26ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 25/09/22
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

Il était une fois... un jour où il faisait effroyablement froid ; il neigeait depuis le matin. Le soir approchait, c’était le soir du dernier jour de l'année. Au milieu des rafales, par ce froid glacial, une pauvre petite fille marchait dans la rue ; elle n'avait rien sur la tête, elle était pieds nus. Les pieds de la pauvre enfant étaient devenus rouges et insensibles. Elle portait des allumettes qu'elle protégeait dans son vieux tablier. Personne hélas ne s'arrêtait pour considérer l'air suppliant de la petite. La journée finissait, et elle n'avait pas encore vendu un seul paquet d'allumettes ; personne ne lui avait fait l'aumône de la moindre pièce de monnaie. Tremblante de froid et de faim, elle se traînait de rue en rue ; elle était l'image même du malheur et du désespoir. De chaque maison, sortait l'odeur de la dinde qui cuisait dans le four. Elle aperçut un recoin, où elle s'assit et se blottit cachant ses pauvres pieds sous sa jupe ; elle grelottait et frissonnait de plus en plus. L'enfant sentant ses mains geler peu à peu, décida d'allumer une allumette. Quelle flamme merveilleuse. La première flamme l'a fait rêver d'un grand poêle bien chaud, la deuxième d'un repas festif et d’un sapin lumineux et enfin avec la troisième, elle vit sa grand-mère qu'elle aimait tant. A cette dernière, elle supplie : "grand-mère, emmène-moi". Touchée par la supplication de sa petite fille, la grand-mère prit la petite dans ses bras et, s'élançant dans les airs, elle la porta bien haut, bien haut, en un lieu où il n'y a plus ni le froid, ni la faim, ni le chagrin ; c’était devant le trône de Dieu. Le matin, des passants ont trouvé le corps de la petite ; elle était morte de froid, pendant la nuit. Ils ignoraient que, même si elle avait bien souffert durant sa trop courte vie, elle goûtait maintenant dans les bras de sa grand-mère le plus doux des bonheurs.

N'est-il pas merveilleux de découvrir que le conte d'Andersen "la petite fille aux allumettes" a quelques ressemblances avec l'homme riche de l'évangile. Mais qu'est-ce qu'on lui reproche à ce riche ? Il ne faisait rien de mal, c'est vrai. Il vivait sa vie à sa manière, profitant de sa propre fortune.  Où est alors le problème ?  En fait, son problème est qu’il ne faisait rien du tout. Et nous voici au cœur de la problématique de la parabole que nous venons d’entendre. L'homme riche s'était enfermé dans son petit monde à lui. Il l'avait peut-être même un peu verrouillé. Il acceptait tout simplement que Lazare fasse partie du paysage, simplement comme les quelques mauvaises herbes éparpillés dans sa pelouse. Il lui semblait tout à fait naturel voire inévitable que Lazare puisse vivre en souffrant et en ayant faim alors que lui se complaisait, se vautrait dans ses richesses matérielles. L'homme riche était capable de porter un regard rapide sur la misère du monde sans chercher à s’en émouvoir. Il ne fit rien pour changer tout cela. Voilà la raison qui le conduisit en enfer : il n'avait rien fait de mal, c'est vrai. C'était encore pire, il n'avait rien fait du tout. Son drame était la cécité du cœur.  Il était atteint de sclérocardie. Cet aveuglement, cette dureté du coeur peut également nous menacer quand nous nous enfermons dans notre petit confort intérieur. Les « on n'avait pas vu », « on ne s'en était pas rendu compte », n'ont pas leur place au Royaume de Dieu. L’homme riche n’a même pas un prénom.  Peut-être est-ce, dans le chef du Fils de Dieu, de nous inviter à nous mettre précisément dans la peau de cet homme riche.  Ce dernier n’avait pas compris, comme le souligne Erich Fromm, sociologue et psychanalyste américain d’origine allemande dans son livre L’art d’aimer, que l’homme riche n’est pas celui qui possède mais plutôt celui qui donne.  S’il en est ainsi, quels que soient nos avoirs, toutes et tous, nous pouvons devenir des êtres riches.  Pour ce faire, il nous suffit de donner et ce, en fonction de nos moyens respectifs.  Avoir le don toujours en ligne de mire.  Donner, non pas par charité qui nous mettrait sur un piédestal mais plutôt donner par solidarité, c’est-à-dire d’entrer dans une relation où chacun est reconnu pour ce qu’il ou elle est.  Nous entrons ainsi dans une relation égalitaire où toute dignité est respectée. Devenons chacun et chacun des êtres riches, riches du don de ce que nous sommes et possédons.  Le don est par définition le sens même de la résurrection.  Amen.