Deuxième dimanche de Pâques

Auteur: Laurent Mathelot
Date de rédaction: 24/04/22
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

On a pour habitude de cacher sa souffrance, comme s'il y avait là quelque chose de honteux. Combien sont-ils ici qui pleurent une fois seuls ; combien sont-elles qui endurent des blessures sans rien dire ?

Touche mes plaies. « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté. » Le Christ n'a pas honte de sa Crucifixion. Le Ressuscité ne cache rien de ses souffrances. Il a pourtant été humilié, traité comme un moins que rien. Jésus ne cache pas ses blessures, au contraire, il les montre.


Les psychologues nous diront sans doute qu'il est normal d'avoir honte d'une agression, d'une humiliation, d'un mépris ; que c'est là le reflet d'un sentiment d'impuissance, celui de n'avoir pas pu un temps faire face, la honte d'avoir subi un mal sans pouvoir ou savoir réagir. De même en ce qui concerne la maladie ou la dépression : toute souffrance est humiliante et sans doute faut-il avoir ressuscité de ses blessures pour oser les exhiber. Touche mes plaies. « Avance ta main, et mets-la dans mon côté. »

Beaucoup de miracles apparaissent comme la guérison inexpliquée de maladies  corporelles – on pense notamment aux guérisons de Lourdes – actuellement, je crois que nous sous-estimons les miracles spirituels, la guérison de dépressions, le relèvement presqu'incompréhensible de gens spirituellement à bout … Il semble que la maladie de notre temps soit le burn-out, l'épuisement de l'esprit qui induit celui du corps. C'est sans doute un symptôme de notre monde déspiritualisé. Avez-vous remarqué que c'est le mécanisme inverse de la foi – elle qui relève les corps par le ravissement de l'Esprit ? Touche mes plaies, toi qui n'en peux plus, toi qui n'a plus d'espoir, toi qui ne crois plus en rien.  Touche mes plaies.

Il faut – je crois – nous efforcer de témoigner de nos souffrances et de nos blessures. Il faut , parce que cela va en aider d'autre, dire comment de drames nous avons été relevés, comment la foi nous a permis de tenir bon, de maintenir une lampe allumée au fond du désespoir, de refaire spirituellement surface, de revivre !

N'ayons pas honte de vos blessures, montrons vos plaies, assumons vos faiblesses passées. Et allons dire au monde nos guérisons. Montrons comment, de la peine, on regagne la joie.


Et même si la souffrance nous a un temps incliné au péché, et même si, n'en pouvant plus, nous avons sombré dans des quêtes de satisfaction tant désordonnées qu’immédiates, acceptons une certaine mise à nu de notre âme. Allons dire au gens que le Christ relève les morts et qu'il va rechercher ceux qui s'égarent. Témoignons de la puissance miraculeuse et miséricordieuse de Dieu. Racontons nos résurrections.
Au diable la fausse pudeur ! A Dieu, la puissance qui redonne vie.

Notre communion autour de cette table est une communion de faibles redevenus forts, de gens blessés que la foi a rendu à l'espérance et à la vie. Le Christ lui-même est l'un des nôtres, lui qui ne voulait que l'amour et a été injustement méprisé. Tous et toutes sans doute, nous avons subi le mal et certains ici ont été hélas humiliés, d'autres littéralement crucifiés par manque d'amour. Certains s'affrontent peut-être encore à la désespérance – « Éloigne de moi cette coupe ! » – d'autres pensent peut-être déjà que tout est perdu – « Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ».

C'est pour eux qu'il convient d'abandonner la honte de nos maux ; c'est pour eux qu'il faut tomber toute fausse pudeur sur nos souffrances passées ; c'est pour eux que nous devons être témoins du pouvoir de résurrection de l'amour de Dieu.

Il n'y a que comme cela que nous convaincrons les incrédules. Ce n'est pas par de longs discours et de volumineux traités de doctrine que nous rallierons au Christ les égarés ; c'est en leur disant « Voilà mes souffrances, telle était mon humiliation, et voici comment Dieu m’en a relevé. »

Jamais Thomas n'a été aussi proche du Christ que le doigt posé sur ses blessures.
Jamais personne qui n'y croit plus, ne revient à la vie, sans un témoignage concret de résurrection.

Touche mes plaies. « Avance ta main, et mets-la dans mon côté. »