7ème dimanche ordinaire (année A)

Auteur: Anton Milh
Date de rédaction: 23/02/20
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2019-2020

Textes : 7ème dimanche ordinaire (année A)

Chers frères et sœurs,

Il faut que je vous confesse quelque chose : en fait, je suis un des rares flamands qui aime bien des hollandais. Et pour être entièrement honnête avec vous, si cela aggrave encore mon pêché, je dois ajouter que je passe même assez souvent des vacances chez eux, dans le grand Nord. Il y a deux ans j’y ai visité ce qui avait été au Moyen Âge l’infirmerie d’une grande abbaye cistercienne. Ce bâtiment avait été construit par les moines eux-mêmes qui, contrairement à la plupart des religieux d’aujourd’hui, étaient apparemment très, très habiles. Les voûtes en pierre jaunâtre étaient d’une magnificence, d’une perfection architecturale et esthétique « céleste ». Sauf une seule pierre noire, quelque part au milieu des voûtes. Un guide m’expliquait que les moines l’avaient maçonné là intentionnellement, pour indiquer que seul Dieu est parfait. La perfection ne peut pas être atteinte par des mains d’homme.

Une belle pensée pieuse, mais n’est-ce pas en flagrante contradiction avec ce qu’on a lu aujourd’hui dans l’Evangile ? « Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » Ou, comme le dit la première lecture : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. » Être parfait, être saint, comme Dieu l’est lui-même. Comment est-ce possible ? En plus, l’exemple que Jésus nous donne n’est pas le plus simple : « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. » Pas attaquer mon ennemi… ok, ça va, je peux essayer de me retenir un peu. Nier son existence : plus facile encore ! Dire bonjour à une certaine distance… peut-être, si je me force vraiment. Mais l’aimer ? On sent en nous déjà la résistance que provoque une telle pensée d’amour pour son ennemi. Et nous ici dans le first world, même pas dans une situation de guerre ou de persécution !

Comment alors comprendre cette perfection, cette sainteté ? La deuxième lecture nous aide : « vous êtes un sanctuaire de Dieu, et l’Esprit de Dieu habite en vous. » Dieu nous donne son Esprit de perfection, son Esprit de sainteté. Et cet Esprit, nous le recevons – comme Saint Thomas d’Aquin le dit – « selon notre mode de recevoir », cela veut dire selon notre condition humaine, condition de pêché. Il y aura toujours en nous une partie qui ne veut pas tout à fait collaborer avec l’Esprit Saint. Mais malgré cela, malgré notre faiblesse humaine, malgré notre entêtement, Dieu veut que nous soyons comme Lui, que nous soyons saints.

Je vais vous raconter un secret, mes chers frères et sœurs. La seule manière pour l’homme de devenir saint comme Dieu, c’est en restant un homme. C’est ici et maintenant, comme les hommes et les femmes que nous sommes, que Dieu nous appelle à devenir des saints et des saintes. Juste après sa mort, et même déjà pendant sa vie, le Père Damien a subi de virulentes attaques dans la presse par des missionnaires protestants, qui l’accusaient d’être grossier, sale, entêté, fanatique, désobéissant, conservateur, même pas chaste. Et c’est Robert Louis Stevenson, grand écrivain anglais et lui-même protestant, qui a défendu le Père Damien, parce que de son tombeau il ne pouvait plus le faire lui-même. Dans son apologie, Stevenson n’obscurcit nulle part le côté humain – très humain – du Père Damien. Mais il souligne que c’est à travers de son humanité que Damien est devenu saint. Au reproche que Damien était grossier, Stevenson répond : « C’est fort possible. Puis-je vous rappeler que nous avons quelques raisons de douter des bonnes manières de saint Jean-Baptiste ? » Au reproche que Damien était sale : « En effet. Imaginez combien les pauvres lépreux durent être incommodés d’avoir un camarade aussi malpropre. » Et au reproche que Damien était entêté : « Je crois bien que vous avez raison. Et je rends grâce à Dieu pour la force de son caractère et de son cœur. »

Chers frères et sœurs, il n’y a aucun autre chemin vers la sainteté, vers la ressemblance à Dieu, que notre humanité. Et c’est Dieu lui-même qui nous a montré ce chemin, en devenant lui-même homme. Ce n’est pas par hasard que les autres exemples que Jésus nous donne aujourd’hui, semblent être tirés de sa Passion : « si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre » ; « si quelqu’un prends ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. » Notre chemin vers la sainteté, c’est l’imitation de Jésus Christ. Prions, chers frères et sœurs, qu’à l’intercession de Saint Damien de Molokaï et de la Sainte Vierge, le Père et le Fils nous envoient l’Esprit. Viens, Esprit de sainteté. Amen.