Chers frères et sœurs,
Peter Wust (1884-1940) était un professeur à l’Université de Münster en Allemagne. Atteint d’un cancer, lorsque ses étudiants lui demandèrent un mot d’adieu, il écrivit : « Si vous deviez me demander, avant que je ne parte définitivement, si je ne connais pas une clé magique qui pourrait vous ouvrir la dernière porte de la sagesse, je vous répondrais : Bien sûr. Et cette clé magique n’est pas la réflexion, comme vous pourriez l’attendre d’un philosophe, mais la prière. La prière, prise comme l’ultime abandon à Dieu, rend silencieux… Les grandes choses de l’existence ne sont offertes qu’aux esprits qui prient ». Quel grand mot d’adieu !
L’Évangile du 7e dimanche de Pâques s’inscrit dans la même logique où il est question de la grande prière d’adieu de Jésus à son Père. Cette prière est un point culminant de l’Évangile de Jean. Cependant, Jésus n’a pas écrit un discours d’adieu, mais Il prie. Dans cette prière, Jésus ne parle pas « avec » ses disciples, mais il parle d’eux au Père. Il s’adresse au Père : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie » (Jn 17 1b).
Dans sa prière d’adieu, nous ressentons la proximité de Jésus avec son Père. Cette prière donne un aperçu intime de la relation personnelle de Jésus avec Dieu, son Père. Elle est particulièrement évidente dans le verset suivant : « Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi » (Jn 17, 10).
La prière de Jésus peut devenir un modèle de prière pour nous. Arrivé au terme de la mission qu’il avait reçue, Jésus rend Gloire à son Père et prie pour les personnes qui lui tiennent beaucoup à cœur, à savoir ses disciples : « Moi, je prie pour eux » (Jn 17, 9). Dans sa prière, Jésus place en quelque sorte les personnes qui lui sont chères devant Dieu, son Père et les confie à sa garde. Enfin, Jésus parle aussi de ce qu’Il a fait et de l’œuvre que le Père lui a confiée.
Pour Jésus, la prière est le fondement de toute son action, la racine de son amour pour les hommes et les femmes, la source de sa foi. Toute la vie et la mort de Jésus sont une prière, un dialogue intime avec Dieu.
Tous les quatre Évangélistes parlent de la prière de Jésus. Il arrivait souvent que Jésus se retire de la foule dans la solitude, dans le silence de la nuit, sur la montagne pour prier. La prière était importante pour lui. Il le dit clairement dans de nombreuses exhortations dans les Évangiles.
Jésus priait de telle manière que ses disciples lui ont un jour demandé : « Seigneur, apprends-nous à prier » (Lc 11, 1). Une fois, Jésus prie en raison d’une profonde détresse intérieure : « Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? ‘Père, sauve-moi de cette heure’ – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! » (Jn 12, 27). Une autre fois, Jésus pousse brusquement un cri de joie en priant : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Mt 11, 25). Ce sont là, un modèle des prières libres ou spontanées de Jésus.
D’autre part, il est dit aussi de Jésus : « Selon la coutume, il entra dans la synagogue le jour de sabbat » (Lc 4 16). Cela signifie que Jésus pratiquait non seulement la prière spontanée, mais Il aimait aussi le rituel et la régularité tels qu’ils sont pratiqués dans la Synagogue.
Chers frères et sœurs,
Quel est le rôle de la prière dans ma vie, dans votre vie ? Comment puis-je inclure dans ma prière les personnes dont je sais qu’elles ont besoin de ma prière ?
J’ai appris à prier dès mon enfance d’abord dans ma famille et ensuite dans les cours de religion. Mes parents me disaient, prier, c’est parler avec Dieu de tout ce que tu as dans ton cœur ! Je peux me confier à lui avec toutes mes joies et mes peines, tous mes soucis et toutes mes préoccupations. Dieu, m’ont-ils assuré, répondra à toutes mes prières.
Un jour, j’ai donc sagement prié pour qu’il fasse beau lors de la prochaine fête scolaire et j’ai prié Dieu pour avoir une bonne note en mathématiques. Le beau temps pour la fête scolaire a effectivement fonctionné. À la fin de la journée, j’ai pu remercier Jésus avec une joie enfantine pour cette magnifique journée ensoleillée. Mais la bonne note en maths n’est malheureusement pas venue. Pourtant, je m’en étais remis entièrement à Dieu dans la prière. Au lieu d’étudier, je suis allé jouer avec mes amis. Dieu s’en occupera, pensais-je. J’ai été amèrement déçue. Avais-je donc fait quelque chose de mal en priant ? Non, bien sûr que non. J’ai plutôt dû me rendre compte, à mes dépens, que prier n’est pas une formule magique qui me permet d’obtenir de Dieu tout ce que j’attends de lui. « Aide-toi, le Ciel t’aidera ! », dit-on.
Chers frères et sœurs,
Peter Wust et Jésus ont laissé chacun les derniers mots. Ces mots d’adieu sont une prière. Je me suis rendu compte qu’il est très difficile de faire une prédication sur une prière. La prière est quelque chose de très personnel, un dialogue personnel avec le Dieu vivant. C’est pourquoi, pour terminer je voudrais seulement vous dire trois choses aujourd’hui qui sont très significatives et importantes pour moi :
Premièrement : Toute notre réflexion « sur » Dieu est appelée à devenir une conversation « avec Dieu ». Nous sommes invités à créer dans notre cœur un espace pour Dieu, un tabernacle où il peut demeurer.
Deuxièmement : Une chose est frappante dans la prière de Jésus, c’est la manière dont il désigne ses disciples au Père. Jésus ne dit pas au Père : « mes disciples », mais il utilise une expression tout à fait étrange : « les hommes que tu m’as donnés » (cf. Jn 17, 6). Dans l’Évangile d’aujourd’hui le verbe « donner » revient 10 fois. Chaque disciple est en quelque sorte un « don » de Dieu, un cadeau du Père à Jésus. « Les hommes que tu m’as donnés ». Cette étrange expression signifie que Jésus n’a pas choisi lui-même ses disciples, Il s’est laissé « donner » par le Père.
Voici deux exemples : Il est écrit dans l’Évangile que Jésus s’est rendu sur la montagne où il a passé toute une nuit à prier Dieu. En parlant avec son Père, Jésus se fait indiquer par lui qui il doit choisir. Et lorsqu’il redescend de la montagne, il choisit effectivement les Douze (cf Lc 6, 12) ; et l’affaire est réglée. Le deuxième exemple est tiré des Actes des Apôtres. Nous venons d’entendre dans la première lecture le passage où les disciples, entre l’Ascension et la pentecôte, s’assoient avec Marie dans une maison à Jérusalem et prient pour l’Esprit-Saint. En ces jours, le douzième Apôtre est élu. En effet, il fallait en élire un pour remplacer Judas. Les disciples présentent deux candidats, puis ils prient :
« Toi, Seigneur, qui connais tous les cœurs, désigne lequel des deux tu as choisi » (Ac 1, 24). Puis ils tirent au sort, et c’est Matthias qui est choisi. Toutes nos actions humaines qui ne commencent pas par la prière, restent vaines et vides de sens.
Troisièmement : S’il est vrai que les disciples sont des personnes que le Père a données à Jésus, alors chacun d’entre nous, ici dans l’église, est un « don » de Dieu à Jésus. « Moi, je prie pour eux », dit Jésus dans sa prière. Jésus prie pour toi, ici et maintenant. C’est aussi l’assurance avec laquelle nous pouvons avoir confiance à Dieu. Nous sommes un cadeau du Père à Jésus, et il prie pour nous. Amen.