la gloire n’évoque pas grand-chose hormis de la puissance ou du prestige. Et si dans le langage courant, gloire et amour semblent opposés, ces deux termes sont chez Jean profondément liés. Au sens biblique, la gloire est en réalité la vérité ultime d’un être. La gloire —en hébreu— signifie étymologiquement « être lourd », « ce qui donne du poids » « ce qui en impose ». Bien entendu, la notoriété et la reconnaissance peuvent donner un certain poids à l’humain, de l’honneur, de l’influence, mais ce pouvoir est souvent malsain. Le véritable poids d’une personne, sa gloire au sens le plus noble du terme, surgit de sa capacité à aimer. La vérité ultime de ce que nous sommes, notre gloire, c’est bien notre capacité à aimer ! Être glorifié —ce à quoi nous sommes tous destinés— c’est découvrir de la consistance dans sa vie, c’est découvrir du poids dans ce que nous faisons, même dans les choses qui semblent insignifiantes, même dans les plus petits actes d’attention bienveillante. La gloire de l’amour, c’est voir que l’autre a réellement de la profondeur, au-delà de ce que nous pouvons imaginer. C’est voir, en lui, la présence de Dieu, qui fait toutes choses nouvelles.
Dans l’évangile de Jean, c’est au moment précis de la trahison que la « gloire » est manifestée. La gloire de Dieu, son pesant d’amour se manifeste donc pleinement à l’instant où commence la passion, dans l’acte d’amour qui va jusqu’à donner sa vie librement pour ses amis. L’amour n’est donc pas un commerce, un donnant donnant. Jésus ne dit pas « Aimez-moi comme je vous ai aimés », mais « Aimez-vous comme je vous ai aimés ». L’amour d’agapè, qui vient de Dieu est donc circulation de vie. Il inscrit de la permanence, de l’éternité, dans l’impermanence de nos désirs. Nous sommes tous convaincus qu’il faut aimer… Mais la nouveauté de ce commandement est bien d’aimer comme Jésus nous a aimés. C’est-à-dire d’avoir le courage d’aimer comme lui. Il ne s’agit pas seulement d’aimer les autres comme nous-mêmes, mais d’aimer comme Jésus, dans un amour qui est don, entier, définitif, gratuit. C’est offrir, par des gestes concrets, un pesant d’amour. Voilà la gloire de Dieu, la gloire de l’amour. L’amour est donc bien une question… de poids. C’est une circulation de vie, qui offre davantage d’épaisseur à nos relations. Alors aujourd’hui,… je vous invite à prendre du poids ! Qu’est-ce qui est dans notre vie est fait de légèreté, d’éphémère, de futile, et qu’il faut peut-être abandonner ? Qu’est-ce qui, par contre, donne de la consistance à notre vie, du poids à nos paroles ?
Comment découvrir la vérité ultime de notre être ? Simplement peut-être, en donnant plus de poids aux autres… En rendant un être aimé consistant, en lui faisant découvrir davantage de densité dans sa vie. Par nos attitudes, en offrant de la valeur, à ceux qui semblent n’en avoir aucune…
Si notre culture contemporaine préfère l’amour de la gloire, le Christ Ressuscité nous ouvre à la gloire de l’amour… C’est à cela que nous reconnaissons les disciples du Ressuscité. Pas aux grands discours, pas seulement à l’amour de la vérité, mais à la vérité de l’amour. Voilà notre joie profonde : l’inscription, en nous de ce qui ne passera jamais, autrement dit l’amour d’agapè, qui vient de Dieu, et qui donne du poids à nos paroles. Amen.