Dieu attend. C’est quelqu’un qui attend. Et bien souvent on ne peut pas faire grand-chose d’autre, attendre que cela passe. Parfois, brutalement, de façon inattendue, c’est le conjoint qui devient difficile et renfrogné. On ne sait pas pourquoi et lui, non plus, le conjoint ne sait pas très bien pourquoi, mais il n’est pas bien dans sa peau.
De part et d’autre, c’est une période difficile : on se sent rejeté, on ne sent plus accepté comme on est. Et quand on cherche à rétablir le contact, c’est parfois pire. Il faut attendre. C’est comme si le cœur devait se transformer, passer une étape, parce qu’on n’est plus tout à fait le même avant et après, et que fatalement la relation n’est plus tout à fait la même avant et après.
Quand le fils prodigue revient, il n’est plus tout à fait le même : il a fait des bêtises, il a connu la misère, la honte et la nostalgie de la maison paternelle. D’ailleurs, il sait très bien que cela ne sera plus comme avant. C’est pourquoi il se prépare et qu’il a cherché des paroles fortes pour pouvoir rentrer à la maison : « je ne mérite plus d’être appelé ton fils. Prends-moi comme l’un de tes ouvriers. » Il se rend compte que les choses ne seront plus comme avant. Au pire, il sera réduit à un rang inférieur. Et cela arrive parfois. Quand, après une sévère dispute, l’un des conjoints voit l’autre qui revient et il pourrait très bien lui lancer : « alors, c’est fini, ta bouderie. On peut te parler ! » Le « bon » conjoint, celui qui a souffert de la mauvaise période de l’autre, pourrait faire payer à l’autre la souffrance subie et le malaise enduré.
Dans la parabole, c’est la réaction du fils aîné, et il a raison. Son frère, le fils prodigue, a couru les rues et les bars la nuit, et il revient, mais s’il revient, c’est parce qu’il a tout perdu, qu’il n’a plus d’argent et qu’il a faim. Ce n’est pas sérieux.
Et le père fait tout autrement : il accepte le fugitif et le reçoit à bras ouverts. Et ce n’est pas facile, parce qu’il reste toujours cette petite blessure reçue injustement. Mais le plus important, c’est de pouvoir recommencer et de faire la paix. Il ne s’agit plus de défendre son intérêt. Il s’agit de construire autre chose de nouveau entre les deux.
C’est ce que Jésus a fait avec Pierre après sa mort et sa résurrection. Il n’a pas fait la leçon à Pierre alors que l’apôtre l’avait trahi. Jésus est revenu à l’essentiel : « m’aimes-tu ? Veux-tu que nous recommencions quelque chose de nouveau ensemble ? » Il ne veut pas régler les comptes du passé. Il était en train de construire l’avenir. Et Pierre n’a pas cherché d’excuse pour sa trahison. Il n’a pas dit à Jésus : « c’est de ta faute. Tu étais allé trop loin. » Lui aussi, comme Jésus, était revenu à l’essentiel : vivre ensemble.
C’est ce que l’on souhaite aux peuples russes et ukrainiens : réapprendre à vivre ensemble, autrement, après la guerre. C’est ce que les Européens ont fait après la guerre avec les Allemands : eux, comme nous, nous apprenons tous les jours à vivre autrement qu’avant, et finalement c’est beaucoup mieux. C’est ce que Joseph a fait avec Marie : il n’a pas tout compris (et nous non plus), mais il s’est dit : « c’est un mystère, mais c’est avec elle que je veux vivre. »
Il y a, dans mon village, à Havré, près de Mons, une chapelle consacrée à Notre Dame. C’est la chapelle du Bon Vouloir. Ce sont les gens du village qui ont construit cette chapelle il y a cinq ans. Ils savaient qu’il fallait toujours recommencer et toujours faire preuve de « bon vouloir », comme Marie et Joseph, comme Jésus et saint Pierre, comme nous tous les jours.