Jésus ressuscité apparaît aux onze apôtres et il leur dit : « la paix soit avec vous ». C’est le même souhait que les Juifs comme les musulmans s’adressent aujourd’hui quand ils se rencontrent : c’est la shalom chez les Juifs et le salam aleikoum chez les musulmans. Mais ici c’est un peu particulier. C’est Jésus ressuscité qui apparaît. Les apôtres sont terrifiés. Ils se demandent si ce n’est pas un fantôme qui leur apparaît, un esprit qui revient du monde des morts et qui risquerait de les entraîner avec lui dans la destruction. Jésus les rassure : la paix soit avec vous ! Mais les apôtres ne sont pas rassurés. C’est Jésus qui est devant eux. Or, si Jésus est mort sur la croix, c’est un peu de leur faute. Ils l’ont abandonné. Ils l’ont laissé entre les mains des pharisiens et de la foule. Ils n’ont rien fait pour le sauver. Ils ont peur que Jésus soit venu se venger de cette lâcheté. Alors Jésus les rassure : il leur apporte la paix.
Mais c’est quoi, cette paix ? C’est beaucoup plus que l’absence de guerre ou de vengeance. On s’en doute bien. C’est plus que une promesse de réconciliation. C’est la promesse d’une vie à nouveau unie et fraternelle. Oui, la paix, c’est beaucoup plus que la fin de la guerre. C’est quelque chose qui est lié à une bonne entente et à une ambiance de confiance. La preuve en est la question que le roi David a posée à son général Urie qui était de passage chez lui. C’est la guerre. Urie est en campagne avec l’armée, mais le roi David l’a rappelé parce qu’il veut lui parler. Et le roi lui demande comment va la shalom de la guerre, la shalom de l’armée et la shalom personnelle d’Urie (2 Samuel 11, 7). On la voit : à trois reprises, David pose la question de la shalom et c’est chaque fois dans un contexte différent : la guerre, l’armée et Urie. En d’autres termes, David demande comment va la guerre, c’est-à-dire s’il y a des victoires ou des défaites. Il demande ensuite comment va le moral de l’armée, si les soldats ont tout ce qu’il faut et si leur moral est bon. Il demande enfin comment va Urie, s’il tient le coup dans les tranchées, s’il garde un bon courage dans les batailles. C’est un peu tout cela, la paix, la shalom en hébreu. C’est le bien-être personnel, la réussite professionnelle et amoureuse, même au milieu des pires difficultés.
C’est facile à imaginer. Il y a des moments comme cela où on est ensemble, en famille ou avec des amis. On n’a plus le poids de la méfiance ou de la contrainte. On peut se laisser aller, parler sans peur et sans crainte. La paix est alors fondée sur la confiance que l’on a l’un dans l’autre. Mais il y a plus : cette paix n’élimine pas nécessairement toutes les disputes et toutes les difficultés. La preuve en est que le roi David parle de la shalom de la guerre et de l’armée. Mais on peut vivre dans la paix tout en étant plongé dans les difficultés, parce que l’on sait qu’on n’est pas tout seul, qu’il y a quelqu’un près de nous qui est avec nous. C’est comme Jésus ressuscité avec les onze apôtres. Il leur souhaite la paix, c’est-à-dire qu’ils soient tellement sûrs de son amour qu’ils puissent se sentir en confiance avec lui. Et c’est ce que nous chantons parfois : « sûrs de ton amour et forts de notre foi, Seigneur, nous te prions ». C’est cela qui nous rend forts au milieu des difficultés : savoir que Dieu nous aime. C’est ainsi que jamais nous ne serons abattus. Nous pouvons nous tromper, nous pouvons perdre la partie, mais il restera toujours la présence de Dieu auprès de nous, et nous pourrons recommencer. Et c’est ce que nous allons nous souhaiter les uns les autres juste avant de recevoir la sainte communion : la paix du Christ. Non pas une paix qui serait simplement la fin de la guerre ou de la rancune entre nous, mais le début d’une nouvelle vie ensemble, basée sur la certitude que Dieu t’aime, toi, mon voisin, comme Dieu m’aime aujourd’hui et qu’ensemble nous sommes frères et sœurs, et que rien jamais ne pourra nous détruire parce que l’amour de Dieu est plus fort que la mort.
Philippe Henne