24ème dimanche du temps ordinaire

Auteur: Stéphane Braun
Date de rédaction: 11/09/22
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

Trois histoires successives qui nous semblent bien connues parce que familières. Un peu des histoires de familles, ou de celles que nous connaissons. 

L’histoire d’une brebis perdue, d’un enfant qui rencontre des difficultés, qui a difficile à suivre pour des tas de raisons, d’un enfant qu’il faut aller chercher là où il se trouve pour le ramener dans le groupe.

Ou l’histoire d’un objet nécessaire tombé des mains et qui a roulé on ne sait où. On cherchera à quatre pattes dans toute la pièce pour le retrouver.

Et enfin cette histoire appelée du « fils prodigue ». Un père dont les affaires marchent bien a deux fils. L’ainé a grandi « comme il faut », comme on l’aimerait dans toutes les familles, un peu le gendre idéal. Education sans soucis, intérêt pour l’entreprise paternelle, etc. … Et le second a comme on dit « pété les plombs », demandé sa part d’héritage, tout dépensé et revenu tout penaud pour être accueilli à bras ouverts par le père.

Voilà un résumé au premier degré de trois histoires qui finissent bien et dont on peut se réjouir. Trois histoires d’inquiétude et de joie, de pertes et de retrouvailles, d’absence et de retour, mais il s’agit de paraboles, racontées par jésus lui-même pour nous faire entrer dans la réalité de Dieu au cœur fragile de notre humanité.

Alors quel est cet héritage demandé par le plus jeune fils ?  La loi juive de l’époque privilégiait le fils ainé et mettait déjà le cadet un peu hors des responsabilités. Il avait droit à un tiers de la fortune du père alors que l’ainé recevra les deux tiers plus le patrimoine à gérer. La vie familiale prévue n’intéresse pas le cadet. Il demande son indépendance. De quoi mener la vie qu’il veut, de claquer son pognon sans rendre des comptes, de vivre sans liens, sans références ? Les règles d’héritage sont au cœur de toutes nos organisations humaines de transmission après la mort. Que restera t’il après moi de ce qui m’a été transmis, que j’ai construit, que j’ai aimé, qui ne meurt pas, etc… Jésus nous conduit au-delà des règles civiles et de l’usage qu’on en fait dans une tout autre démarche. La parabole nous met au cœur de cette longue histoire de l’humanité qui prend conscience depuis des milliers d’années qu’elle a la liberté d’aimer et d’être aimée.

Que cet amour a une source inépuisable que les chrétiens appellent Dieu. L’héritage est un cadeau inestimable car il est don de Dieu lui-même. L’accepter engendre la très grande responsabilité de le faire fructifier et le transmettre.

L’usage de l’héritage décrit dans l’évangile n’est pas une bonne nouvelle. C’est une expérience du dérisoire, du futile, de l’héritage qui ne l’est pas.  Au lieu d’inscrire dans une histoire, une tradition, il rompt une alliance et s’autodétruit.

En rejetant ses racines, le fils cadet fait l’expérience la plus dure que l’on puisse faire : celle de ne plus exister, de n’avoir plus de sens, d’être vide, une épave déshumanisée, même inférieure aux porcs dont il partage la nourriture.

Vient alors le miracle des retrouvailles. D’un côté un fils perdu, épuisé, conscient de son malheur et de ses torts. Il prépare ses mots d’excuse avec une peur de l’accueil. Son choix est entre vivre et mourir.

De l’autre côté un père, Dieu le père. Il attendait patiemment, avec confiance, que s’amorce le chemin des retrouvailles. Mais pas un chemin à sens unique, chemin d’humiliation d’une partie qui se sait coupable et chemin de l’autre qui attend une reconnaissance de torts. Mais un chemin de rencontre qui se fait l’un vers l’autre. Celui du père qui peut voir à l’horizon celui qui maladroitement vient vers lui.  Et celui du fils qui découvre en cours de route des bras ouverts pour l’accueillir. La marche devient alors course. Ils se jettent dans les bras l’un de l’autre et c’est la fête.

Rencontre extraordinaire d’un fils, conscient de ses torts, qui rebrousse chemin et cherche des mots d’excuse en craignant la réaction d’un père,

En face de son père, Dieu son Père, qui vient à sa rencontre, ne lui dit rien, ne lui fait aucun reproche mais le sert dans ses bras grands ouverts, lui fait mettre sur les épaules le vêtement signe d’autorité, aux pieds, les sandales de l’homme libre et au doigt, l’anneau de l’alliance.

Bourvil nous chantait : « On peut vivre sans richesses, presque sans le sou, …  Mais vivre sans tendresse, on ne le pourrait pas, … ».

La tendresse se donne et se reçoit.  La rencontre se fait quelque part sur le chemin de notre liberté. Amen