Le passage de l’évangile de Jean est le commencement du grand discours d’adieu à ses disciples que l’évangéliste met sur les lèvres de Jésus. Ce discours est adressé par l’évangéliste à la communauté dans laquelle il vit. Il nous est aussi adressé.
Le passage de l’évangile de Jean est le commencement du grand discours d’adieu à ses disciples que l’évangéliste met sur les lèvres de Jésus. Ce discours est adressé par l’évangéliste à la communauté dans laquelle il vit. Il nous est aussi adressé.
Dès ses premiers mots, Jésus nous invite à la confiance : « Ne soyez pas bouleversés ! » Il appuie cette invitation sur une promesse. Les circonstances de la vie, au niveau personnel, au niveau relationnel, dans une famille ou une communauté, et dans la société ne sont pas toujours faciles. Nombre d’entre nous, sans doute, nous en faisons particulièrement l’expérience cette année par ce long confinement. Nous faisons l’expérience de la fragilité de notre vie. La mort que notre société faisait tout pour cacher, la mort est là, omniprésente. L’ordinaire de notre existence, nombre de relations quotidiennes ont été rompus. Parfois la tentation du découragement ou de la désespérance peut guetter.
Mais Jésus fait une promesse. « Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure… Je pars vous préparer une place. » Cela voudrait-il dire que, pour Jésus, dans les épreuves, il n’y a de consolation que dans l’au-delà, au ciel, et qu’il faut donc se détacher tout à fait du présent ? L’esprit qui anime l’évangéliste est bien loin d’une telle position, car il renvoie constamment au présent : « Aimez-vous les uns les autres. » Que signifie alors cette promesse ? Elle nous dit que la solidarité ou le partenariat que Dieu a engagé avec nous en son Fils Jésus est indéfectible. Dieu est fidèle dans sa présence auprès de nous maintenant et cette fidélité dans le présent est de toujours et pour toujours, et d’ici et maintenant elle va jusqu’au-delà même de la mort. Le message de foi est donc : faisons confiance ici et maintenant : Dieu est avec nous et restera pour toujours avec nous et nous avec lui ! Ici et maintenant cette présence fidèle de Dieu se donne dans cette pratique d’amour réciproque, et dans le présent dans l’inventivité des multiples gestes qui expriment l’attention et la tendresse.
Quel est le chemin qui permet une telle confiance ? Thomas ne comprend pas ce que Jésus dit : où va Jésus ? quel est le chemin ? Jésus répond qu’il est le chemin, la vérité et la vie. On pense que la communauté à laquelle Jean s’adresse par son évangile connaissait de grandes difficultés. Dans ces circonstances, vivre de l’Évangile, à la suite de Jésus et comme Jésus, vivre en vérité, est porteur de vie véritable. Une vie véritable, une vie pleinement accomplie ne signifie pas une vie sans difficulté : la vie de Jésus en témoigne suffisamment. Une vie véritable est une vie où on ne se met pas en contradiction avec ce qui nous anime au plus profond, une vie où on peut ne pas avoir honte des décisions prises, de ce qu’on fait et de ce qu’on est. Une vie véritable est une vie digne d’être vécue jusqu’au bout, librement. Là où je suis, vivre en vérité pour qu’entre nous il y ait davantage de vie, pour qu’entre nous chacun et chacune soit pleinement reconnu et apprécié pour ce qu’il est.
« Croyez à ce que je vous dis », dit encore Jésus, et faites « les mêmes œuvres que moi ». Et il ajoute cette expression surprenante : celui qui croit « en accomplira même de plus grandes ! » Autrement dit : il s’agit de vivre dans l’esprit de Jésus et non pas simplement de l’imiter. Il s’agit de nous ouvrir au souffle de vérité, à l’Esprit qu’il nous a promis À quoi Jean pensait-il en parlant ainsi d’œuvres plus grandes ? Nous ne savons pas. Ce que nous pouvons dire, c’est qu’il y a là, dans la foi, un appel à la liberté et à la responsabilité. Peut-être cependant pouvons-nous penser à l’une ou l’autre démarche qui ont été au-delà de ce que Jésus a fait et sans doute pensé : Pierre et surtout Paul ont pleinement ouvert le chemin de la foi au-delà des observances juives, que Jésus n’avait jamais remises en cause (il avait seulement mis en cause une observance qui faisait prévaloir la loi sur la charité). La lecture des Actes nous dit que dans une situation difficile où il y a d’importantes tensions dans la communauté entre croyants d’origine juive et croyants d’origine grecque. Il n’est jamais très facile de vivre ensemble différents, le groupe le plus ancien peut être dominant, ne pas percevoir les attentes des plus récents. Les Actes nous disent que les apôtres font appel à la créativité dans cette circonstance : on invente un nouveau service dans la communauté afin que la charité, l’amour fraternel entre tous puisse se vivre concrètement. Pour qu’il y ait de la véritable vie au sein de la communauté, sans que personne ne soit marginalisé. Bien plus tard on a heureusement aboli l’esclavage : rien dans les paroles de Jésus n’a mis en cause cette institution.
La communauté chrétienne est appelée à être le lieu où on s’aide les uns les autres à vivre dans cet esprit, en vérité et en liberté. C’est un idéal. L’idéal est ce vers quoi on tend alors qu’on sait bien qu’on ne l’atteint jamais. Il s’agit de rester modestes et lucides, mais de choisir d’être en chemin et de se laisser déplacer sur ce chemin. Et c’est particulièrement vrai lorsque les circonstances sont plus difficiles.
N’est-ce pas à cette créativité responsable et libre que le pape François ne cesse de nous inviter aujourd’hui. « Jésus Christ, dit-il, peut rompre les schémas ennuyeux dans lesquels nous prétendons l’enfermer et il nous surprend avec sa constante créativité divine. Chaque fois que nous cherchons à revenir à la source pour récupérer la fraîcheur originale de l’Évangile, surgissent de nouvelles voies, des méthodes créatives, d’autres formes d’expression, des signes plus éloquents, des paroles chargées de sens pour le monde d’aujourd’hui. » (Evangelii Gaudium, 11).
Fr. Ignace Berten op