8ème dimanche ordinaire

Auteur: Jean-Bertrand Madragule
Date de rédaction: 27/02/22
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

Avant mon déménagement en Belgique en décembre 2020, j’ai passé vingt-quatre ans en Allemagne. J’habitais à Cologne et ensuite dans la région de la Ruhr.
C’est la région la plus peuplée d’Allemagne, connue pour les festivités de son Carnaval qui réunissent chaque année des dizaines de milliers de personnes en février ou mars.  
Avant la pandémie de Covid-19, le Carnaval était une institution en Allemagne, en particulier à l’ouest et au sud, dans les régions traditionnellement catholiques.


Lors de ces fêtes, beaucoup de gens sont déguisés et masqués. C’est une façon d’exprimer non seulement leur joie et leur gaieté, mais aussi leur appartenance à une communauté carnavalesque ! Ils endossent d’autres rôles et veulent être pour une fois très différents de ce qu’ils sont habituellement. Ce qui est une très bonne chose ! Actuellement, les mesures sanitaires nous obligent aussi à porter des masques dans certains endroits, comme maintenant dans l’église.
C’est justement là que la lecture du livre de Ben Sira le Sage (Si 27, 4-7) et de l’Évangile selon saint Luc (Lc 6, 39-45) de ce soir intervient et nous pose les questions suivantes : Est-ce que je me connais en toute vérité ? Est-ce que je connais mon prochain assis à côté de moi tel qu’il est vraiment ? Comment Dieu nous voit-il, nous les êtres humains, derrière tous les masques et les déguisements que nous portons au quotidien ?
Dans l’Évangile, Jésus se réfère toujours à l’expérience quotidienne, à la sagesse populaire. Les aveugles ne peuvent pas guider les aveugles, tout le monde le reconnaît. La qualité d’un arbre se mesure à ses fruits, celle d’un homme à ses actes.
Si tout cela va de soi, pourquoi Jésus en parle-t-il spécifiquement ? Quelle est la nouveauté de sa Parole ?
Jésus s’attaque à ce que l’Évangile qualifie d’hypocrisie (cf. Lc 6, 42). Il s’insurge contre la fausse représentation de soi. On veut paraître. On se déguise, on se masque. L’image de la poutre dans son propre œil est frappante.
Dans la vie quotidienne, nous cherchons souvent à paraître meilleurs que les autres, nous nous cachons derrière un « masque » en ne nous montrant pas tels que nous sommes.
Et inversement : nous faisons aussi l’expérience que partout où les gens se donnent de l’amour et de la confiance, les relations humaines se détendent et deviennent vivables. Tout cela parce que chaque personne se présente telle qu’elle est, sans masque, avec ses faiblesses et ses défauts.
L’expérience de vie nous montre que si les gens se connaissent bien, se font confiance mutuellement et s’acceptent avec amour, il y a plus de chance d’ouvrir l’intérieur de son cœur à autrui. On vit là, dans un climat de confiance dans lequel « Amour et Vérité se rencontrent, Justice et Paix s’embrassent » (Ps 85 (84), 11).
Jésus compare la vie humaine à un arbre qui donne de bons fruits : « Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit » (Lc 6, 43). Que faire pour donner de bons fruits ?
Les disciples ne pourront porter de bons fruits que s’ils se remettent en permanence sous la lumière de Jésus, et se laissent guérir par lui de leur aveuglement. C’est bien le même Luc qui a fait remarquer que les disciples d’Emmaüs n’ont commencé à y voir clair que lorsque « Jésus leur a ouvert l’esprit à l’intelligence des Écritures » (Lc 24, 45).
Le vrai disciple est donc celui ou celle qui se laisse former et éclairer par Jésus, et ainsi donne de bons fruits ; celui ou celle qui ne se laisse pas former et éclairer par Jésus reste dans son aveuglement et donne des fruits pourris. Autrement dit : seule la rencontre personnelle avec Dieu et son appel à la conversion transforment un cœur de pierre en un cœur de chair (cf. Ez. 36, 26).
Dans les communautés ou familles chrétiennes, si les gens s’approchent de Jésus avec humilité et sont unis à lui, les différences et les divergences entre eux ne doivent plus avoir d’importance.
C’est justement l’Eucharistie qui nous offre une rencontre absolument unique avec le Christ qui est non seulement présent parmi nous, mais aussi dans son Corps et dans son Sang ainsi que dans sa Parole commentée dans la Prédication.
Dieu aime chacune et chacun de nous personnellement, mais il nous aime aussi comme une famille ou comme une communauté, par exemple comme la communauté paroissiale Saint-Jean l’Évangéliste de Liège. C’est exactement ce que nous exprimons lorsque nous récitons le Notre Père à la messe. Étant les fils et filles d’un même Père, nous ne pouvons pas être croyants tout seuls.
Il y a la joie de célébrer l’Eucharistie ensemble. Il y a la joie de se retrouver sous la « Tente de la rencontre » après l’Eucharistie pour mieux faire connaissance et vivre la convivialité.
Dans quelques jours, nous entrerons en Carême. Approchons-nous de Dieu dans la foi et la confiance, tels que nous sommes. Nous n’avons pas besoin de nous cacher ou de porter un masque devant lui. Car il sait tout et voit au fond de notre cœur. Il nous connaît tels que nous sommes. Qu’il nous rende capables d’être comme l’arbre qui donne de bons fruits en temps voulu et que son amour miséricordieux nous offre un cœur nouveau. Amen.