5ème dimanche du Carême

Auteur: Jean-Bertrand Madragule
Date de rédaction: 3/04/22
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

Le journaliste et romancier allemand Werner Bergengruen raconte dans son roman « Le filet » l’histoire suivante : dans un village de pêcheurs en Italie situé sur une île, une loi non écrite s’applique. Une femme surprise en flagrant délit d’adultère est précipitée dans la mort du haut d’un rocher.

Plus tard, des hommes du village surprennent de nouveau une femme en situation d’adultère. La femme accusée se voit accorder un court délai pour qu’elle puisse parler une dernière fois à son mari. Mais le mari n’est pas à la maison et ne revient pas non plus avant l’expiration du délai. Le jugement est donc exécuté sans pitié.

Le lendemain, les juges voient la femme saine et sauve travailler devant sa maison. La stupeur saisit les villageois. C’est à ce moment que le mari de la rescapée raconte qu’il était au courant de l’acte de sa femme, qu’il était donc allé tendre un filet au plus profond de la roche et que celui-ci avait rattrapé sa femme en toute sécurité. Dans la foulée, la princesse convoque une réunion pour prendre une décision. Son verdict : la femme peut continuer à vivre. En souvenir durable du sauvetage, elle offre à cette femme son filet à cheveux.

Nous nous retrouvons presque dans la même situation d’une femme adultère dans l’Évangile de Jean. Oui, elle avait échoué dans sa vie conjugale. Elle a été surprise en situation d’adultère. Elle voulait probablement être fidèle à son mari, mais elle a finalement rompu son serment de fidélité. L’adultère est une chose terrible.

Seule la femme est menacée de mort. Il y a des pierres partout ; il suffit de les ramasser pour la lapider. Quelques jets de pierres suffiraient. Pour l’instant, les Scribes et les Pharisiens veulent encore questionner Jésus, non pas par pitié de la femme, mais pour le mettre en difficulté.

Ils lui rappellent la Loi de Moïse qui leur ordonne de « lapider ces femmes-là ». Ils attendent la réaction de Jésus. « Et toi, que dis-tu ? » Si Jésus pardonne, il contredit la Loi de Moïse. S’il ne pardonne pas, il contredit sa propre loi de miséricorde et il va aussi contre l’autorité romaine qui se réserve, à l’époque, le droit de mettre à mort. Mais en réalité, ce n’est pas à la femme que les Scribes et les Pharisiens en veulent, mais à Jésus lui-même.

Cependant les Scribes et les Pharisiens font semblant d’oublier qu’il est écrit dans le Livre du Lévitique au chapitre 20 : « L’homme qui commet l’adultère avec la femme de son prochain devra mourir, lui et sa complice ». (Lv 20,10). La Loi de Moïse ne punit pas seulement la femme, mais aussi l’homme adultère.

Pour revenir à la question posée, la réponse de Jésus se fait attendre. Jésus perçoit la mauvaise intention des Scribes et des Pharisiens. Il s’abaisse et écrit sur la terre. Autour de lui, ces accusateurs commencent à s’énerver ; Jésus alors se redresse, les regarde et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre ».

Jésus de nouveau s’abaisse pour écrire sur la terre. Alors les pierres leur tombent des mains. Ils s’en vont sans dire un mot, l’un après l’autre, en commençant par les plus âgés.

Et quand ils sont partis, Jésus se redresse et demande à la femme : « Personne ne t’a condamnée ? » « Personne, Seigneur ». « Moi, non plus, je ne te condamne pas ».

Chers frères et sœurs, quelles sont mes pierres que je jette aux autres ? Il n’y a pas que les pierres qu’on peut ramasser pour lapider les autres. Il existe de nombreuses pierres qui sont si facilement à portée de main.

Les mots, nos écrits, notre regard, nos critiques acerbes sont des pierres qui laissent des blessures. Et comme nous ne voyons pas de sang couler ni de corps s’effondrer, comme nous n’entendons pas de gémissement, nous remarquons peu les blessures causées par de telles pierres. L’indifférence, la discrimination et nos petites querelles en famille sont des pierres qui laissent des cicatrices. Elles ne sont jamais remarquées par ceux ou celles qui les lancent, mais elles sont douloureusement remarquées par ceux et celles qui les ressentent.

Contrairement à l’attitude de condamnation des Scribes et des Pharisiens, Jésus enseigne l’amour et la miséricorde. Jésus veut montrer en pratique ce que signifie sa mission : « Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3,17 ; cf. Jn 8,15 ; Jn 12,47).

Jésus ne minimise certainement pas l’adultère. Pour lui aussi, il s’agit d’une faute grave. Toutefois, il ne voit pas sa conséquence dans le fait de punir la femme adultère, mais de lui permettre de prendre un nouveau départ. Jésus donne à cette femme un nouvel avenir, ne l’enferme pas dans son passé, lui donne une chance d’être restaurée dans sa dignité.

Et pour terminer, remarquons que Jésus ne dit pas à la femme, « je te pardonne » mais « Moi, non plus, je ne te condamne pas ». Qui avait le droit de pardonner la femme adultère ? Certainement pas Jésus, mais le mari trompé !

Dans le roman « Le Filet », le mari trompé nous a appris à quel point nous avons tous besoin de pardon et d’amour. Il a tendu un filet qui a rattrapé sa femme en toute sécurité. Le filet est un signe de l’amour qui pardonne, d’autant plus qu’avec des pierres, on peut aussi construire des maisons.

Si nous faisons des filets du pardon et d’amour, nous deviendrons l’un pour l’autre une habitation et un refuge. N’oublions pas non plus la dernière parole de Jésus à la femme : « Va, désormais ne pèche plus ». Vous connaissez peut-être le proverbe : « On ne lance pas de pierre quand on vit dans une maison de verre. »