Le passage de l’Évangile de ce dimanche qui relate l’histoire de la Femme adultère est le seul du Nouveau Testament qui mentionne que Jésus écrive. Par deux fois, Jésus se baisse et écrit sur le sol. Ce n’est pas tant le fait que Jésus sache lire et écrire qui importe ici – c’était le cas de beaucoup de ses contemporains juifs. Le détail qui importe ici c’est que Jésus écrive par deux fois. Ce n’est pas anodin. C’est même la clé de compréhension du texte.
Au cœur de cet Évangile : la Loi. Non pas le principe même de la Loi – Jésus ne conteste pas le bien-fondé de la Loi qu’il respecte par ailleurs – mais la manière de l’appliquer.
L’exemple choisi par Jean pour nous le montrer est frappant à dessein : il s’agit d’une femme, il s’agit d’un adultère et les faits ne sont pas contestables : elle a été prise en flagrant délit. Tout pour exciter les instincts les plus vils d’un auditoire essentiellement masculin. C’est le propos : faire appel au sentiment avec lequel on applique la Loi. Il y a en effet toute la place pour la frustration et le ressentiment d’un homme dans le jet d’une seule pierre.
Notre manière de juger dépend fortement de notre état d’esprit. Lorsque nous souffrons voire sommes simplement irrités, nous jugeons plus sévèrement ; lorsque nous aimons, nous sommes bien plus miséricordieux. Sans doute, sommes-nous aussi plus cléments envers ceux qui partagent les faiblesses et les torts dont nous nous accommodons. Comme nous sommes certainement plus implacables envers ceux qui témoignent de mauvais penchants contre lesquels nous luttons.
« Celui qui est sans péché, qu’il soit le premier à jeter une pierre.» Notre péché teinte notre manière de juger. Il nous rend partiaux. Il faut un cœur sans tache pour juger avec impartialité. Ainsi seul Dieu juge valablement.
En faisant appel à leur raison – qui êtes-vous pour juger ? – le Christ renvoie les justiciers implacables à leur propre faiblesse personnelle, provoquant un à un leur renoncement à condamner quand ils mesurent leur péché.
Ensuite Jésus écrit une deuxième fois sur le sol et rend sa sentence : « Moi non plus, je ne te condamne pas. » Lui l’homme sans péché, le juge impartial montre la miséricorde de Dieu : « Va, et désormais ne pèche plus. »
Ces deux écritures dans la poussière du sol représentent la Loi. L’ancienne et la nouvelle loi données par Dieu. L’ancienne renvoyait chacun à son péché ; la nouvelle est celle de la miséricorde de Dieu. Avant, l’affirmation de principes implacables ; désormais, celle de l’incarnation de l’amour divin.
C’est dans la poussière de notre âme que Dieu inscrit sa Loi, là où affleure notre péché. Mais c’est dans la tendresse de notre cœur que le Christ inscrit désormais son application. L’objectif de la Loi n’est plus tant la répression des fautes que la promotion de l’amour.
Nos jugements implacables reflètent les limites de notre cœur. Voici que s’ajoute à nos efforts de carême, le combat contre sa rigidité.
— Fr. Laurent Mathelot OP