21ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

Il n’y a rien de plus fatiguant que d’avoir en face de soi quelqu’un qui est toujours sûr de lui, toujours prêt à vous expliquer qu’il est plus malin que les autres. Il est inutile de vouloir le corriger ou de lui apporter un complément d’informations. Il en sait toujours plus que tout le monde et, seule, son opinion l’intéresse. Il est heureux d’être ce qu’il est et il n’a besoin de personne. Dans de telles conditions qu’est-ce que Dieu pourrait bien lui apporter ?

            Serait-ce à ces gens-là que Jésus pense quand ils parlent de ceux qui sont tellement riches qu’ils n’ont plus besoin de son amour ? Peut-être, mais il y a d’autres formes plus subtiles de fausses richesses. Ce sont celles de nos habitudes devenues tellement lourdes et encombrantes qu’elles prennent toute la place dans notre cœur et qu’elles nous empêchent d’accueillir les autres. Ce serait un peu comme un jeune homme qui vient de se marier et qui dit à son épouse : « Chérie, je t’aime, mais tous les soirs je serai avec mes copains et tous les dimanches je serai au club de football. » Que reste-t-il comme place pour la pauvre jeune fille, ainsi délaissée, reléguée dans un coin obscur de cet agenda bien chargé ?

            Ce n’est pas ce que Dieu a fait pour chacun d’entre nous. Il a accepté de quitter le confort du ciel et la cour céleste des anges autour de lui. Il a pris le risque de vivre parmi nous, de connaître de belles amitiés, mais aussi de subir de terribles rebuffades. Il a accepté tout cela parce que, pour lui, vivre, c’est aimer, et aimer, c’est accepter d’écouter et de découvrir chez l’autre un trésor merveilleux. C’est ce qu’il a fait avec des gens dont on ne parle presque pas dans l’évangile. Des gens, comme les apôtres Philippe ou Barthélemy. Jésus les avait pourtant appelés à le suivre, et ils l’ont fait, non pas pour acquérir la gloire d’être partout cités et montrés en exemples, mais tout simplement parce que, pour eux, c’était merveilleux de suivre Jésus, d’être avec lui. Pour eux, cela suffisait.

            Il y a tant d’hommes et de femmes qui ont aimé et suivi Jésus sur cette terre, et personne n’en parle, personne n’en parlera jamais. Est-ce que cela veut dire qu’ils sont perdus, noyés dans l’oubli ? Non, la Bible le dit explicitement : Dieu nous connaît chacun par notre propre nom, et notre nom est même inscrit sur la paume de sa main, c’est-à-dire que, quoi qu’il fasse, Dieu a notre nom devant ses yeux. Nous ne sommes pas oubliés, nous sommes toujours présents devant Dieu. Cela a toujours été un sujet d’étonnement pour les juifs : si Dieu connaît toutes les étoiles du ciel par leur nom, il connaît aussi chacun d’entre nous par notre propre nom.

            Dieu aurait pu rester dans la richesse de sa puissance. Il ne l’a pas voulu parce qu’il est amour et que l’amour, ça se partage, et qu’ainsi, par le partage, cela grandit, cela s’accroît. Dieu me fait penser à un collègue que j’ai bien connu. Il m’a un jour : « je travaille toujours, mais on ne dérange jamais. » Quoi de plus beau sur la terre que d’avoir toujours quelque chose à faire, mais aussi d’être toujours capables d’être dérangés, c’est-à-dire accueillants et bienveillants pour tous ceux qui vivent avec nous ?

            L’eucharistie de ce jour est encore une fois un bel exemple de cette disponibilité : Dieu, le Créateur du ciel et de la terre, le maître de l’histoire, se donne à nous, à chacun d’entre nous, personnellement, et il nous dit : « pour moi, tu es unique au monde. »