7ème dimanche ordinaire (année A)

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 23/02/20
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2019-2020
Textes : 7ème dimanche ordinaire (année A)

Souvent, lors de la préparation de fiancés à leur mariage, beaucoup d’entre eux disent qu’ils souhaitent se marier à l’église car ils se retrouvent dans les valeurs chrétiennes.  Se pose alors la question de savoir ce qui fait la spécificité d’une valeur chrétienne.  En effet, avant le Christ, les êtres humains partageaient déjà entre eux un ensemble de valeurs humaines et elles n’étaient encore en rien chrétiennes puisque le Christ ne s’était pas incarné en notre humanité.  Certains iront peut-être même jusqu’à dire que l’Église s’est, au cours des siècles, appropriée ces valeurs humaines et les a christianisées, c’est-à-dire qu’elle va les expliquer uniquement à partir de la Vie du Christ.  Toutefois, avec l’avènement du Christ, de nouvelles valeurs sont également apparues et il faut reconnaître qu’au fil des siècles, elles vont être acceptées et intégrées dans de nombreuses sociétés civiles.  Chrétiens et personnes appartenant à d’autres religions ou philosophies partagent ces valeurs et ne se posent même plus la question de leur origine. 

Il y a donc lieu de reconnaître, qu’avec tous nos frères et sœurs en humanité, nous partageons un ensemble de valeurs communes.  Alors, sommes-nous en droit de nous demander, surtout après avoir entendu l’évangile de ce jour : mais qu’est-ce qui rend ces valeurs humaines également chrétiennes ?  La théologienne dominicaine française Véronique Margron nous donne cette très belle définition : « la valeur chrétienne est une valeur humaine en excès ».  Ou pour le dire autrement : la valeur chrétienne est une valeur qui se surabonde.  Ce qui fait donc la spécificité de la valeur chrétienne est l’intensité que nous lui accordons.  Elle semble avoir un goût d’excessif. N’est-ce d’ailleurs pas ce que le Christ vient de dire à ses disciples : « si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. Et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui ».  En ce sens, nous partageons un ensemble de valeurs communes avec tous nos frères et sœurs de bonne volonté mais lorsque nous choisissons de vivre ces dernières jusqu’au bout, à l’excès, elles nous offrent une saveur divine. Cela ne signifie pas pour autant que nous sommes appelés à devenir de grands naïfs face à la Vie.  Loin s’en faut.  Vivre ces valeurs de manière surabondante nous demande à la fois de la patience et de la générosité.  Je m’explique.  Prenons d’abord l’exemple de « tendre l’autre joue ».  Lorsque j’étais professeur d’éthique chrétienne à la faculté de psychologie de l’université catholique de Louvain, une étudiante me dit un jour en présentant son examen : « dans cet exemple de Jésus, il n’est pas fait mention de la notion du temps.  Or cette dernière est fondamentale.  Le disciple du Christ se doit d’être patient.  Il a été frappé sur la joue droite.  Il a reçu la gifle insultante, la gifle méprisante donnée avec le revers de la main.  Il lui faut maintenant prendre le temps nécessaire pour ne pas répondre immédiatement à cette violence par un autre acte violent mais plutôt prendre le temps de chercher à rétablir la relation, à chercher à comprendre le geste, voire peut-être à le pardonner pour qu’au moment où il tendra son autre joue, celui qui l’avait frappé ne le frappera pas à nouveau mais lui offrira la douceur d’une caresse car lui-même aura pris conscience de l’ampleur de son geste et souhaitera rétablir une relation empreinte d’harmonie et de respect mutuel ».  La patience est donc la première qualité requise pour vivre les valeurs chrétiennes.  Vient ensuite la générosité puisque la vie en Christ s’inscrit toujours dans l’amour.  Et comme nous le savons, l’amour peut nous donner des ailes.  Par définition, l’amour jamais ne se divise.  Vous n’avez pas moins aimé votre premier enfant lorsque le deuxième est arrivé.  L’amour, par essence, a pour vocation de se multiplier.  Plus nous en offrons, plus nous avons en nous des ressources nouvelles qui nous permettent d’en donner encore plus.  Les valeurs qui s’enracinent et se réalisent dans l’amour ont donc comme conséquence naturelle de se multiplier à souhait.  Patience et générosité sont donc les qualités intrinsèques nécessaires de toute valeur chrétienne qui se vit dans cette volonté d’être toujours surabondante à l’image de l’amour de Dieu pour chacune et chacun d’entre nous.

Amen