5ème dimanche ordinaire (année A)

Auteur: Laurent Mathelot
Date de rédaction: 9/02/20
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2019-2020

Textes : 5ème dimanche ordinaire (année A)

 

Hier je rencontrais un groupe d’animateurs pastoraux, qui me posaient la question : comment parler aux jeunes ? comment rejoindre leurs questionnements ? C’est vrai que les questions des jeunes sont parfois percutantes, désarçonnantes, souvent précises voire pointues. Au delà, la question se pose aussi aux jeunes, comme à tous : comment témoigner de notre foi, dans un monde qui apparaît de plus en plus hostile aux religions et souvent s’en moque.

« Je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige du langage ou de la sagesse » – dit saint Paul aux Corinthiens – « C’est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant, que je me suis présenté à vous ». Ce n’est pas par des beaux discours, de l’éloquence et à force de persuasion que nous convaincrons du bien fondé de notre foi.

Certes, elle se fonde sur un roc – qui est Dieu – mais ce Dieu laisse la liberté à tout un chacun de le rejeter, de l’insulter et même de lui dénier d’exister. Si je suis véritablement libre de penser – et je crois que Dieu nous veut fondamentalement libres de penser – alors les arguments n’ont finalement que peu de poids. La liberté de penser suppose en effet de pouvoir relativiser entre eux les arguments, justement comparer leurs poids. La question n’est donc pas de trouver la parole adéquate, celle qui emportera la conviction. Il ne s’agit pas – je le répète – de convaincre. La question à se poser c’est : qu’est-ce qui donne du poids, de la consistance à mon discours religieux.

Le christianisme est une doctrine toute simple : il suffit d’aimer Dieu et son prochain. Au moins sur la deuxième partie, il ne devrait pas être difficile de tomber d’accord. Tout le monde partage assez facilement l’idée qu’il ne faut pas faire à autrui ce que nous ne voulons pas qu’on nous fasse. Tout le monde peut rapidement se convaincre de la nécessité profondément humaine de s’aimer les uns les autres. Pas besoin d’être nécessairement croyant en Dieu pour croire en l’idéal de la fraternité du genre humain.

La question pertinente – celle que pourrait rétorquer un jeune – c’est : qu’est-ce que ça t’apporte de croire ? En quoi ta foi change-t-elle les choses ? Quel est le poids concret de ta foi sur les événements ?

Nous sommes une religion de l’Incarnation, nos croyances ont un poids. Elles ont Corps, très concrètement. Notre foi doit effectivement peser sur le cours des choses, sur notre vie. Sinon elle n’est rien.

Ce ne sont pas nos discours, aussi habiles soient-ils, qui vont convertir à notre foi ; ce sont nos actes concrets. La foi chrétienne ne se dit pas ; elle se vit. Elle n’est pas une idéologie, un ensemble de croyances et de dogmes, une belle pensée. Elle n’a de sens qu’incarnée, vécue. Concrètement et tout le temps.

C’est ce que disait Isaïe dans la première lecture : ta foi est lumineuse « si tu fais disparaître de chez toi le joug, le geste accusateur, la parole malfaisante, si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires, et si tu combles les désirs du malheureux ». Ta lumière jaillira comme l’aurore si « tu partages ton pain avec celui qui a faim, accueilles chez toi les pauvres sans abri, si tu couvres celui que tu verras sans vêtement, si tu ne te dérobes pas à ton semblable ». C’est là qu’elle a du poids notre foi. C’est là que nos belles paroles, notre beau message chrétien deviennent véritablement Bonne Nouvelle. Concrètement, pour quelqu’un. Une foi vécue. Et frappante, aux yeux de tous.

Les lectures d’aujourd’hui sont un vibrant appel à la cohérence et à la consistance. Notre vie doit être – visiblement, concrètement, pratiquement – conforme à l’amour que nous souhaitons, pour nous-mêmes et pour les autres.

Notre foi n’a qu’un seul but : c’est qu’un jour quelqu’un nous dise : pour moi, tu as été « le sel de la Terre » ; « la Lumière du Monde ». Grâce à toi ma vie est plus lumineuse ; ton amour m’a rendu goût de vivre. Car notre foi n’a que ce seul but : ressusciter des gens.

Le reste ne serait que du vent, de la pure théorie.

Aujourd’hui c’est le Christ qui nous le dit. Il dit la valeur que nous avons aux yeux de Dieu : « Vous êtes le sel de la Terre » ; « Vous êtes la lumière du monde ». C’est là, la mesure de l’espérance que Dieu place en nous, en la visibilité et en la saveur de notre foi. « Vous êtes le sel de la Terre » ; « Vous êtes la lumière du monde ».

Concrètement, combien sont-ils déjà, celles et ceux auxquels nous avons rendu goût à la vie ? Combien sont-elles les personnes que nous avons sorties des ténèbres, éclairées de notre amour ? Et, au soir de notre vie, combien seront-ils à nous dire : pour moi, tu es le sel de la Terre, la lumière du monde ?

Notre religion est une religion de l’amour, une religion concrète de l’amour. A la fin, nous le savons, seule comptera cette question : pour qui ai-je été une personne lumineuse, une personne savoureuse – « le sel de la Terre », « la lumière du monde. » ?