L’Evangile d’aujourd’hui est un appel à l’unité et pourtant, quand Jésus lance cet appel, il a devant les apôtres qui sont tous bien différents. Il y a Pierre qui est généreux et spontané. C’est lui qui a proclamé à Césarée de Philippe que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu. Il est comme une trompette qui sonne fort et clair. Mais il est aussi celui qui, par trois fois, a trahi Jésus au cours de sa Passion. Il était généreux, mais plus impulsif que réfléchi. Il y a – et il ne faut pas l’oublier – Jacques et Jean, que l’évangile appelle les fils du tonnerre, sans doute parce qu’ils étaient colériques et sanguins.
Et, en plus, ils cherchaient les premières places. Ce fut leur mère qui demanda à Jésus de leur réserver les postes les plus importants dans le nouveau gouvernement que le Messie allait créer quand il aurait rétabli le royaume d’Israël. Ils sont les grosses caisses qui font beaucoup de bruit et qui s’imposent par leur vacarme. Il y a enfin Jean, le disciple que Jésus aimait. C’est lui qui accompagna saint Pierre le dimanche de Pâques quand tous deux ont couru vers le tombeau. Mais, comme il était le plus jeune, il arriva le premier. Il ne s’est pourtant pas précipité dans le tombeau pour voir tout de suite ce qu’il y avait. Non, il a attendu que Pierre arrive et c’est seulement après que Pierre pénètre dans le tombeau que lui aussi entre dans la pièce. Il est comme la harpe qui ne fait pas beaucoup de bruit, mais qui peut adoucir les gens autour de lui.
Tous ces apôtres sont bien différents, car il faudrait encore mentionner Matthieu, le percepteur d’impôts, qui connaissait bien la mentalité de ses compatriotes puisque c’est lui qui écrivit un évangile plus précisément destiné aux juifs attachés à la tradition et à la Loi de Moïse. Il était comme le violon qui joue discrètement sa partition mais qui peut soutenir les efforts des autres instruments.
Car c’est bien cela, l’appel à l’unité que Jésus lance à ses apôtres et à chacun d’entre nous. Ce n’était une unité basée sur la conformité de chacun à une règle ou à un règlement extérieur. Ce n’était pas non plus une unité basée sur l’uniformité où chacun devait dire et faire exactement la même chose que les autres. Ce n’était pas non plus une unité qui faisait disparaître chaque personne dans un magma informe et monochrome.
C’était une unité comme celle qui existe à l’intérieur de la Trinité où chacun reste ce qu’il est, mais contribue à sa façon à la bonne marche de l’ensemble. Le Père reste ce qu’il est, comme le Fils et le Saint-Esprit. Ils sont tellement différents qu’ils ont chacun un nom propre, mais ils sont tous réunis dans un même élan d’amour l’un pour l’autre. Et c’est cette unité que les apôtres et nous-mêmes, nous sommes invités à imiter, en restant ce que l’on est tout en se donnant pour la bonne marche de l’humanité.
Et c’est cela qui transforme une grosse caisse bruyante en un instrument qui marque le pas dans une longue marche et qui souligne les moments importants d’une musique que l’on joue. Il en est de même pour la trompette qui éclate à tout moment et agresse les oreilles de tout le monde. Elle se transforme en instrument qui réveille les ardeurs au bon moment et qui indique la route qu’il faut suivre. Et le violon qui, tout seul, reste inaudible, devient, quand il est joué avec d’autres violons, un délicieux soutien de tout l’orchestre.
Tel est l’appel à l’unité lancé par Jésus à ses disciples et à toute l’Eglise, non pas pour disparaître dans une foule anonyme de croyants, mais pour devenir les instruments d’un grand ensemble, où chacun, avec ses caractéristiques propres, exprimera le meilleur de lui-même sans vouloir dominer les autres, ni prendre leur place. Le violon n’est pas une grosse caisse, mais tous deux peuvent participer à la célébration de l’amour de Dieu pour chacun d’entre nous.
Philippe Henne